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» écrasé les uns, protégé les autres par des faveurs immédiates, ravi aux premiers la liberté, en élevant leurs oppresseurs au faîte de la domi» nation, et, pour assurer l'éminent empire d'une seule cité née pour le >> malheur de l'espèce humaine, subjugué l'innocent univers!» Si deorum est proprium, si modò sunt veri et quos deceat nuncupari vi vocis istius, et potentia numinis nihil facere malitiosè, nihil injustè, hominibusque se cunctis unâ et parili gratiâ sine ulla inclinatione præbere (1), generis eam fuisse divini quisquamne hominum credat aut habuisse æquitatem Deo dignam, quæ, humanis sese discordiis inserens, aliorum opes fregit, aliis se præbuit exhibuitque fautricem ; libertatem his abstulit, alios ad columen dominationis evexit; quæ, ut una civitas emineret, in humani generis perniciem nata, orbem subjugavit innoxium! Outre que ces idées nous paroissent mieux achever un traité contre l'idolâtrie dont Rome étoit la métropole, l'harmonie de cette phrase et sa construction périodique nous l'indiqueroient encore, comme celle où Arnobe, rhéteur de profession, auroit fait les derniers efforts pour nous laisser, en nous quittant, une haute idée de son talent ou de son art, autant que de l'importance et de la grandeur de son sujet.

Ce n'est pas pourtant que l'ancienne disposition des dix-huit derniers chapitres établisse en effet entre les pensées une liaison toujours étroite, toujours facile à bien saisir. Mais, quand même la nouvelle hypothèse en rendroit quelquefois l'enchaînement un peu plus sensible, ce qui nous semble douteux, ce ne seroit peut-être pas une raison d'effectuer ce déplacement en réimprimant Arnobe: car il s'en faut que la méthode des anciens écrivains ecclésiastiques et même profanes soit toujours celle que nous adopterions aujourd'hui en traitant les mêmes sujets. Ils s'abandonnent plus que nous, sur-tout dans le genre polémique, à des émotions soudaines, et se tiennent sûrs d'être ramenés, par le cours et par l'élan même de leurs sentimens, au but et au plan de leurs ouvrages. Les conjonctions variées et quelquefois un peu vagues qui abondent dans leurs langues, leur permettent d'interrompre le fil de leurs raisonnemens, sans s'exposer à ne plus le retrouver. En général, nous sommes, plus qu'eux, didactiques et timides dans la disposition de nos écrits: 1.ous y évitons davantage les mouvemens irréguliers et naturels de nos entretiens. En ce point, nous croyons mieux faire; mais nous aurions tort d'en conclure que les anciens ont voulu s'asservir à nos déductions rigoureuses, et qu'il faut intervertir l'ordre de leurs ouvrages,

(1) FacereNT, præbereNT, dans le manuscrit: aucun éditeur n'a indiqué cette leçon.

jusqu'à ce qu'il devienne conforme à celui que nous établirions nousmêmes.

Les notes sur le texte d'Arnobe commencent à la page 275 du tome I." de M. Orell, et finissent à la page 459 du tome II, ou plutôt à la page 479, en comprenant les additions. Nous avons déjà dit que M. Orell a extrait tout ce qu'il a cru trouver d'exact et d'important dans les remarques de ses prédécesseurs, c'est-à dire, dans celles de Gelenius, de Théodore Canter, de Joseph Scaliger, de Stewechius, de Meursius, d'Elmenhorst, de Didier Hérauld, de Philippe le Prieur, du P. Le Nourry, et de quelques autres critiques. Il en résulte un commentaire qui, s'il faut l'avouer, nous semble un peu long, quoiqu'il ne renferme presque rien qui tende à faire mieux connoître les opinions théologiques et philosophiques d'Arnobe. Beaucoup de notes consistent dans l'exposition et l'examen des diverses leçons que l'éditeur a rejetées ou adoptées; d'autres sont puren ent grammaticales: les plus importantes seroient celles qui concernent la mythologie, si elles jetoient plus de lumières sur les points restés obscurs ou mal connus dans cette matière. Mais tous les passages des auteurs profanes qu'on peut rapprocher de ceux d'Arnobe, sont indiqués avec soin; et ce travail, extrêmement utile, a été fort augmenté, peut-être même complété par M. Orell. Il faut aussi lui savoir gré de s'être appliqué à rendre plus concises les observations de ses prédécesseurs, et d'avoir élagué les plus inutiles:

