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la destruction dont ils pourroient être menacés par les imitateurs d'un « mylord françois » qui jadis faisoit effacer à coups de hache les inscriptions qu'on lui avoit montrées. Et à l'appui de ce discours, il fit voir à M. Dodwell plusieurs restes d'inscriptions mutilées par ordre du « mylord françois »; c'est la dénomination sous laquelle Fourmont est désigné par les habitans de la Laconie.

En discutant l'authenticité des inscriptions de Fourmont, M. Raoul-Rochette entre dans l'examen d'un grand nombre de questions de haute érudition; par exemple, s'il existoit un alphabet des Pelasges, antérieur à celui de Cadmus? si cet alphabet fut porté en Italie et devint la souche de celui des Latins? si les tables eugubiennes nous offrent cet alphabet primitif, ou seulement des caractères étrusques d'un âge postérieur? nous n'avons ni le loisir ni les connoissances nécessaires pour examiner tous les points en litige entre M. Raoul-Rochette et M. Knight. Voici seulement une ou deux observations:

Un temple, ou plutôt une petite chapelle rustique, dédiée à Minerve, nommée Oga ou Onga dans la langue des Pelasges et des Eolicus, portoit, selon Fourmont, l'inscription suivante :

ΟΓΑΙ ΙΚΕΤΕΡΚΕΡΑΤΕΕΣ.

Le critique anglois tonne contre la prétendue charlatanerie de Fourmont qui auroit pris dans Meursius le nom d'Ikteucrates, faussement considéré comme une ancienne dénomination des Lacédémoniens, avant le règne du roi Lacédémon, mais qui ne provient que de deux mots mal lus dans Hesychius. M. Raoul-Rochette fait voir que Fourmont, en copiant un mot, en apparence aussi barbare que Iketerkeratées, a fait preuve de bonne foi; s'il eût voulu tromper, il n'eût eu qu'à substituer simplement à

ce mot celui que donne Meursius. Mais que veut dire cette baroque accumulation des syllabes, et quels sont ces Iketerkeratées ? M. Raoul-Rochette se met dans de grands frais d'érudition pour prouver qu'il a demeuré dans la Laconie une branche des Cariens, nommés Eteocares, et que ce peuple adoroit Minerve sous le nom d'Onga ou Oga. Il démontre sans doute cette thèse, et c'est un service rendu à la géographie ancienne; toutefois, il nous semble que le nom d'Eteocares n'ayant eu tout que dix-lettres, ne sauroit, dans une inscription si courte, être substitué à un mot de quinze lettres. Il n'y a même que cinq lettres sur dix qui coïncident avec celle de l'inscription. Nous croyons qu'on expliqueroit bien mieux cette mystérieuse inscription en séparant seulement les syllabes de la manière suivante :

ΟΓΑΙ IKETEP ΚΕΡΑΤΕΕΣ.

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que

Ce seroit simplement le nom de celui qui aura consacré à Minerve cette chapelle rustique. Il est superflu de prouver les mots insteg au lieu de IXETNS, ainsi que negaтees au lieu de xgarns, sont conformes au dialecte particulier des Lacédémoniens et à l'orthographe des plus anciens monumens. Mais si on aime mieux y trouver une sentence religieuse, on peut, moyennant une légère correction, retrouver dans le dernier mot l'impératif de ngaτndileiv, et alors l'incription signifieroit :

Minerva supplex liba.

Ce sens conviendroit surtout si les recherches des voyageurs futurs nous apprenoient que cette chapelle fût voisine d'une fontaine. Nous soumettons ces conjectures au jugement de M. Raoul-Rochette.

Ce savant cite quelques mots du dialecte laconien et italiote, qu'il veut ramener au dialecte commun, en supprimant la première lettre, comme représentant le digamma éolien. De ce nombre sont Bayos et Bavvas, roi. Mais ces mots ne seroient-ils pas plutôt des restes précieux du pelasgique, de cette langue éolienne primitive qui très-probablement offroit encore plus de traces que les autres dialectes, de la parenté qui a existé entre les nations grecques et slavonnes. Bogas en cappadocien, et Bog ou Boh, dans les divers idiomes slavons, signifie dieu, divin, élevé. Les Lacédémoniens donnoient à Diane le nom de Boa ; ce mot désigneroit, en slavon, la déesse. Le mot ban ou pan signifie, dans tous les dialectes slavons, chef, seigneur. Il est remarquable que le féminin de ce mot revient encore dans le dialecte éolien; car Bava, femme, ressemble certainement plus à pana, dame, en polonois, qu'à yun, en grec commun. Les Lacédémoniens disoient Gheaton au lieu de Hekaton, comme les Russes disent Ghomère au lieu d'Homère. Les Eoliens, en général, changeoient then ph, comme le font encore les Russes. C'est une simple indication qui doit seulement attirer l'attention des savans qui s'occupent de l'histoire des langues sur les recherches relatives aux anciens monumens de la Laconie.

