Page images
PDF
EPUB

sieurs vaisseaux génois au service de Louis XI et qu'il prit deux navires espagnols, ce qui amena une réclamation trèsvive de Ferdinand. Bossi mentionne une lettre trouvée aux archives de Milan, dans laquelle deux Lombards racontent que, gardant l'ile de Chypre avec les Vénitiens, ils virent venir un vaisseau commandé par un certain Colombo, lequel passa près d'eux en jetant le cri de guerre des Génois; mais il est probable que ces deux faits se rapportent au vieil amiral Colomb mentionné par Fernando et sous les ordres duquel Christophe paraît avoir d'abord navigué.

Quoi qu'il en soit, les expéditions maritimes, en donnant à Christophe l'expérience de la navigation, lui préparaient les moyens d'exécution pour son grand projet. L'observation d'une carte du globe où tout un hémisphère était supposé sans continent, plusieurs autres raisonnements moins réels que spécieux, les rapports de quelques marins, l'exemple des Portugais, et enfin cette clairvoyance inspirée du génie

qui n'est qu'une aptitude plus vive à saisir des rapports invisibles pour la foule, tout le décida à tenter la découverte de la portion de l'Inde qu'il supposait devoir s'étendre sur l'autre hémisphère.

Ses premiers essais cussent découragé un esprit moins convaincu. On sait que, regardé comme fou par ses compatriotes auxquels il demandait des navires, il s'adressa à Jean II, roi de Portugal, qui refusa également ses services. Lacour d'Espagne ne se montra point d'abord mieux disposée. Il fallut solliciter, attendre, employer l'influence des seigneurs et du clergé. Le peuple témoignait lui-même peu de sympathie au pilote génois, et quand il traversait les places publiques, les enfants se frappaient le front en riant pour indiquer que l'étranger était fou.

Cependant une femme, la reine Isabelle, prit enfin quelque intérêt au dessein de Colomb; elle fournit une partie des fonds nécessaires à l'expédition, accorda les titres et priviléges qui

[graphic][subsumed][merged small]

devaient récompenser le Génois en cas de réussite, et les trois petits navires qui devaient changer la face de l'ancien monde en découvrant le nouveau, mirent à la voile sans inspirer grande espérance à ceux mêmes qui les envoyaient à la découverte.

Au commencement de la route il trouva des bungalow ou caravanserails bâtis et entretenus par la Compagnie pour servir d'abri aux voyageurs. Un caporal, suivi de quelques soldats qu'on lui avait donnés pour escorte, veillait à entretenir l'ordre dans la caravane, à régulariser les campements,

Colomb seul avait le sentiment de sa mission et se sentait la et à appuyer au besoin les réquisitions nécessaires. force de l'accomplir!

Nous avons raconté ailleurs à travers quelles vicissitudes il atteignit son but et comment il prouva à la fois, par son exemple, ce que peuvent la volonté et l'ingratitude humaines.

[blocks in formation]

L'aspect de cette portion de l'Hindoustan ne répondit point aux espérances de Jacquemont. « J'avoue, dit-il, que je suis très-désappointé en entrant dans les Jungles. Je m'étais figuré une forêt épaisse, impénétrable, offrant toute la richesse de formes et de couleurs de la végétation des tropiques, hérissée d'arbres épineux, enlacée d'arbrisseaux sarmenteux, de plantes grimpantes s'enlaçant jusqu'aux sommets des plus grands arbres, et retombant avec grâce comme des cascades de fleurs. A Rio-Janeiro et à Saint-Domingue, j'avais vu les traits épars de ce tableau. Loin de là, ici, je me trouvai parmi des bois plus monotones encore que ceux de l'Europe, dessous quelques maigres arbrisseaux, et, au lieu du rugissement des tigres dans l'éloignement, le bruit de la hache du bûcheron ! >>