Les notes sont suivies de leçons diverses, mais seulement de celles dont il n'a pas été fait mention dans les notes mêmes. Peut-être seroitil plus commode pour le lecteur d'avoir à-la-fois sous les yeux toutes les variantes d'un même passage. Du reste, c'est ici que l'on s'aperçoit, ainsi que nous l'avons annoncé, combien le manuscrit d'Arnobe est mal connu. En voici quatre exemples pris du seul livre 1.", qui en fourniroit un bien plus grand nombre. On croit qu'au chapitre 3 le manuscrit porte genus nostrum au lieu de gens nostra; il porte, sed genus nostra felicitate &c., et non pas nostrum (1). Le mot consumere ne manque point, comme on le suppose, au chapitre 20. Vers la fin du chapitre 32, il y a, dans le manuscrit, hoc tempore, et Meursius se trompe quand il assure qu'on y lit hoc temporis, expression sans doute fort admissible en ellemême, mais dont la diction d'Arnobe n'offre aucun exemple. Il n'est pas vrai non plus qu'au chapitre 38 le nom de Neoptolème soit écrit au lieu de celui de Triptolème: le manuscrit porte, si Esculapium.... si Miner

(1) Ce n'est pas d'ailleurs sans raison qu'on a substitué, en 1543, gens à genus, et en 1651, nec à sed.

vam.... si TREPTOLEMUM; seulement la première lettre de ce dernier mot est jointe au monosyllabe précédent si, en cette forme : sit reptolemum, ce qui ne peut causer aucun embarras. C'est Sabæus qui a imprimé Neoptolemum, comme tant d'autres mauvaises leçons que le manuscrit ne présentoit point; par exemple, le mot istos au lieu de isti dans ce pasage du chapitre 32: Nondum tempus est ut explicemus, omnes isti qui nos damnant, qui sint vel unde sint.

Nous ne pouvons nous empêcher de remarquer que M. Orell, qui sait qu'isti est la leçon originale, et qui reconnoît, avec Meursius, qu'elle est, à tous égards, la meilleure, imprime néanmoins istos dans le texte d'Arnobe; ce n'est pas le seul endroit où il altère ce texte par des leçons d'éditeurs qu'il réprouve lui-même dans ses notes et dans ses variantes mais un plus long examen de ces différentes inexactitudes seroit ici d'autant plus déplacé, que M. Orell en est bien moins responsable que ne l'ont été ses prédécesseurs. Celles sur-t ut qui concernent l'état du manuscrit, se retrouvent presque toutes dans un plus long recueil de leçons diverses, qui fait partie de l'édition de 1651, et que le nouvel éditeur a eu constamment sous les yeux en rédigeant le sien. Son second volume est terminé par trois tables; l'une des auteurs que cite Arnobe, l'autre des matières, la troisième des expressions les plus remarquables. Ces trois tables existoient aussi dans l'édition de 1651; mais M. Orell y a fait des additions utiles.

L'Appendix qu'il vient de publier complète ou rectifie quelques parties de son travail. Il y rapproche, plus qu'il ne l'avoit fait d'abord, les raisonnemens d'Arnobe de ceux des autres anciens apologistes du christianisme. Il extrait de l'Apparat de dom Le Nourry un plus grand nombre de remarques. En ce qui concerne la mythologie, il puise de nouveaux éclaircissemens dans quelques savans ouvrages qu'il n'avoit point eus jusqu'alors à sa disposition; particulièrement dans ceux de MM. Visconti, Zoéga, Schelling et Creutzer (1). Il profite aussi des observations qu'on a faites récemment, sur son édition d'Arnobe, dans les journaux de Leipsick et d'léna. Avec ces secours, il croit être parvenu à expliquer deux passages qu'en 1816 il avoit trouvés fort difficiles, et qui peut-être le paroîtront encore aujourd'hui : Hos (deos penates) consentes et complices Etrusci aiunt et nominant, quòd unà oriantur et occidant unà, sex mares et totidem fœminas, nominibus ignotis et miserationis parcissimæ ; I. III, c. 4. -Et obserata pandentes remedorum obscuritate canacheni; (1) Visconti, Museo Pio-Clementino. Mus. Chiaram. - Zoéga, Bassi-rilievi ant. Schelling, Dissert. de diis Samothr. Creutzer, Symbolick und Mythogie der alten Volker.

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I. vi, c. 23. M. Orell rétablit dans ce second passage le mot remedorum (pour remediorum) qu'il avoit changé en tenebrarum, et il pense qu'il s'agit ici de filous qui emploient des artifices secrets, et dont le nom canacheni ne seroit qu'une altération de celui des Sarasins, Saraceni. L'explication de l'autre passage est empruntée de M. Creutzer et sur-tout de M. Schelling, selon lequel il faudroit reconnoître les dieux consentes et complices dans les dieux Cabires des Samothraces, et, d'ailleurs, lire, au lieu de miserationis, MEMORATIONIS parcissima; divinités dont on a fort peu fait mention. Cette correction, depuis long-temps hasardée Fulvius Ursinus, n'est assurément pas très-heureuse.