M. Raoul-Rochette se propose de publier les inscriptions inédites de Fourmont. En même temps l'académie de Berlin va les faire publier par M. Bockh, auteur d'un ouvrage profond sur l'économie politique des Athéniens. Ce savant a énoncé sur les monumens en question une opinion hardie, mais ingénieuse; il les croit fabriqués du temps d'Auguste par les Lacédémoniens eux-mêmes, qui étoient jaloux d'appuyer sur des témoignages visibles la haute antiquité de leur nation. Il faut voir comment M. Bockh soutiendra cette hypothèse; mais en tout cas

l'honneur de Fourmont est sauvé, et le nom de ce voyageur françois ne grossira pas la liste des fameux imposteurs.

M. B.

Voyage en Allemagne, dans le Tyrol et en Italie, pendant les années 1804, 1805 et 1806; par madame DE LA RECKE, née comtesse DE MÉDEM, traduit de l'allemand par madame la baronne DE MONTOLIEU. 4 vol. in-8°. Prix, pour Paris, 20 fr.; par la poste, 25 fr.A Paris, chez Arthus Bertrand, libraire, rue Hautefouille, n.o 23.

Les changemens que l'Italie a éprouvés dans son état intérieur, depuis la fin du dix-huitième siècle, ont nécessairement dû altérer sa physionomie. Cette considération seule suffiroit pour donner de l'intérêt à un voyage entrepris dans cette contrée depuis l'époque de ces bouleversemens. Mais la relation que nous annonçons se recommande à beaucoup d'autres titres. Douée d'une imagination vive, d'un esprit fin et d'un coup d'œil sûr et perçant, madame de la Recke peint avec des couleurs brillantes, mais vraies, les choses qui la frappent; raconte avec agrément les faits dont elle a été témoin ou qu'elle a appris, ne présenté au lecteur que les objets qui méritent de fixer son attention. Née dans les hautes classes de la société, elle a fréquenté, dans tous les endroits qu'elle a visités, les personnes qui y tenoient un rang distingué ou se recommandoient par leurs talens et leurs connoissances On peut présumer en conséquence que les renseignemens renfermés dans son livre viennent de la meilleure source, et ne ressemblent pas à ces résultats

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agréable. Ses cheveux sont noirs, un peu lisses, et ne « portent encore aucune trace de vieillesse, malgré son « âge avancé, sur son visage alongé, de couleur assez « brune, est répandue une expression frappante de bonté << et de bienveillance qui se prononce aussi dans ses yeux « noirs et vifs, et qui inspire, dès la première vue, de la «< confiance et de l'affection; un beau nez romain et un << menton un peu avancé, donnent à ses traits une sorte d'énergie, adoucie par une bouche gracieuse et agréable « et un sourire qui annonce le caractère le plus humain. « Il règne dans tous ses mouvemens de l'aisance et de la « dignité. Une douceur naturelle part du fond de son « cœur rien n'est apprêté ni calculé, il se montre tel << qu'il est. On reconnoît d'abord qu'il ne cherche point « à en imposer par une force d'ame affectée, mais que <«< c'est sa confiance illimitée en Dieu qui donne à cet «< homme vraiment pieux la force de voir arriver le temps « des épreuves avec fermeté et sans se laisser troubler: «cet avenir s'approche et s'annonce de jour en jour d'une « manière plus effrayante, mais il l'attend et se soumet « d'avance à la volonté du Tout-puissant.

« La conversation roula d'abord sur la différence de «nos patries respectives; il fit des réflexions très-spiriK tuelles sur le contraste que présente la ville la plus an« cienne avec la plus nouvelle du monde européen.-Le « Saint-Père attribuoit la faute des événemens désas<< treux qui menaçoient de renverser les rapports existans « entre les différentes nations, à ce que la religion étoit « négligée dans tous les pays, et principalement en Fran<< conie. De cette cause étoit sortie une corruption d'es«prit et de mœurs qui, de proche en proche, avoit saisi << toutes les nations et amené l'égoïsme qui distingue « notre siècle; je ne pus admettre tout-à-fait la généralité

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