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fur et à mesure que l'on gravit. Au sommet de la colline, s'élève une masse de roches informes sur laquelle a été bâtie la demeure du gardien du château. Le reste de l'édifice est sur un plan beaucoup plus bas, et semble pencher vers le talus qui descend à la ville. C'est probablement dans une des pièces à l'extrémité qu'était renfermé le royal prisonnier. Quoi qu'il en soit, il ne reste plus que les fondations de cette partie inférieure du bâtiment, et, çà et là, des fragments de murailles, tout juste assez pour en indiquer les contours. La maison du garde n'est qu'une construction écroulée, dont cependant les ruines permettent encore de juger l'architecture. Il y a une ou deux arcades mutilées, et quelques chapiteaux romans qui surmontaient probablement les piliers d'une chapelle. Dans un endroit difficile à désigner, on voit sur un mur quelques vestiges de peintures à fresque, et ceux d'une inscription trop dégradée pour être lisible.

le magnifique couvent de Mælk, sur un rocher de granit | de passages terribles qui le deviennent de plus en plus, au de 58 mètres; le bourg Schoenbuchel avec un château; les belles ruines du castel d'Aggstein; Schwalbenbach; la Muraille du diable, singulière agglomération de rochers qui présente au regard un mur droit et uni, comme si l'art y avait passé son niveau, et le bourg de Spitz avec ses vignobles. Plus loin apparaît Morbach; après quoi enfin la petite ville de Durrenstein dresse fièrement les ruines de son château, l'unique but de notre course. Cependant, puisque nous sommes sur la route de Vienne, qui n'est plus qu'à quelques milles de nous, nous allons continuer de descendre le Danube, sauf à revenir ensuite à Durrenstein. Donc, voici Mautern, charmant village qui se relie par un pont de bois aux villes de Stein et de Krems; puis le Danube se jette dans la plaine et forme, jusqu'aux frontières de la Hongrie, une infinité de petites îles. Vis-à-vis de Krems; petite ville fort ancienne, on aperçoit la grande abbaye des Bénédictins, Gottroich, sur une montagne d'une élévation de 195 mètres; plus loin, l'antique Tulla et le magnifique château de Greifenstein. On voit encore le couvent de Neubourg; bientôt après, le Leopolberg, pic couronné d'une belle forêt; enfin Vienne, dont les abords fourmillent d'une multitude d'ilots de toutes formes et de toutes grandeurs.

Maintenant retournons par terre à Durrenstein, bien que la route ne puisse rien nous offrir de très-curieux, si ce n'est pourtant la plaine où Napoléon gagna la bataille de Wagram, le 6 juillet 1809. De Vienne, on se rend à Stockevan, et de Stockevan a Krems, au milieu de sites monotones. Un seul moment les yeux y sont récréés par une légère échappée de vue sur le Danube. Le chemin qui mène de Krems à Durrenstein est plus heureux, pittoresquement parlant, car il suit les bords du Danube, qui est fort beau sur ce point.

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La maison du gardien a 32 mètres de long sur 27 de large. Les murailles ont généralement plus d'un mètre d'épaisseur. Au centre de ces ruines s'élève un rocher massif dont l'architecte a profité, jugeant avec raison qu'il lui fournirait un cachot plus solide que toute espèce de maçonnerie. Ce rocher a environ 11 mètres de long, 8 de large et 7 de haut. Le cachot qu'on y a creusé est une chambre basse de 5 mètres sur 4. A qui fut-il donné en demeure? Nous l'ignorons. Toujours est-il que ce dut moins être un cachot qu'une tombe. Maintenant des chèvres, des brebis broutent l'herbe rare qui croit au milieu de tous ces souvenirs effacés; et la ballade consolatrice dont le fidèle Blondel charmait la captivité de son royal maitre est remplacée par la chanson sauvage de quelques jeunes patres qui courent en se jouant sur les pointes les plus escarpées de ces côtes arides.

SE FAIRE A SA VIE.

NOUVELLE.

Suite et fin.

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- Voy. p. 113.