Cette dépoétisation de l'Inde se continue pendant presque tout le voyage de Jacquemont. On peut en attribuer une part à la réalité, une part au caractère du voyageur. La fermeté de ce dernier a quelque chose de railleur qui le rend moins

propre qu'un autre à l'émerveillement. Le nihil admirari d'huissiers, le tout terminé par une troupe d'éléphants riche(ne s'étonner de rien) semble sa devise.

ment caparaçonnés. Je présentai mes respects à l'empereur, qui voulut bien me conférer un khélat, ou vêtement d'honneur, lequel me fut endossé en grande cérémonie sous l'inspection du premier ministre; et, affublé comme Taddco (si vous vous rappelez l'Italiana in Algeri), je reparus å la cour. L'empereur alors (notez, s'il vous plait, qu'il descend en ligne directe de Timour ou Tamerlan), de ses impériales mains, attacha à mon chapeau (un chapeau gris préalablement déguisé en turban par son visir) une couple d'ornements ou pierres. Je tins mon sérieux superbement durant cette farce impériale, attendu qu'il n'y a point de glace dans la salle du trône, et que je ne voyais de ma mascarade que mes grandes jambes en pantalon noir, sortant de dessous ma robe de chambre turque. L'empereur s'inform s'il y avait un roi en France, et si l'on y parlait anglais. Il parut faire infiniment d'attention à la burlesque figure qui résultait de mes cinq pieds huit pouces sans beaucoup d'épaisseur, de mes grands cheveux, de mes lunettes et de mon ajustement oriental par-dessus mes habits noirs. Après une demi-heure il leva sa cour, et je me retirai processio::nellement avec le résident. Les tambours battirent aux champs quand je passai devant les troupes avec ma robe de chambre de mousseline brodée. Que n'étiez-vous là pour jouir de votre postérité ! »

Après avoir dépassé Burdwan, il s'arrête à Ramigunge, où il visite la seule mine de houille exploitée dans l'Inde, traverse Rogonatpour, et atteint Bénarès, « J'ai fait, raconte- ¦ t-il, la moitié de cette route à pied, le reste à cheval. Je pars à quatre, cinq, six heures du matin, selon les phases de la lune et la nature du pays. J'arrive vers midi, deux, trois, quelquefois quatre heures du soir, au terme de ma journée que je passe tout entière au soleil comme un natif. Je mange au clair de la lune, avant de monter à cheval, une tasse de riz au lait très-sucré et cuit la veille, je mets un biscuit dans ma poche, et lesté de la sorte, j'accepte, comme une bonne fortune, mais sans en dépendre aucunement, toutes les tasses de lait que mon cuisinier, envoyé devant avec un sipahi, réussit à me trouver sur le chemin. Je dine quand je suis prêt. L'uniformité de mes aliments compense heureusement l'irrégularité des heures de mes repas. Je mange invariablement un poulet cuit avec une livre de riz, force ghy, du beurre natif, détestablement rance, mais auquel je suis merveilleusement habitué, et quelques épices, suivant la mode du pays. Je m'endurcis au froid comme à la chaleur. J'ai couvert, il est vrai, tout mon corps de flanelle; mais par-dessus je ne porte que des habits de toile ou de coton, comme en été à Calcutta. Ennuyé d'ôter sans cesse mes bas pour traverser des torrents, je n'en porte plus que A Delhi, les officiers anglais organisèrent une chasse au tigre la nuit pour dormir. Mon chapeau fait à Pondichéry de et au lion pour Jacquemont; mais ils ne rencontrèrent que feuilles de dattier, et recouvert de soie noire, est plus bril- quelques bêtes inoffensives. Du reste, à en croire notre voyalant que jamais... Mon cheval tient bon contre le jeûne pen- geur, ces chasses n'offrent aucun danger pour les gentlemen, dant le jour, et le froid pendant la nuit; et comme il ne me attendu qu'elles ne se font point à cheval, mais sur des élésemble pas que depuis cinq semaines il ait dépéri, il n'y a phants, Chaque chasseur est juché dans une caisse fort élevée, pas de raison pour qu'il ne me porte au bout du monde. Le attachée sur l'animal, et a sous la main plusieurs fusils chardròle justifie passablement la réputation de méchanceté de gés. S'il arrive que, poussée à bout, la bête féroce saute sur sa couleur, alezan s'il en fût jamais. Quelquefois il me jette la tête de l'éléphant, cela ne regarde pas le chasseur, mais à terre; c'est lorsque je suis assez bête pour disputer avec le cornac qui est payé vingt-cinq francs par mois pour subir une bête sans raison. Je me promets toujours, en tombant, ces sortes d'accidents. S'il est déchiré, l'éléphant le venge d'imiter à l'avenir Figaro, qui le cédait aux sots au lieu de en tuant le tigre. Le cornac est ainsi une sorte d'éditeur disputer avec eux; et puis, quand l'occasion se présente, responsable. Un autre pauvre diable se tient derrière le j'oublie mes plans de sagesse, et le veux faire passer près chasseur pour le couvrir d'un parasol; lorsque l'éléphant de ce qui l'inquiète, et alors conflit, ruades et vingt autres effrayé fuit devant le tigre qui s'élance sur sa croupe, le véritours pendables, dont l'écuyer Porphyre (le frère de Jacque-table emploi de cet homme est d'être mangé à la place du mont) vous détaillera la nomenclature, Nous nous arrangeons toutefois à l'amiable comme il suit. Un jour il cède, et le lendemain je cède, moi, à la pente qui m'entraîne. Nonobstant ces rébellions qui sont, du reste, assez rares, je vais lisant, dormant et étudiant mes plantes à la loupe, tout en cheminant sur mon palefroi, »

