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titution de l'Angleterre. En second lieu, M. Michaud, assurant que jamais cette charte (il falloit dire ces deux chartes) n'eût été accordée par le roi Jean sans l'influence redoutable et les conseils impérieux du souverain pontife, est ici hautement contredit par tous les témoignages de l'histoire, qui nous montrent la concession de Jean-sans-terre comme ayant été arrachée par une ligue de ses sujets, laquelle ligue, bien loin d'ètre favorisée par la cour romaine, fut au contraire frappée à plusieurs reprises des anathèmes d'Innocent III. C'est un fait tellement prouvé, qu'il est superflu d'indiquer ici les témoignages allégués par les historiens anglais, Hume, Smollett, et par l'auteur français de la Rivalité de la France et de l'Angleterre. En général, il nous semble que M. Michaud est trop disposé à atténuer certains effets de l'influence pontificale, que les plus judicieux d'entre les écrivains catholiques ont regardés du même œil que les plus modérés des protestans. Ainsi, lorsque, parlant des premières démarches du pontificat de Grégoire IX, M. Michaud se contente de dire que ce pape avoit les lumières, les vertus et l'ambition d'Innocent III, j'ose croire qu'il y a ici excès d'indulgence ou de faveur, et qu'en traitant ainsi un pontife dont les vues étroites et la vaste ambition mirent l'Europe en feu, notre auteur n'est suffisamment juste ni envers Grégoire IX, ni envers Innocent III. Ailleurs, M. Michaud, parlant des missionnaires expédiés par le pape Innocent IV pour exhorter les fidèles à tourner leurs armes contre les Sarrasins, les qualifie anges de la paix, et c'est peut-être abuser un peu des termes et de la vérité. C'est par un contraire abus que, dans un autre endroit, M. Michaud dit : Louis IX, plus saint que l'Eglise elle-même; et je crois qu'il falloit ici soigneusement distinguer l'Eglise, nécessairement sainte et divine de sa nature, d'avec ses chefs ou ses ministres, qui, dans le moyen âge, la firent souvent agir et parler au gré de leurs intérêts et de leurs passions tout hu

maines.

Je me suis assez occupé du fond de cet ouvrage : je serai moins long en ce qui concerne la forme, à laquelle je ne saurois donner que des éloges. La diction de M. Michaud, pleine, abondante, harmonieuse, est généralement d'une élégance et d'une pureté remarquables. On n'y aperçoit nulle part des traces de cette affectation, de ce néologisme, qui semblent composer le langage à la mode et l'éloquence du jour. Les précieuses qualités que nous venons de reconnoître, se faisoient également distinguer dans les deux premiers volumes de cet ouvrage; mais elles brillent ici d'un éclat plus vif, et le style a pris en même temps plus de mouvement et de couleur. Ce dernier mérite nous a paru sur-tout sensible, et provient sans doute de ce que l'auteur, mieux

instruit de son sujet et plus familiarisé avec les sources par une étude plus longue et plus approfondie, a pu donner à ses récits la vérité locale qui les anime, et peut-être aussi de ce que, plus libre et plus décidé dans ses opinions, il a su en imprimer à son style une teinte plus fortement prononcée. Il semble que l'impression qui résultoit de la lecture de ses deux premiers volumes, étoit celle d'une sorte d'incertitude dans les opinions. On ne voyoit pas bien clairement dans quelle intention il écrivoit; et si l'esprit de système nuit quelquefois à l'historien, en lui faisant subordonner tous les faits à une idée unique, il est certain que l'absence de cet esprit nuit davantage à l'écrivain, dont elle rend la diction foible, languissante et décolorée. Mais, dans le nouveau volume que publie M. Michaud, ses intentions sont mieux marquées, son objet plus évident; il n'écrit pas l'histoire d'un siècle tout poétique et tout religieux avec les idées et les préjugés du nôtre; et cette manière plus décidée et plus franche d'envisager les faits donne au style de l'auteur plus de fermeté et de couleur

RAOUL-ROCHETTE,

Dictionnaire des sciences mÉDICALES, par une société de médecins et de chirurgiens, MM. Adelon, Alard, Alibert, Barbier, &c. (voyez Journal des Savans, mars 1817, pag. 190), tome XIX. Paris, C. L. F. Panckoucke, rue Serpente, n.o 16, 1817.

