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communément. » Job connaissait fort bien la partie historique de la Bible. Il parlait respectueusement des personnages qui sont mentionnés par l'Écriture sainte, et surtout de Jésus-Christ qu'il regardait comme un prophète digne d'une plus longue vie, et qui aurait fait beaucoup de bien dans le monde s'il n'eût péri malheureusement par la méchanceté des Juifs. Mohammed fut envoyé après lui pour confirmer et perfectionner sa doctrine. Enfin Job se comparait souvent à Joseph, fils du patriarche Jacob; et lorsqu'il eut appris que, pour le venger, le roi Sambo avait déclaré la guerre aux Mandinghes, il protesta qu'il aurait souhaité de pouvoir l'empêcher, parce que ce n'était pas ce peuple, mais Dieu qui l'avait envoyé sur une terre étrangère.

LA SCORSONÈRE. Ce salsifis d'Espagne, qui paraît si fréquemment sur nos tables, tire son nom d'une croyance bizarre inconnue à plus d'un botaniste. Dans la Catalogne, la scorzonera est fort répandue, et on l'appelle ainsi en raison de sa ressemblance, fort problématique, du reste, avec l'escorçu, reptile du genre de la vipère. Le docte Camerarius décrit cette analogie, et affirme que le suc de la scorsonère est un antidote souverain contre la morsure du reptile. L'honorable conseiller du sénat de Nuremberg va plus loin : il prétend que tout individu qui s'est frotté les mains et les bras avec le suc blanc de la scorsonère peut manier impunément le serpent si redouté dans les campagnes de la Catalogne. « Il s'est trouvé, ajoute-t-il, des paysans qui, ayant mangé de la racine de scorzonère, ont par plaisir présenté leurs bras et iambes aux escorçus, mais ils n'en estoyent endommagez ni incommodez aucunement; tout le mal ne consistoit qu'en l'aparence des picqueures en dehors sans dangers au dedans. » Il est inutile de dire que l'expérience du seizième siècle aurait grand besoin d'être confirmée par de nouvelles observations.

ORIGINE DU NOM DE CETTE RACINE.

LE TYPE DU DOCTEUR DE VERRE

DE MICHEL CERVANTES.

Qui n'a présentes au souvenir les belles sentences du docteur Vidrieira, et ses craintes étranges? Lorsqu'on jette un coup d'œil sur l'histoire littéraire du Brabant, on est bien tenté de croire que ce ne fut pas en Espagne, mais bien en Flandre, que l'auteur de Don Quichotte trouva le type d'une de ses nouvelles les plus plaisantes, si ce n'est la plus jolie. Selon toute apparence, ce fut un professeur renommé de ce temps qui lui en donna la première idée.

Gaspard van Bærle, plus connu sous le nom de Barlæus, était jadis célèbre dans les Pays-Bas par ses poésies latines et par ses traités philosophiques; on ne le connaît plus aujourd'hui qu'en raison de ses travaux curieux sur la domination des Hollandais au Brésil. Ceux-là mêmes qui lisent son énorme in-folio, publié en 1647, s'embarrassent peu de savoir s'il avait été appelé à Amsterdam avec le fameux Vossius pour y professer la philosophie. C'était, quant à la pratique, le plus étrange des philosophes. Comme le personnage dont Cervantes nous a peint d'une façon si comique les tribulations, il se croyait de verre, et se montrait sans cesse préoccupé des dangers de sa situation, recommandant surtout qu'on ne s'approchât pas de lui trop brusquement et qu'on se gardât de le heurter. La monomanie de van Bærle ne se bornait pas là : quelquefois il devenait homme de beurre, et évitait soigneusement tout contact avec le feu. La moins incommode de ces étranges folies était celle qui transformait le malheureux philosophe en une boite de foin.