La petite ville de Durrenstein fut autrefois très-fortifiée, et l'on voit encore aujourd'hui des traces de ses fortifications. Parmi ses ruines, on remarque celles d'un ancien couvent de femmes, dont les fenêtres sont pour ainsi dire suspendues sur les eaux; le Danube coule littéralement aux pieds de ces ruines élevées en plein roc à pic. A cette heure, Durrenstein est encore le siége d'une abbaye de chanoines Les lettres de la jeune fille furent d'abord de vrais dithyréguliers de l'ordre de Saint-Augustin. Mais son principal, rambes au bonheur. Tout était si nouveau, si beau ! et son unique attrait pour les touristes, qui ne manquent jamais Franz était plus charmant encore, aux yeux de sa jeune époud'y venir faire excursion, c'est son château démantelé quisée, que l'Éden de perpétuels changements et de fêtes dans apparaît comme un nid d'aigle au faîte d'une colline isolée. lequel il l'introduisait. Tout le monde connaît l'histoire de la captivité qu'y subit Richard Cœur de Lion, à son retour de la Palestine, où il avait insulté le duc d'Autriche Léopold, en faisant arracher le drapeau autrichien d'une tour qui en était surmontée. A la faveur des plus humbles travestissements, Richard, jeté par une tempête sur les côtes d'Illyrie, s'était flatté de traverser l'Allemague sans être reconnu; le sort trompa ses espérances, car il fut surpris près de Vienne, dans une maison où il venait de remplir les fonctions de tournebroche, et il devint ainsi le prisonnier de Léopold. Ce dernier brûlait du désir de tirer vengeance de l'affront reçu jadis, et il fit jeter, bien lâchement, le vaillant Richard dans la terrible forteresse de Durrenstein.

Cette forteresse était alors inexpugnable; elle s'élève, en effet, sur la crête d'un rocher nu et désolé, entouré, de ious côtés, d'un précipice béant. Un sombre amas de rocs l'environne à distance et lui donne un formidable aspect. C'est une petite chaîne de montagnes toute hérissée de masses ténébreuses de toutes les hauteurs, de toutes les dimensions, et si heurtées dans leurs formes, si étrangement pittoresques, qu'on croirait volontiers que ce chaos n'est point le produit d'accidents naturels.

La route qui y mène commence par un petit sentier étroit et rapide, lequel, après avoir tourné autour d'une masse énorme de rochers, aboutit à un talus presque à pic. Alors le pied n'est plus sûr, et l'on s'engage, en plein roc, au milieu

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Cependant peu à peu l'enthousiasme se calma; alors la pauvre mère, dont le cœur avait d'abord saigné d'étre si complètement remplacée, et de ne pas trouver, au milica de ce tourbillon d'amour, de voyages, de vanités et de plaisirs le signe d'un souvenir pour tous ses dévouements; la pauvre mère conçut de l'inquiétude : elle redoubla d'activité et de travail; c'était son remède dans le chagrin. Elle commença à désirer le retour de ces élans d'enivrement qui, dans les premiers temps du mariage de Lisbeth, amenaient sous ses paupières rougies des larmes que jamais elle ne laissait couler.

« Pas de repos ! écrivait Lisbeth. Il faudrait une santé de fer pour résister à cette vie. » Puis, voilà que cet ange, ce Franz adoré se trouva redevenir homme; il eut des défauts! « On ne pouvait lui faire abandonner son effroyable pipe! la bière l'alourdissait; une jeune femme, qui bientôt allait le rendre père, avait droit cependant à plus d'égards, »

Avec Lisbeth, tout ce qu'il y avait de jeune et de rayonnant dans le grave intérieur, berceau de son enfance, s'était éclipsé, et maintenant, voilà que ses lettres venaient encore attrister le foyer paternel.

M. Vanbroken, trop régulier dans ses habitudes, trop despotique en ses idées, trop morose de caractère, aimait cependant profondément sa fille. Par malheur, au lieu d'assouplir sa nature flegmatique et entètée, ceite affection l'avait enroidie. Dans le but d'amasser plus de fortune pour