par

M. Orell, après avoir imprimé dans le texte d'Arnobe, I. I, c. 2, Nec madidata ex imbribus arva SUCCEDUNT, semble adopter la leçon SUCCRESCUNT que le journal d'léna propose. On a imaginé sept ou huit manières de lire ce passage, et nous croyons encore que la meilleure est celle que présente immédiatement le manuscrit. Ici Arnobe, pour prouver que l'établissement du christianisme n'a point bouleversé la nature, comme les païens le prétendoient, entre dans plusieurs détails, tels que ceux-ci : Le soleil a-t-il cessé d'éclairer et de ranimer l'univers! Les vents ont-ils perdu leurs souffles, et les champs ne continuent-ils pas d'être arrosés par les pluies! Numquid suas animas expiraverunt venti.... nec madidari (et non pas MADIDATA) ex imbribus arva SUCCEDUNT! Il est bien vrai que succedunt ne se trouveroit point employé ainsi par des auteurs d'une latinité plus pure; mais tout annonce qu'Arnobe en fait ici cet usage : le cours de ses idées et la construction de la phrase l'amènent à vouloir dire, à dire en effet, ne continuent-ils pas!

Quelques citations insérées dans cet Appendix pourroient paroître étrangères au sujet; tel seroit un fragment d'Eusèbe, récemment publié par M. Mai, et qui ne concerne que la date de la fondation de Rome. Nous avons vu qu'Arnobe ne prétendoit point du tout fixer cette date avec précision. Il en parle d'une manière si fugitive et si vague, qu'il ne peut fournir l'occasion d'aucune recherche rigoureuse sur ce point.

La dernière page de l'Appendix, intitulée, Corrigenda in textu Arnobii, seroit fort précieuse, si l'éditeur y rétablissoit en effet toutes les leçons qu'il a paru regretter ou approuver lui-même dans le cours de ses notes: mais, à quelques articles près, il ne corrige guère ici que des fautes d'impression. Du reste, tout le travail de M. Orell est fort recommandable, et le seroit bien davantage, s'il eût été en son pouvoir de recourir au manuscrit de la Bibliothèque du Roi.

DAUNOU.

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KONIG YNGURD, trauerspiel in fünf acten, von Adolph Müllner, &c.- Le Roi Yngourd, tragédie en cinq actes, par Adolphe Mullner. Leipzig, chez G. J. Goeschen, 1817; 1 vol. petit in-8.o (12 pages non chiffrées et 362 pages) orné de deux estampes.

Nous garderions volontiers le silence sur cette seconde tragédie de M. Adolphe Mullner, si nous n'avions rendu un compte détaillé de la première, intitulée le Crime, dans le premier cahier de ce Journal, Ces prémices d'un talent qui ne commençoit à produire qu'après être parvenu à sa maturité, nous avoient donné de grandes espérances. M. Mullner, en suivant la règle des unités dans un sujet qui, d'ailleurs, appartenoit entièrement aux temps et aux moeurs modernes, nous avoit permis de nous flatter qu'un rapprochement, une réconciliation même, alloient s'opérer entre la muse classique des anciens et la muse romantique de sa patrie; il nous paroissoit lui-même très-propre à en devenir le médiateur. Le Roi Yngourd vient de détruire au moins cette dernière espérance; et nous ne pouvons laisser plus long-temps nos lecteurs dans l'illusion. Nous tâcherons cependant d'abréger, autant qu'il se pourra, cette tâche vraiment pénible.

En rendant.compte du Crime, nous avions remarqué que l'unité de temps et de lieu s'y trouvoit assez bien observée. Dans Yngourd, il est difficile d'apprécier la durée de l'action, et la scène change de lieu, nonseulement à chaque acte, mais deux fois au milieu d'un acte, Nous avions félicité l'auteur d'avoir su se passer de la pompe du spectacle et de ces jeux de théâtre qui remplacent quelquefois, même parmi nous, le développement des passions: dans le Roi Yngourd, aucune de ces ressources n'est négligée; on y trouve un orage, une tempête, un naufrage, une bataille qui se termine par un pacte avec le diable, sans parler des reconnoissances et des travestissemens. Nous avions aussi loué M. Mullner de n'avoir guère employé que cinq personnages: dans la pièce nouvelle il y a tant de rôles, que lui-même doute si aucune troupe en Allemagne seroit assez nombreuse pour les remplir. Enfin, quoique l'avant-scène de sa première tragédie manque de vraisemblance et de simplicité, l'action du moins est d'une simplicité, d'une vérité admirable, et ne laisse aucun reproche à faire sous le rapport de l'unité : l'avant-scène du Roi Yngourd est d'une telle complication, qu'après une exposition de vingt-huit pages, on est à peine entré dans le sujet, et l'action qui

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