Barlæus, né à Amsterdam en 1584, mourut en 1648. Les Novelas ejemplares furent publiées par Cuesta dès 1613.

| Par conséquent, Cervantes à pu fort bien trouver le type de son docteur de verre, homme des plus ingénieux, du reste, dans la bizarre monomanie de son contemporain. Un beau jour le célèbre historien hollandais fut trouvé mort au fond d'un puits; on a toujours ignoré s'il s'y était précipité dans un moment d'hallucination, ou bien s'il avait été victime de quelque accident.

L'AGA DES FÊTES NOIRES.

Il y a moins de deux siècles, les fonctions de bourreau étaient si lucratives et si honorées en Turquie, que celui qui les exerçait avec habileté parvenait non-seulement au comble de la fortune et de la gloire, mais encore acquérait pour lui-même une sorte d'impunité; témoin ce passage de l'historien Raschid, l'un des rédacteurs des Annales de l'empire ottoman.

«L'an de l'hégire 1107 (1696 de Jésus-Christ), SultanMustapha II ordonna l'emprisonnement du capidgi-bachi Kara-Bairam-Aga (littéralement l'aga des fêtes noires ou funestes, l'aga porte-malheurs, sobriquet qu'on lui avait donné), généralement détesté parce que, chargé de couper les têtes des pachas disgraciés, il avait amassé dans ses nombreuses missions d'immenses richesses. Tous ses effets rares et précieux furent confisqués; mais il obtint enfin sa réhabilitation, en considération de son adresse parfaite dans un genre de service dont on avait besoin.

Les pachas, vizirs et autres officiers de la Porte jouissent maintenant d'attributions moins étendues dans leur département; ce ne sont plus de petits despotes, avec lesquels le Divan était forcé jadis de compter quelquefois ; en revanche, quand ils ont perdu la faveur du maître, ce n'est plus le cordon ni même l'exil qu'ils ont à craindre. On les destitue comme de simples fonctionnaires, et il leur reste encore l'espoir d'ètre appelés de nouveau, s'ils s'en rendent dignes, à faire partie du gouvernement.

Le monde est un cadran mystérieux où le soleil de la divinité luit toujours; c'est une horloge sacrée qui marque avec des ressorts bien réglés les heures de la providence éternelle. ARNAUD MAICHIN, Histoire de Saintonge.

LARREY.

Jean-Dominique Larrey naquit en juillet 1766, à Baudéan, près Bagnères de Bigorre. Orphelin à l'âge de treize ans, il fit ses premières études sous la direction de son oncle Alexis Larrey, chirurgien en chef à l'hôpital de Toulouse. Il vint à Paris à la fin de 1787, y obtint au concours une place de chirurgien dans la marine royale, et s'embarqua aussitôt sur la frégate la Vigilante, qui partait pour l'Amérique du nord. Licencié à son retour, il revint à Paris où il concourut pour la place de second chirurgien interne aux Invalides : c'était en 1792. Attaché peu de temps après à l'armée du Rhin, en qualité d'aide-major, il commença le service intelligent et dévoué qui a gravé son souvenir dans le cœur des soldats de l'empire. Il imagina et organisa un système d'ambulances volantes qui permettaient aux chirurgiens de suivre tous les mouvements de leurs corps respectifs et de donner des sccours aux blessés au moment même où ils étaient atteints. En 1794, il fut envoyé à l'armée des Pyrénées-Orientales, et en 4796, après la paix avec l'Espagne, il fut nommé professeur à l'École de médecine et de chirurgie militaire établie au Val-de-Grâce. Mais bientôt Bonaparte l'emmena avec lui en Égypte, où il montra un remarquable dévouement dans les soins qu'il prodigua aux blessés. A Saint-Jean-d'Acre il fut

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temps de sa puissance, et lui avoir donné de nombreuses | qu'il a depuis continué jusqu'à sa mort. Il fut collaborateur, marques de distinction, déchu et prisonnier, il lui donna pour la partie médicale, du grand ouvrage sur l'Égypte; 100 000 francs par son testament. on a aussi de lui une Relation historique et chirurgicale de l'expédition de l'armée d'Orient.