l'âge mûr de sa Lisbeth, il avait sevré la jeune fille d'amuse- Un jour, par un beau soleil de mai, vers cinq heures, ments, de parties de plaisir, de babioles auxquelles elle atta- au moment où la chaleur baisse, madame Vanbroken, assise chait un prix exagéré. Il était devenu d'autant plus exi- sur un vieux fauteuil qu'elle avait recouvert elle-même d'une géant avec elle qu'il l'aimait davantage, et il s'était répété charmante et fraîche étoffe étrangère, cadeau de son gensans cesse : « Ce que j'en fais n'est que pour son bien, »> dre, contemplait son parterre brillant de mille couleurs. Cette rigidité du père, qui avait contribué sans doute à dé- Près d'elle, deux jeunes chiens, descendants du vieux cider chez la jeune fille d'ardents désirs de variété, de Médor, se jouaient d'un malin petit chat, qui, fait à leurs changements, de fètes, de voyages, lui avait donné le dégoût brusques façons, s'en défendait pourtant avec mille grâces des lieux où s'était écoulée son enfance. Sans nous en douter, mutines. Un rossignol, perché sur un rameau, à peine hélas! nous semons souvent nous-mêmes la plante dont le caché sous les feuilles, se révélait encore par ses longues cafruit empoisonné nous tuera. Le pauvre Vanbroken avait dences perlées; la porte vitrée de la serre (les profits da préparé, certes, bien à son insu, le mariage qui avait dé-commerce et de fleurs avaient permis de métamorphoser, truit tous ses plans; il n'y survécut que peu d'années; la nouvelle d'une seconde fausse couche de Lisbeth trouva sa pauyre mère au chevet d'un lit de mort. Les soins éclairés, incessants de l'excellente femme ne purent que prolonger et adoucir la lente agonie de son vieux mari.

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| ainsi l'inutile salle à manger du rez-de-chaussée), la porte' toute grande ouverte laissait arriver les parfums exotiques de quelques plantes plus délicates, dont les senteurs vanillées se mariaient agréablement avec celles des jacinthes et des jonquilles du parterre. La maîtresse de ces trésors en jouissait en terminant une jolie corbeille où le chiffre d'Élisabeth s'unissait à celui de Franz.

- Où est-elle, où est-elle ? demanda au dedans de la maison une voix qui fit tressaillir madame Vanbroken; et moment d'après, Lisbeth était dans ses bras.

Quand la mère se fut rassasiće de caresses, et qu'à plusieurs reprises elle cut ressaisi et pressé son enfant, elle l'éloigna à la longueur de son bras pour la mieux voir, et elles se contemplèrent l'une l'autre jusqu'à ce qu'une larme, qui n'était pas de joie, tremblat dans l'œil bleu et calme de l'une, et que l'ardente prunelle noire de Lisbeth fût devenue humide.

Ma pauvre enfant, ma pauvre fille! murmura madaine Vanbroken.

Oh! ma mère ! s'écria Lisbeth, qui n'était plus la fraîche et belle fille de jadis, en promenant des regards ravis sur tout ce qui l'environnait dans ce logis quitté jadis avec tant de joie. « Q ma mère ! dans quel paradis je vous retrouve, plus fraîche, plus jeune qu'il y a dix ans !

A cette nouvelle, Franz laissa sa femme qui ne pouvait quitter en ce moment une chaise longue, et arriva seul à Heerenveen pour arranger les affaires de la succession. C'était un honnête marin, bien que sa femme ne négligeât guère les occasions de se plaindre, non sans motifs, de sa brusque-le rie et de mille détails d'ennuis intérieurs, de fatigues, de contrariétés; petites douleurs, éternels pararasites qui, sous une forme ou l'autre, hantent la demeure de l'homme; « misères qu'il faudrait (ainsi que disait madame Vanbroken) toujours épousseter, toujours balayer avec la poussière et les toiles d'araignée, sans en parler ni murmurer jamais. » La belle-mère et le gendre s'arrangèrent à merveille ensemble pendant tout le temps que celui-ci passa à Heerenven. Jadis elle avait étudié les défauts du jeune homme qui devait la priver de sa fille; aujourd'hui elle ne voyait plus que les qualités du gendre qui la pouvait rendre heureuse. Ils ne se séparèrent donc qu'à leur regret mutuel; regret poignant surtout pour la pauvre veuve; mais la vie nomade du capitaine rendait une réunion impossible. Madame Vanbroken resta dans la petite maison qui lui appartenait en propre, ainsi qu'une faible rente,« suffisante, du reste, assuraitelle, à des besoins si restreints désormais ! » En effet, dans cette modeste position, elle trouvait moyen d'envoyer à sa fille des marques de souvenir, de petits cadeaux toujours ingénieusement choisis. C'étaient les fruits de son travail : la toile dont elle avait filé le lin, la dentelle qu'elle avait ouvragée, l'oiseau privé, élevé par elle; de précieux oignons de jacinthes et de tulipes qu'elle cultivait, dont elle multipliait les espèces et propageait de belles variétés. Elle finit même par établir un petit commerce de ces plantes, et se procura de cette façon une plus grande aisance. La position le sort lui avait faite, elle sut l'améliorer par son activité et sa patience. Si les tendres affections sur lesquelles il semblait qu'elle aurait dû pouvoir compter, lui avaient manqué, bien que fidèle à leur souvenir, elle sut néanmoins s'en créer de nouvelles.

