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voyages, de la géographie et de l'histoire; mais, cet ouvrage ayant été interrompu, il a jugé à propos de placer cette intéressante notice immnédiatement avant la description des monumens trouvés dans les Gaules, et nous croyons qu'il ne pouvoit effectivement donner à cette description un préliminaire plus instructif et qui fût plus d'accord avec les objets qu'elle renferme.

QUATREMÈRE DE QUINCY.

EINIGE ACADEMISCHE GELEGENHEITS-SCHRIFTEN, &c.— Quelques Écrits académiques, par M. Fréd. Ancillon, Secrétaire de la classe de philosophie de l'Académie royale des sciences de Berlin; brochure in-¿.o de 69 pages. Berlin, Duncker et Humblot, 1815.

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TROIS discours académiques, contenus dans une brochure de soixanteneuf pages, ne semblent pas, au premier coup-d'oeil, pouvoir fournir Ja matière d'un article de ce journal; mais ces discours sont de M. Ancillon, à qui notre littérature doit déjà deux très-bons ouvrages, des Mélanges de littérature et de philosophie, imprimés à Paris en 1809, et un Tableau des révolutions du système politique en Europe depuis la fin du quinzième siècle, imprimé aussi ou du moins publié dans cette capitale, en 1806 et 1807. La profondeur et la fustesse des vues qu'il y développe, la sagacité et la solidité de son esprit, nous sont garans que nous ne lirons pas sans quelque fruit ses moindres ouvrages, et qu'après avoir examiné les morceaux que nous avons sous les yeux, nous n'aurons à regretter qu'une seule chose; savoir, que M. Ancillon n'ait pas été cette fois encore fidèle à la langue de ses pères, et qu'il les ait écrits en allemand.

Le morceau qui ouvre cette brochure est un éloge de M. Klein, savant jurisconsulte et l'un des rédacteurs du Code Frédéric, né à Breslau en 1744 et mort à Berlin en 1810, membre de l'académie des sciences de cette ville. Sa vie, comme celle de la plupart des savans, offre peu d'événemens intéressans ou remarquables. Il fut successivement avocat à Breslau, conseiller d'assistance [ assistenz-rath] à Berlin, professeur de droit à Halle, et revint enfin occuper une des premières places de la magistrature [Geheimer ober-tribunals-rath] dans la capitale de la monarchie prussienne, où il mourut âgé seulement de soixante-deux ans, épuisé par ses longs travaux. Il publia plusieurs ouvrages, tous relatifs à la jurisprudence; mais le plus important de tous fut le Code Frédéric,

dont nous avons déjà parlé, et à la rédaction duquel il travailla pendant

douze années.

C'est aussi l'étude de la jurisprudence et de la législation qui ouvrit, en 1811, les portes de l'académie de Berlin à M. de Savigny, et c'est le discours prononcé pour sa réception par M. Ancillon, qui forme la seconde partie de sa brochure. Il étoit donc naturel que la jurisprudence et la législation entrassent pour beaucoup, et dans l'éloge de M. Klein, et dans le discours adressé à M. de Savigny. Un sujet aussi important, traité par le secrétaire de la classe de philosophie d'une académie aussi célèbre, devoit l'ètre philosophiquement: les deux discours devoient faire, en quelque sorte, suite l'un à l'autre; et c'est aussi dans l'un et dans l'autre indifféremment que nous choisirons les passages qui nous paroîtront les plus propres à faire connoître les opinions et la manière de l'auteur, aussi-bien qu'à justifier nos éloges.

Avant de philosopher sur les lois, M. Ancillon nous fait voir qu'il sait apprécier la philosophie. Ses systèmes n'ont rien de stable, nous dit-il (page 10); ils ne peuvent que nous montrer successivement l'univers sous des faces différentes: mais leur destination est remplie lorsqu'ils ont réveillé, nourri, aiguisé l'esprit philosophique, qui finit tôt ou tard par les abattre et par en enfanter d'autres qui succombent à leur tour. Plus loin (p. 39 et 40), il reconnoît qu'il n'est point donné à l'homme de parvenir à cette suprême science qui sembleroit être son but. Tous les efforts des plus profonds penseurs de tous les âges pour résoudre le grand problème de l'univers, n'ont été, dit-il, que des essais plus ou moins ingénieux: peut-être même, depuis les Grecs, n'ont-ils point avancé la métaphysique; mais ils ont donné à toutes les autres sciences plus de tenue et de solidité. En cherchant à s'élever à la science suprême qu'il ne pouvoit atteindre, l'esprit humain s'est du moins élevé très-haut; il a constaté et conservé la dignité de sa nature. Les systèmes de philosophie paroissent et disparoissent comme tout assemblage artificiel : mais la philosophie est immortelle comme la raison humaine; car elle n'est autre chose que les efforts continuels que fait cette raison pour embrasser et comprendre l'éternel, l'absolu et l'infini, et pour en déduire le temporel, le relatif et le fini.