Au milieu de la vie glorieuse et pénible des camps, Larrey, infatigable, sut toujours trouver le temps de rédiger ses Mémoires de médecine et de chirurgie militaires, recueil de documents précieux, qu'il commença à publier en 1812 et

Il mourut à Lyon, le 25 juin 1842.

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ler dans l'air leurs suaves odeurs! Ainsi de la vie! avant que sa faux y passe, chacun recueille le rayon tombé de quelque cœur ami, les larmes fortifiantes de l'attendrissement ou de la consolation, les délicieuses senteurs de l'art et de la poésie!

Voyez l'encadrement de ce lugubre moissonneur! ici l'enfance qui folâtre, la jeunesse qui se cherche, la famille qui se forme et se resserre dans les joies intimes; là le pouvoir qui commande, la gloire qui appelle, l'étude qui médite, la | foi qui achève son pèlerinage! Laissez travailler la mort tant que vous n'aurez point perdu ces droits et ces devoirs de la vie! Dieu y a mis assez de douceur pour que vous les aimiez, assez d'amertume pour que vous puissiez y renoncer à l'heure voulue!

Ce prétendu moissonneur n'est d'ailleurs lui-même que le journalier du maître souverain; il fauche pour Dieu, mais n'emporte rien ! Ces générations, renversées sur son passage, ne sont qu'un lit préparé aux générations qui doivent suivre. Tandis que le ciel reprend l'étincelle confiée à chacun de nous, l'enveloppe terrestre retourne aux éléments et s'y mêle. Rien ne meurt de l'œuvre divine, tout change, se renouvelle. Le simulacre humain n'est qu'une des formes passagères de cette matière impérissable tant que les lois du monde n'auront point été révoquées!

Laissez donc le ciel sourire, et souriez avec lui, car dans ses brises, dans ses lumières, dans ses parfums, voltige ce que la mort a cru détruire; laissez les champs fleurir, car dans leurs fleurs s'épanouit la vie qui animait naguère une image mortelle.

Et, chaque fois que la fantaisie de l'artiste ramènera, comme ici, sous vos yeux ce squelette menaçant, regardezle, non pour vous effrayer du sublime mystère des transformations auquel nous avons donné le nom de mort; mais pour penser que vous avez en vous une personnalité dont vous devez compte à Dieu qui vous l'a donnée, et aux hommes pour lesquels vous l'avez reçue. Alors la mort ne vous semblera plus une menace funèbre qui vous annonce la fin des plaisirs, mais un sérieux avertissement qui vous rappelle la continuité des devoirs !

LES PIRATES DE CILICIE.

NOUVELLE.

Voy. p. 150, 181, 218.

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-

- C'est un service dont je ne perdrai point le souvenir, dit César, et pour lequel je voudrais pouvoir te promettre ma reconnaissance...

Ne parlons point de cela, mon fils, interrompit le préteur; ton salut est une plus belle récompense. Ne sais-je point d'ailleurs qu'ils t'ont ravi tout moyen de montrer ton grand cœur? Hélas! j'ai vu moi-même, il y a un instant, tes bagages enlevés par les vautours ravisseurs !... Et n'espère point ressaisir quelque chose de ce naufrage, infortuné Julius ; le gouffre de Charybde est moins avide.

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- Bien, bien, dit le préteur en baissant la voix : tu fais prudemment de mépriser en apparence ce qu'on t'a enlevé ; les nouveaux possesseurs se montreront moins exigeants dans la vente.

Le sage Sextilius compte-t-il donc se mettre au rang des acheteurs? demanda le jeune patricien ironiquement.

- Que ne ferais-je point pour toi, Julius, reprit amicalement le vieillard; tes meubles, tes habits, tes bijoux, je puis tout racheter maintenant, et je te les rendrai plus tard sans autre profit que la surenchère indispensable pour dé-guiser la substitution.

Julius éclata de rire.