que

Ses voisins l'aimaient. Les jeunes filles allaient jouir près d'elle d'une sympathie que l'excellente veuve assaisonnait de bons conseils affectueusement insinués. Les vieillards se plaisaient à sa douce conversation : ils étaient sûrs de trouver toujours son oreille attentive, son intérêt aisément éveillé. Une activité constante, la régularité des habitudes, prolongaient, renouvelaient ses forces, entretenaient sa santé. Hélas! c'était toujours de la même source que lui venaient les chagrins qu'elle supportait avec courage, et dont elle s'efforçait de se distraire quand elle ne pouvait y parer. Par deux fois, elle prépara et renouvela une charmante Jayette, inutilement. Lisbeth manquait de prudence', et sa vie nomade en eût demandé beaucoup; elle s'était lassée du repos: elle s'irritait du mouvement. Elle ne savait pas s'arranger dans sa vie. «Il faut que le limaçon se fasse à sa coquille,» lui écrivait sa mère; mais ce que n'avait pu son exemple, comment ses conseils l'eussent-ils obtenu?

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- Cet Eden le serait-il encore pour Lisbeth, au bout de quelques années, ou même de quelques mois? J'en doute, dit Franz, qui venait d'arriver.

Un mouvement d'humeur plissa le front de la jeune femme; mais sa mère arrêta avec un baiser les paroles acerbes qui déjà entr'ouvraient ses lèvres.

Après avoir remercié affectueusement son gendre de sa cordiale visite, madame Vanbroken apprit, en réponse à de tendres requêtes, que Franz, obligé à un voyage de long cours, se décidait à laisser Lisbeth passer dix mois au moins avec sa mère. « C'était elle surtout qui l'avait désiré, dit-il ; car elle ne perdait aucune occasion de répéter qu'elle en avait assez de la mer, et que changer sans cesse de licux lui était insupportable. »

Toujours les réponses de la jeune femme furent arrêtées et prévenues par la mère attentive; et lorsque Franz se fut un peu éloigné pour admirer la serre et les belles fleurs du jardin :

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dues sur l'architecture religieuse et civile au moyen âge, s'est livré à quelques conjectures sur l'ancienne destination de cet édifice.

Après avoir constaté qu'il appartenait au chapitre de la cathédrale, il s'est demandé s'il ne renfermait point les salles de l'officialité, la bibliothèque, les archives, ou si c'était tout simplement un de ces magasins destinés à renfermer le produit des dimes en blé, en vin, en laine, etc., etc., que percevait annuellement le chapitre. Les granges dimières, les magasins qui existent près de quelques-unes de nos abbayes, et dont l'architecture est souvent très-remarquable, autoriseraient cette supposition; cependant les quatre tours qui s'élèvent aux angles de l'édifice et son plan parfaitement régulier, lui donnent un caractère de noblesse que n'offrent pas habituellement de simples magasins.

Évidemment cet édifice ne remonte pas au delà du treizième siècle : la vue que nous en donnons a été prise du côté de la rue qui passe derrière l'abside de la cathédrale. Il est divisé en quatre étages: un étage en contre-bas, et trois étages superposés au-dessus du sol; le contre-bas

n'était éclairé que par des ouvertures carrées qu'on voit à un mètre au-dessus du pavé de la rue; ces trois étages audessus du sol avaient chacun cinq fenêtres : les unes en ogive, subdivisées en deux parties par un meneau, les autres carrées. Le dessin montre cette ordonnance.

Du côté opposé qui regarde l'intérieur de l'ancienne cour du chapitre, les portes du premier et du deuxième étage s'ouvrent au centre de la façade; un magnifique escalier du temps conduit au deuxième étage (le premier au-dessus du rez-de-chaussée).

A l'intérieur de cet édifice, on trouve dans la grande salle établie en contre-bas, à 7 mètres environ au-dessous du sol, de magnifiques voûtes en ogive, divisées sur la longueur en cinq travées; quatre colonnes cylindriques reçoivent au centre les arceaux de ces voûtes, et divisent l'espace en deux nefs ou galeries.