C'est ainsi, selon notre auteur, que chaque science a sa philosophie; car, pour faire approcher de la perfection une science quelconque, il faut ramener sans cesse le composé au simple, le particulier au général, et parvenir ainsi, par l'ordre et la méthode, à en former un tout, à lui donner de l'unité.

Il est vrai cependant que les spéculations philosophiques peuvent

devenir dangereuses, lorsqu'on les applique à certaines sciences, telles que la législation. En pareille matière, il est difficile de se tromper innocemment. La législation, dit notre auteur (p. 13), peut être envisagée sous deux différens points de vue; elle peut se déduire ou d'un but primitif de la société civile que l'on abstrait de son existence actuelle, ou d'un droit primitif de l'homme, antérieur à l'état de société : on peut en chercher l'esprit régulateur dans la réunion sociale prise comme un fait, et dans l'état particulier de chaque peuple, ou bien on le cherche dans la nature même de l'homme et dans un état idéal qui auroit précédé toute association. Le premier point de vue étoit celui des anciens; il a 'même continué, jusqu'au dernier siècle, d'ètre celui des modernes: mais alors le second a prévalu. On a dédaigné les droits des hommes en société pour en appeler aux droits primitifs de l'homme, et l'on a cherché à les établir, abstraction faite de toute société déjà existante et de tout peuple en particulier.

Voilà comment, selon M. Ancillon, une prétendue science du droit 'naturel a fait à la philosophie du droit de profondes blessures. Aussitôt, dit-il (pag. 41), que l'on ne chercha plus la légitimité des lois dans leur conformité au but qu'elles se proposent, mais dans la nature de leur source et de leur origine; aussitôt que cette origine ne fut plus regardée comme légitime que là où la société se montroit sous certaines formes, et que l'on voulut déduire ces formes d'une transaction antérieure à la société; du moment où l'on établit des droits avant l'existence du droit, et des devoirs d'obligation sans puissance coactive; du moment où l'on crut trouver la source de la société hors d'elle-même, que l'on prétendit déduire et composer l'état, de la liberté des individus, et prendre le prétendu droit de nature pour la pierre de touche de tous les droits positifs, on ôta à la philosophie du droit son véritable point de vue, on la fit sortir de son domaine: non-seulement sa profondeur, ses richesses, sa stabilité, s'évanouirent; mais, par cela même qu'elle s'isola du présent et du passé, elle perdit son antique noblesse héréditaire, et n'eut plus le droit de se porter pour médiatrice entre le passé 'et l'avenir.

La vraie philosophie du droit, dit plus loin M. Ancillon, procède d'une autre manière; elle ne cherche point la source du droit au-delà de cette source; elle considère sur-tout la direction et le cours des lois qui déterminent le droit et le protégent. Ce n'est point dans des idées vides, dans des suppositions sans fondement, en un mot dans des abstractions qui ne sont, à le bien prendre, que des mutilations de la réalité, qu'elle puise la vie et la force; c'est dans les principes universels,

dans les idées solidement établies qui ont dirigé la législation de tous les peuples et de tous les temps.