Ah! je reconnais l'honnête Sextilius, s'écria-t-il ; toujours dévoué à ses amis... sans s'appauvrir !...

- Hélas! la pauvreté ne peut venir où elle est déjà arrivéc, dit plaintivement le préteur. Ma bourse, mon fils, ressemble à celle des trossules, où, selon le proverbe, l'araignée fait sa toile! Mais que peut attendre de mieux un malheureux livré d'avance à ses accusateurs! Car la délivrance même ne changera rien à ma misère, Julius; mes ennemis n'ont-ils pas obtenu la saisie de tous les biens que je possédais à Rome, jusqu'à ce qu'ils puissent me traîner moi-même devant les juges!... Hélas! en échappant aux Ciliciens, je n'aurai plus qu'à prendre le bâton entouré de bandelettes (1).

Tu auras encore une ressource, infortuné Sextilius, reprit César, ce sera de faire peindre à la cire le tableau de ton désastre, de le suspendre sur ta poitrine, et d'aller, la tête rasée, solliciter la pitié des quirites (2); car comment ne tirerais-tu point parti de ton propre malheur, toi qui t'es enrichi de celui des autres.

Sextilius parut ne point comprendre.

As-tu donc oublié cette bande d'esclaves, malades ou estropiés, que tu entretenais à Ron:e pour mendier, reprit César, et qui te rapportait chaque jour jusqu'à cinquante sesterces d'aumône (3) ?

Suite. Cependant Julius avait été rejoint par le père de Plaucia, toujours suivi de ses deux licteurs, qui donnaient à sa captivité une sorte de majesté plaisante dont les Ciliciens s'amu- | saient. Sextilius appartenait à cette noblesse dégénérée dont la bassesse avait lassé la corruption de Sylla et préparait de loin les monstruosités de Néron et de Tibère. Préposé au gouvernement de la Cilicie, il y avait tout mis à l'encan jusqu'au moment où les plaintes de la province s'étaient fait entendre. Il venait précisément d'être rappelé à Rome, où Julius est toujours plaisant! dit le vieillard avec une ses exactions devaient être dévoilées et punies, lorsque le gaieté forcée ; mais qu'il songe à ma proposition: lui et ses hasard l'avait fait tomber entre les mains d'Isidore. La cap-compagnons se trouvent dans un de ces cas où il faut en tivité était donc pour lui une sorte de refuge; il la subit d'abord sans plainte, puis songea à en tirer parti. La beauté de Plaucia avait frappé Isidore qui se proposa pour époux. La jeune Romaine résista longtemps; mais enfin les promesses du pirate et les obsessions de Sextilius la vainquirent; elle devint la femme du Carthaginois. Le préteur en pleura de joie Le pouvoir de Plaucia sur Isidore ouvrait mille perspectives dorées à son avarice; Plaucia pouvait devenir pour lui comme ces cordes merveilleuses au moyen des-lettes. quelles les magiciennes font passer les richesses d'un voisin dans leur propre cassette. Grâce à elle, la main du pirate était toujours ouverte, et il n'avait qu'à tendre au-dessous le pan de sa robe prétexte.

Lorsqu'il se trouva seul avec Julius, il s'avança vers lui et

venir aux triaires (4).

Lorsque les pirates abordèrent à la côte cilicienne, le soleil descendait derrière les promontoires de la Pamphilie, et rougissait les vagues de ses flammes. La flotte s'avançait maintenant sur deux rangs, et formait comme deux armées navales dont l'aspect offrait un contraste singulier. Celle qui

(1) Le bâton des mendiants, à Rome, était entouré de bande

(2) Voy. Horace.

(3) Voy. Séneque, Controverses.

(4) C'était un proverbe romain pour exprimer la nécessité d'en venir aux dernières ressources. Les triaires étaient de vieux soldats de réserve qu'on n'engageait qu'à la dernière extrémité. (Voy. Tite-Live.)

se trouvait à l'orient était déjà ensevelie dans les ombres du soir, et fendait une mer sombre sous un ciel d'un bleu terne, tandis que celle du couchant, inondée par les mourantes clartés du jour, naviguait dans des flots de feu, au milieu d'une atmosphère de pourpre et d'or.