La même ordonnance se répète dans la salle du rez-dechaussée, au-dessous de la précédente; seulement les voûtes ont moins d'élévation, et les chapiteaux des colonnes, qui étaient mieux éclairés, sont ornés de grandes feuilles

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assez ordinaires dans les monuments du treizième siècle. | divers siècles suivants. A l'extérieur, l'ensemble est d'un Le second étage, auquel on arrive par l'escalier extérieur dont nous avons parlé, n'est pas voûté comme les deux autres un plancher droit, en bois de chêne, repose sur des colonnes monocylindriques, au nombre de quatre, comme dans les étages inférieurs ainsi les divisions sont toujours les mêmes; seulement il n'y a pas de voûte en pierre.

aspect sévère : l'édifice est lourd, sombre, sans ornements, excepté à la façade principale et à celle du nord. Les trois portails de la façade principale sont ogivales, et leurs décorations appartiennent à ce que l'on appelle le gothique flamboyant. Des deux tours qui devaient surmonter cette entrée principale de l'église, une seule a été achevée; elle a de hau

Le dernier étage, sous les combles, moins élevé que les teur environ 67 mètres; l'autre tour est inachevée; on l'apautres, avait aussi moins d'importance.

Suivant les principes de construction usités partout au treizième siècle, des contre-forts espacés symétriquement font équilibre à la poussée des voûtes, à tous les points où elles viennent peser sur les murs: c'est à cette disposition surtout que nous devons la conservation de tant d'édifices du moyen âge.

Quelques portes de la cathédrale, entre autres les six arcades inférieures du chœur et les quelques colonnes de la nef, sont plus anciennes que le monument dont nous venons de donner la description. Elles datent au moins du douzième siècle. On reconnaît dans le reste de l'édifice le style des

pelle la Tour noire. Quoique l'on ait à regretter la destruction d'un grand nombre de statues, statuettes et bas-reliefs qui ornaient les voussures profondes des trois portails, on y trouve encore quelques détails d'un véritable intérêt : les bas-reliefs des tympans sont surtout assez bien conservés ; ils représentent le Jugement dernier, l'Histoire de JésusChrist et celle de saint Jean-Baptiste. Quelques statues mutilées et un bas-relief, figurant la lapidation de saint Étienne, patron de l'église, ornent la façade du nord. A l'intérieur, l'édifice est beaucoup plus remarquable: la nef et le choeur, jusqu'au sanctuaire, sont bordés d'un double bas-côté qui donne de la profondeur à la perspective, et multiplie les

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Bossuet. Une tombe et une statue en marbre blanc ont été élevées à ce puissant génie, dans ce sanctuaire où il a enseigné la foi, par la piété des fidèles.

ABUS DE LANGAGE.

Une maladie grave et le conseil d'un habile médecin m'avaient engagé à me rendre aux bains de Loëche, dans le Valais. On sait tout ce qu'a d'effrayant et de pittoresque cette haute vallée où l'on arrive de tous côtés par des précipices, et dont l'accès difficile semble avoir été destiné à faire apprécier davantage aux malades le remède puissant caché dans celte solitude. Ma seule récréation, dans ce lieu sauvage, était la promenade; je me donnais ce plaisir tous les matins après le bain, suivant que le temps le permettait, et je prenais de préférence le sentier qui, à travers de charmantes prairies, et sous l'ombre des mélèzes, conduit directement au pied de la Gemmi,

Un jour, deux personnes, étrangères comme moi, m'avaient précédé dans ce lieu remarquable, et, les yeux tournés sur la montagne nue, dont les rayons du soleil naissant faisaient ressortir toutes les aspérités, elles semblaient chercher ces sentiers que ma faible vue n'a pu y découvrir, et qui offrent le seul moyen de communication directe entre ce pays et le canton de Berne. L'une de ces personnes était une femme d'un âge assez avancé, l'autre était une jeune fille; toutes les deux semblaient appartenir à la classe aisée des campagnes, et leur accent me les fit reconnaître pour des compatriotes.

Eh bien, Jenny, dit la plus âgée, te serais-tu fait une idée de pareilles montagnes, et aurais-tu cru que l'on pât arriver de l'autre côté de ce rocher?

-Mon Dieu! non, dit la jeune fille, je ne l'aurais jamais imaginé; et c'est tout au plus si je peux le croire encore,

- Dans un moment tu n'auras plus de doute; voici des voyageurs qui sortent du village, probablement après avoir fini leur cure; ils sont sur des mulets, et viennent de notre côté : sûrement, c'est pour passer la Gemmi. Aurais-tu envie d'étre de la partie, pour voir?