Qu'on nous permette de citer ou plutôt d'analyser encore, dans une traduction libre, une page de notre auteur, qui montrera qu'il n'est pas moins éloigné de la servilité d'une pratique avengle, que du délire des spéculations qui ne reposent sur rien de réel. Nous terminerons par-là l'examen des deux premiers morceaux de sa brochure. La société, ditil, est l'ouvrage, ou plutôt elle est un effet de la nature, en tant qu'elle est la condition nécessaire, indispensable, de l'existence de l'homme et de son développement, en tant que c'est seulement dans l'état de société qu'il peut prolonger sa vie; que là seulement se manifestent ses besoins, ses sentimens, ses facultés. Mais la société est en même temps un ouvrage de l'art, et par conséquent de la raison fibre et éclairée, en cela qu'aussitôt que l'homme réfléchit sur la société, il en découvre le but, le saisit et veut l'atteindre. De même que, dans tout ouvrage de l'art, la fin à laquelle on le destine, donne la clef et la règle de son ensemble, de même aussi le but de la société est la règle de son organisation, et doit déterminer tous les moyens qui peuvent la faire approcher de la perfection, autant que cela nous est permis. Ainsi, sous le rapport de son origine, la société est un fait de la nature; sous le rapport de la fin qu'elle doit toujours se proposer et dont elle se rapproche insensiblement, elle est un ouvrage de l'art. De ces deux manières de la considérer, la première est historique ; la philosophie des lois part de ce qui existe la seconde est spéculative; la philosophie des lois a toujours devant les yeux ce qui peut et ce qui doit être. La société doit toujours être envisagée à-la-fois sous ce double point de vue, pour que la législation puisse faire des progrès rés, et pour que les états, dans leur durée, puissent rester fidèles aux lois de la stabilité et à celles du perfectionnement.

Contentons-nous d'avoir fait connoître par ces extraits l'esprit qui règne dans deux discours tellement pleins de choses, qu'une analyse exacte en égaleroit presque la longueur. Nous nous arrèterons moins long-temps au troisième M. Ancillon le prononça dans une séance publique de l'académie de Berlin, consacrée à célébrer la mémoire du grand Frédéric, le centième jour anniversaire de sa naissance. I traite de la vraie grandeur. Elle consiste, selon M. Ancillon, dans une harmonie parfaite entre le caractère, lesprit et le cœur; dans la réunion d'un génie étendu, d'une volonté ferme et persévérante et d'une profonde sensibilité. Notre auteur montre fort bien ce qui peut résulter de deux de ces qualités, lorsqu'elles ne sont pas accompagnées de la

troisième; et dans l'hypothèse où c'est la sensibilité morale qui manque à l'assemblage d'un caractère énergique et de grands pouvoirs intellectuels, il nous effraie de l'apparition d'un être froid et sans ame qui marche parmi les hommes comme un météore étranger et malfaisant, qui comprend tout, excepté ce qui fait que l'homme est homme; qui calcule tout, excepté ce qui échappe au calcul, c'est-à-dire, ce qu'il y a de plus noble dans l'homme; qui ne peut ni ne veut entendre le langage des cœurs, les réjouir, les consoler, ni en acquérir l'empire: être dont l'humanité a peu à espérer et tout à craindre, et qui restera éternellement sourd et inaccessible à sa voix. Pour rendre à ce passage toute la justice qu'il mérite, ajoutons que c'est en janvier 1812 que M. Ancillon l'écrivoit.

Nous ferons à présent la part de la critique, en disant que les deux premiers discours débutent par des généralités métaphysiques qui, du moins en France, effaroucheroient bien des lecteurs; que cette théorie des facultés de l'homme, que nous venons d'indiquer dans le troisième, est prise en entier d'Hemsterhuis, dans son dialogue intitulé Simon, et que M. Ancillon auroit pu en avertir; enfin, qu'en jugeant plusieurs grands hommes modernes à la fin de ce même discours, il s'est montré un peu partial envers l'Allemagne et la Prusse. Un membre de l'académie de Berlin a sans doute très-bonne grâce à relever les qualités éminentes du grand Frédéric; mais un Français desireroit avec justice qu'il eût marqué plus de respect pour les fautes de S. Louis, plus d'indulgence pour les foiblesses d'Henri IV, et qu'il n'eût pas attribué une partie aussi considérable de sa grandeur au caractère de Sully. VANDERBOURG.

TRAITÉ DE LA LÉGISLATION CRIMINELLE EN FRANCE, dédié à sa grandeur M.8" Dambray, chancelier de France, par J. M. Le Graverend. Paris, Imprimerie royale; chez Déterville, libraire, rue Hautefeuille, n.o 8, 2 vol. in-4.o PAR-TOUT où les citoyens occupent, dans l'ordre politique, un rang honorable et assuré par la constitution du pays, un traité de législation criminelle doit être pour eux d'un grand intérêt, soit que l'on considère cet ouvrage sous le rapport de l'utilité générale, soit que l'on le considère sous celui de l'utilité privée. Montesquieu a dit avec autant de vérité que de précision : « La liberté de chaque citoyen est une » partie de la liberté publique. » ( Esprit des lois, liv. xv, chap. II.)

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