Julius, debout à l'avant de la galère, contempla quelque temps cet étrange spectacle; puis ses regards se portèrent sur le rivage qu'éclairait un dernier rayon. Partout s'élevaient des tours d'observation dressées par les pirates pour surveiller la mer; des chantiers couverts de vaisseaux en construction, des magasins destinés aux approvisionnements. De loin en loin, des flottes de navires tirés à sec et reposant encore sur leurs rouleaux ferrés, étaient entourées de palissades qui en formaient autant de camps retranchés. D'im ́menses machines, armées de câbles, servaient à y retirer les galères et à les remettre à flot; enfin, au fond de la baie, s'élevait la ville de Coracesium, elle-même défendue par de hautes murailles, au sommet desquelles veillaient en sentinelles des archers crétois.

§ 2.

Dans les premiers jours qui suivirent l'arrivée d'Isidore, sa flotte fut successivement rejointe par celle du grec Iphicrate, de l'Égyptien Narcisse, du Romain Stellus, et d'autres chefs syriens, thraces ou espagnols. Telle était, en effet, la prospérité toujours croissante des Ciliciens, que « les hommes » les plus riches et les plus distingués par leur naissance ou » leur génie ne balançaient pas à monter sur des vaisseaux » pour les aller rejoindre (1). » Aussi trouvait-on réunis dans la baie de Coracesium des vaisseaux de toutes formes, de toutes grandeurs et de tous pays. A côté des baros égyptiens se montraient les camères helléniques, que leurs ponts arrondis en voûtes rendaient semblables à des amphores, les liburnes de Syrie et les myopares auxquels leur petitesse et leur vivacité avaient mérité le nom de rats de Paros.

Pendant ce temps, César continuait à entretenir les joueurs avec une libre gaieté. Bien que la rencontre des Ciliciens lui eût été coûteuse, il se réjouissait d'avoir vu leur singulière colonie. Une seconde visite lui paraissait seulement inutile, et, ne voulant plus s'y exposer en montant une galère désar| mée, il renonçait au Didyme, et devait s'embarquer le lendemain sur la liburne égyptienne, que ses amis lui avaient amenée.

Isidore, dont la haine cherchait un prétexte, se mit à railler le jeune patricien sur cette résolution. En montant le Lotus, il espérait sans doute épouvanter les Ciliciens; l'apparition de son vaisseau devait produire sur leurs flottes le même effet que la vue du milan sur les volées de cailles, et les éperons d'airain de la liburne allaient nettoyer la mer intérieure comme le soc de la charrue nettoie le champ couvert de ronces!

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Que les fils de Mithra se résignent à implorer leur vainqueur ! ajouta-t-il ironiquement; chacun d'eux devra bientôt lui rendre dix fois la rançon qu'il paye aujourd'hui.

- Isidore me croit-il son égal? répliqua César avec une nonchalance hautaine; le pirate peut vendre la liberté du chevalier romain que le hasard lui a livré; mais le chevalier ne vend point celle du pirate.

Et qu'en fait-il donc ? demanda le Carthaginois. Interroge Stellus, dit César, il l'apprendra le sort que l'on réserve aux bandits de la forêt Galinaria, et des marais Pontins.