-

Ma foi! non; ils se passeront de moi. Je ne suis pas si folle que d'y aller; la tête me tournerait, et dans un moment vous me reverriez près de vous, mais dans un bel état... Mais, tenez, ne voilà-t-il pas un petit garçon qui monte avec eux? Au nom de Dieu! est ce qu'ils comptent l'emmener par là-haut? Il est trop petit!

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- Cela se peut; et tant mieux pour lui! Peut-être qu'il est né dans une contrée toute semblable. Juste ciel! quel pays! Retournons dans le nôtre aussitôt que nous pourrons. J'étais auprès des deux étrangères, et je m'étais arrêté comme elles. Nous nous rangeâmes pour laisser passer la pelite caravane. Quand elle eut passé, nous la suivimes lentement, et la jeune fille, qui me connaissait pour m'avoir rencontré au bain, m'adressa la parole:

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De vous. N'avez-vous pas tout à l'heure, en causant avec madame, employé les mêmes expressions dont vous me blâmez de m'être servi? Que faites-vous en disant Mon Dieu! sinon prendre Dieu à témoin de la vérité de ce que vous dites? Si cette exclamation ne signifie pas cela, elle ne signifie rien. Quand vous dites Ma foi! ou Sur ma foi! vous en appelez à la certitude des promesses de Dieu. Quand vous vous écriez Juste ciel! vous implorez la justice du dien qui règne dans le ciel, apparemment à l'occasion de quelque action qui blesse la justice, C'est très-bien si le sujet est important et grave, très-bien encore si vous élevez votre pensée à Dieu en proférant son nom; mais s'il n'en est pas ainsi, vous avez « pris ce nom en vain, » Tout cela n'est-il pas vrai?

Mais oui, en effet... il semble bien... Mais, monsieur, en disant ces mots, je n'ai pourtant aucune intention d'offenser Dieu, Ces paroles échappent sans qu'on pense à ce qu'elles signifient; on dit Mon Dieu! comme on dit Sans doute, Certainement.

-

Eh! voilà précisément le mal : c'est que le nom de Dien vienne sur nos lèvres sans que sa pensée soit dans notre cœur ; c'est que ce nom ne nous saisisse d'aucune vénération; c'est qu'il puisse ainsi passer sans être aperçu. Certes, il serait beau d'entendre souvent le nom de Dieu sortir de la bouche des hommes, si en même temps leur cœur était plein de Dieu, Mais, chose bien étonnante, on peut assurer que ceux de la bouche desquels sort le plus fréquemment le nom de Dieu sont communément ceux qui pensent le moins à ce grand être. Je ne dis pas cela pour vous, mademoiselle. Oh! monsieur, vous pouvez le dire pour moi; je sens trop que cela me regarde aussi. Mais que vous dirai-je ? tout le monde parle ainsi; j'ai suivi l'exemple... Mais n'est-ce pas, après tout, un bon signe qu'on fasse revenir si souvent le nom de Dieu dans la conversation? S'il n'était pas aimé dans le monde, son nom n'y serait pas si souvent répété,

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— Il y a eu des temps où la pensée de Dieu présidait à tous les actes importants de la vie et se mêlait saintement à tout. C'est alors que prit naissance cette forme aimable de salutation, A Dieu, que nous avons gardée; c'est alors que -Ma tante n'est pas du tout effrayée de cette Gemmi; les médecins les plus illustres terminaient ainsi leurs ordenelle y grimperait sans crainte, malgré son âge et son embon-nances: Ainsi je te traite, Dieu te guérisse! Les mœurs ont point. Ne croyez-vous pourtant pas, monsieur, que ce passage est dangereux ?

changé : on rougirait aujourd'hui de la pieuse simplicité de nos pères; majs on a conservé par habitude des formules de langage qu'ils employaient par sentiment; le nom de Dien figure encore en tête de la moitié des phrases de la conver

Mademoiselle, lui dis-je, Dieu m'est témoin que j'almerais tout autant prendre un autre chemin ; mais puisqu'il n'y a que celui-là, et que tout le monde y passe, j'y passe-sation d'un homme bien élevé. Vingt fois, au théâtre, dans rais aussi sans crainte.

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la farce la plus indécente, on entendra ce nom sortir de la bouche d'un pauvre comédien. Voulez-vous voir ce que peat la force de l'habitude? Vous auriez honte de dire le mot Par Dieu! que j'ai honte moi-même de répéter; mais au fond vous faites la même chose en disant Mon Dieu! (1)

(1) Vinet.

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