Les noms des hommes qui travaillent à la composition de ce dictionnaire, doivent inspirer de la confiance. Ils sont pour la plupart trèsavantageusement connus des personnes livrées à l'étude et à la pratique de l'art de guérir, et de toutes celles qui, par goût, cultivent quelque genre de science. M. Panckoucke, dont le père entreprit l'Encyclopédie méthodique, que la mort ne lui permit pas de terminer, et qui cependant sera bientôt achevée par les soins de sa fille, a voulu enrichir le public et la librairie d'un ouvrage qui marquât parmi ceux que consulte le desir de s'instruire sur des objets d'une grande utilité, c'est-àdire, sur tout ce qui concerne la santé.

Le 19. tome vient de paroître; la publication du premier date de cinq ans. On voit à la tête de celui-ci un prospectus par M. Pariset, et ensuite un tableau de la distribution que les auteurs se sont faite des différentes parties qu'ils doivent traiter.

Une longue introduction précède les articles; elle est de M. Renauldin, un des rédacteurs. En la commençant, il en donne lui-même l'analyse en ces termes: «< Tracer une esquisse rapide des principales destinées » de cet art, exposer les services importans des hommes qui l'ont illustré » en reculant ses bornes, dévoiler les erreurs qui ont retardé sa marche et ses progrès, passer en revue les différens systèmes qui ont mo» difié ses méthodes, signaler l'influence qu'ont eue les grandes dé>> couvertes sur sa réforme, parcourir la série des maladies nouvelles, » des médicamens exotiques qui ont agrandi son domaine, rappeler » les secours utiles que lui ont prêtés les sciences accessoires pour >> concourir à son perfectionnement, suivre enfin ses pas jusqu'à l'époque » actuelle, en jetant un coup-d'œil sur ce que chacune de ses diffé» rentes branches offre de plus remarquable: telle est la tâche que nous » nous sommes imposée dans cette introduction. » L'auteur, après avoir dit quelque chose de la manière dont l'homme, dans l'état de nature, a été déterminé à faire usage de remèdes, lorsqu'il en éprouvoit le besoin, expose les notions qu'on a acquises sur l'origine et la marche de la médecine chez les différens peuples, tant anciens que modernes. Il insiste davantage sur ses progrès dans les siècles les plus rapprochés du nôtre, parce que ces progrès sont mieux connus, plus étendus, et d'autant plus rapides, que toutes les sciences ont concouru à son perfectionnement.

N'ayant à parler que du 19. tome, j'observerai seulement que parmi les articles qu'il renferme, il y en a de très-intéressans; entre autres, les mots goût, considéré physiquement, par MM. Chaussier et Adelon, et pathologiquement par M. Pinel; goutte, par M. Guilbert; grossesse, par M. Marc; grasseyement, par M. Fournier. Le mot goutte est le plus considérable; il contient 206 pages. C'est, eu égard aux développemens, un traité qu'on pourroit regarder comme complet d'une maladie malheureusement très-commune et qu'il est bien difficile de guérir.

A en juger par le petit nombre de mots qui forment ce tome, l'ouvrage sera extrêmement volumineux; ce qui n'est point étonnant, puisqu'il doit embrasser toutes les connoissances qui ont rapport à l'art de guérir.

On sent bien qu'on ne peut donner l'extrait d'un dictionnaire, et qu'il suffit d'indiquer ce qu'il est et son utilité. Celui dont il s'agit ici, est la réunion et l'abrégé des matières importantes que contiennent les différens livres de médecine, avec l'addition des expériences et observations nouvelles. Les élèves en médecine, chirurgie et pharmacie, les professeurs et ceux qui exercent une des branches de l'art de guérir,

y puiseront également, les uns pour apprendre ce qu'ils ne savent pas, les autres pour se rappeler ce qu'ils ont appris.

Je me bornerai à dire quelque chose, d'après le dictionnaire, sur le grasseyement, article qui me paroît neuf et bien traité.

On sait que c'est une manière défectueuse d'articuler la consonne r, d'où il résulte que la prononciation des mots dans lesquels entre cette lettre, est dépourvue de netteté, de nombre et d'harmonie. L'auteur en explique les causes, qui sont, ou un vice de conformation dans la langue, ou une sorte de paresse de cet organe, qui, éprouvant une grande difficulté, cherche comme par instinct à l'éluder; ou une imitation conçue dès l'enfance, pour avoir vécu avec des personnes qui grasseyent. Il en distingue cinq espèces, dont il expose les différences par des raisonnemens physiologiques; il examine ensuite l'influence de l'idiome des peuples sur la difficulté de prononcer la lettre r, et enfin il donne des moyens de faire cesser le grasseyement, moyens qui ont eu des succès: il n'en est point l'inventeur, mais il y a ajouté de l'amélioration.