-

- Ils sont étranglés au Tullianum, fit observer Stellus. Eh bien, je ne serai pas moins juste pour les bandits de la mer, dit Julius; je les accrocherai à l'antenne de mon navire en renouvelant le souhait de Diogène ; « Plût aux » dieux que tous les arbres portassent de pareils fruits! »

Stellus éclata de rire, et les autres pirates l'imitèrent. La fierté du jeune Romain excitait la leur; ils ne voulaient se montrer ni moins libres de craintes, ni moins plaisants. Mais Isidore se mordit les lèvres; vaincu dans cette guerre de railleries, il sentit s'envenimer sa colère, et résolut d'en finir avec un ennemi qui l'insultait jusque dans les fers. Il ne voulut point cependant recourir à une violence ouverte,

Au moment où nous reprenons notre récit, c'est-à-dire environ deux mois après les événements rapportés dans le chapitre précédent, tous ces navires étaient rangés le long du môle, couchés sur les chantiers du radoub ou mis à sec dans les camps nautiques, et trois galères seulement se trou-sachant que plusieurs chefs qui ne partageaient point sa vaient à l'ancre en vue du rivage. L'une était le Didyme, déjà de retour; l'autre une liburne d'Alexandrie, dont Lélius et Agrippa s'étaient prudemment fait accompagner; enfin la troisième était le vaisseau d'Isidore lui-même, près de remettre à la voile pour une mission inconnue.

On se trouvait au second jour des ides de février, époque où les Ciliciens célébraient la grande fète de Mithra. En attendant l'heure de la cérémonie, la plupart des chefs s'étaient réunis dans la tente d'Iphicrate, accroupis sur des fourrures précieuses, à la manière des barbares, ou assis sur des siéges, selon l'habitude de la Laconie. Ils jouaient à différents jeux de hasard en buvant le vin cuit de Grète. César les regardait, couché sur un lit de repos, et Sextilius, debout à quelques pas, élevait de temps en temps la voix pour déplorer les pertes ou pour envier les gains des joueurs.

Quant à Isidore, il se tenait à l'écart, occupé à compter les aurei renfermés dans un coffret de cèdre que des esclaves venaient d'apporter. C'était la rançon de César ramassée à Milet par ses deux amis. Le Carthaginois, près de se remettre en mer, voyait avec un dépit farouche le jeune patricien lui échapper. Depuis qu'il le retenait captif, il avait trop souffert de sa fierté railleuse pour ne point arriver à le haïr. L'intervention de Plaucia avait jusqu'alors préservé son parent de la rancune du pirate; mais il ne pouvait sc faire à l'idée que le Romain allait repartir sain et sauf après l'avoir impunément outragé. Mille projets confus roulaient dans son esprit pendant qu'il continuait à compter avec distraction les pièces d'or de la cassette.

(1) Plutarque, Vie de Pompée,

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haine contre Rome eussent pu s'y opposer; l'instinet punique le faisait d'ailleurs incliner sans efforts vers la trahison. Il profita en conséquence du moment où le signal de la fête obligea tous les joueurs à se séparer, pour appeler à lui un archer, laconien, exécuteur habituel de ses vengeances. Il l'entraîna à l'écart, lui parla longtemps à voix basse, et ne rejoignit ses compagnons qu'après l'avoir vu disparaître derrière la tente dressée pour Julius et pour ses amis.

César venait d'y entrer avec son secrétaire. Dès qu'ils furent renfermés dans la partie la plus reculée de la tente, le jeune patricien se dépouilla rapidement de la toge violette garnie de franges qu'il portait; il aida l'esclave à s'en revêtir, et celui-ci alla se placer au fond de la galerie ouverte où Julius se tenait ordinairement pour lire et travailler. Vu par les gardes qui veillaient à l'extérieur, il endormait ainsi tous les soirs leur surveillance, tandis qu'une entrée dérobée permettait à son maître de s'échapper.

Le stratagème semblait, ce jour-là, à peine nécessaire ; car la fête avait interrompu toutes les surveillances, et la plupart des soldats destinés à la garde des prisonniers avaient déserté leurs postes. La suite à une autre livraison.

LES QUATRE BARONNIES DU PÉRIGORD.

Au commencement du onzième siècle, il n'y avait encore en France qu'un petit nombre de personnes titrées : pendant le moyen âge, le plus modeste titre correspondait à une sorte de souveraineté. Les quatre barons du Périgord, c'est-à-dire les barons de Biron, de Bourdeilles, de Mareuil et de Beyrac,

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