TESSIER.

ATHENIENSIA, or Remarks on the topography and buildings of
Athens, by William Wilkins. London, published by John
Murray, 1816.-Atheniensia, ou Remarques sur la topographie
et les édifices d'Athènes par W. Wilkins. Londres, &c. 1816,
I vol. in-8.o de 140 pages.

M. WILKINS, auteur de cet opuscule, est un architecte instruit, déjà connu par un fort bel ouvrage sur les antiquités de la grande Grèce (1), et par une traduction anglaise de Vitruve (Londres, 1813). Un séjour qu'il fit à Athènes en 1802, lui permit de recueillir quelques observations qui avoient échappé à Stuart: ce sont ces observations qu'il a publiées pour servir, dit-il, de supplément à la partie descriptive de l'ouvrage de cet estimable voyageur.

En tète de ces remarques, M. Wilkins a placé des considérations sur l'origine de l'architecture grecque. On y trouve quelques aperçus ingénieux. Telle est l'opinion de l'auteur sur l'origine de la colonne égyptienne il conjecture, d'après la forme que cette colonne affecte ordinairement, que l'idée en a été fournie par les joncs du Nil, qui,

(1) Antiquities of magna Græcia. Cambridge, 1807.

liés en faisceaux, servirent d'abord pour soutenir les constructions, comme l'atteste Diodore de Sicile (1). La circonférence uniformément inégale de ces faisceaux a pu donner encore l'idée de la cannelure : il remarque à ce sujet que la cannelure des colonnes s'exprimoit en grec par pál♪wors móvwv (2), expression, dit-il, qui rappelle clairement cette origine. Il est toutefois juste d'observer que ces idées, auxquelles M. Wilkins paroît attacher quelque importance, se trouvent dans l'Architecture égyptienne de M. Quatremère de Quincy, mais présentées avec toutes les restrictions dont elles sont susceptibles (3).

Les remarques de M. Wilkins ont pour objet successivement la topographie d'Athènes, la description des édifices de l'Acropolis, de l'Asty, et l'inscription relative à l'ancien temple de Minerve Poliade.

Le premier chapitre n'est, à proprement parler, que l'explication du plan que l'auteur a joint à son ouvrage : ce plan diffère très-peu de celui de M. Fauvel, reproduit dans le Voyage d'Olivier (4); il ne comprend que la ville proprement dite, et ne donne aucun détail sur les environs; aussi l'on ne doit pas s'attendre à trouver des discussions sur les longs murs qui joignoient la ville à la mer, sur la situation de la bourgade du Pirée, et en général sur la topographie des environs d'Athènes. L'auteur n'a nullement cherché à éclaircir les difficultés que présentent à cet égard les textes anciens: il seroit cependant utile de les dissiper en conciliant beaucoup de passages des poètes, des orateurs et des historiens; c'est ce que j'ai tâché de faire dans un mémoire particulier, accompagné d'un plan que je donnerai quelque jour.

Quant à la topographie intérieure de la ville proprement dite, M. Wilkins met en avant une idée, ingénieuse à la verité, mais qui ne nous en paroît pas moins insoutenable. On sait qu'à-peu-près à moitié chemin entre l'Acropolis et les bords de l'Ilissus, il existe encore une espèce d'arc dont la frise de chaque côté porte une inscription. Sur la face qui regarde l'Acropolis on lit, ΑΙΔΕΙΣ ΑΘΗΝΑΙΠΡΙΝΗΘΗΣΕΩΣΠΟΛΙΣ (5): c'est un vers ïambique qu'on ne peut lire que de cette manière : aïd' eo' Åsuva axiv ǹ Onows móns, c'est-à-dire, ceci est Athènes, jadis la ville de Thésée. Chandler traduisoit ce que vous voyez est Athènes &c. (6); ce qui prouve qu'il lisoit ainsi : & ius A. Mais cela n'est pas grec; et d'ailleurs, si Chandler s'étoit aperçu que cette ligne est un vers ïambique, il

(1) Diod. Sic. 1, 43. — (2) Aristot. Ethic. ad Nicomach. X, 3, p. 174 D. -(3) Quatremère de Quincy, Arch. Egypt. p. 27 et 110.-(4) Atlas, pl. 49. (5) Gruter. MLXXVIII, 1. Stuart, t. III, ch. xv, &c. Muratori donne HAEIΣ au lieu de AIAEIE, mais à tort. (6) Chandler's Travels, ch. xv. Notæ ad Inscript. antiq. p. xxvj.

ΗΔΕΙΣ

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