De Bénarès, Jacquemont poursuit sa route pour Mizapour, Rewah, Panna, Kallinger, Bandah, Kalpi. Grâce aux stations anglaises qu'il rencontre partout, il peut écrire et recevoir, franches de port, les lettres qui vont à Pondichéry, ou qui en viennent. M. de Melay, à qui il raconte les bons procédés de la Compagnie, lui écrit « de son royaume d'Yvetot, qu'il ne manquera pas de griser de son meilleur vin tous les Anglais qui viendront frapper à sa porte à Pondichéry, et cela, à son intention. »

Arrivé à Delhi, notre voyageur voulut voir par curiosité Fombre d'empereur que le gouvernement anglais y pensionne aux appointements de quatre millions. Il raconte à son père cette présentation avec son engouement ordinaire.

gentleman.

De Delhi, Jacquemont gagna les sources de la Jumna, ct commença, au mois d'avril 1830, son ascension des plateaux de l'Himalaya. Il avait dû modifier sa caravane, les hommes seuls pouvant le suivre dans ces nouvelles contrées. Il atteignit en juin Semlah, qui est, comme le mont d'Or ou Bagnères, le rendez-vous des résidents anglais les plus riches, des malades et des désœuvrés. Tous viennent y chercher, sous l'ombrage des cèdres, un refuge contre la chaleur.

Après quelques jours de repos, le voyageur français passa outre, et entra hardiment dans la Tartarie chinoise, malgré la terrible défense de «Sa Majesté théifique. » Les soldats chinois, chargés de la garde des frontières, le menacèrent en vain de leurs canons de cuir bouilli; il passa outre, écar tant du geste les escadrons qui lui barraient le chemin, saisissant au besoin les cavaliers par leur toupe de cheveux, et les jetant à terre pour les obliger à faire place.

Il avait reçu peu auparavant une lettre du général Allard, « Savez-vous ce qui a failli m'arriver ce matin ? J'ai man- commandant alors les armées de Runjet-Sing, roi de Lahore, qué d'être la lumière du monde, ou la sagesse de l'État, et le désir lui était venu de pénétrer dans le Pendjaub et de ou l'ornement du pays, etc. Mais heureusement j'en ai été pousser jusqu'à Cachemir. De retour à Semlah, puis à Delhi, quitte pour la peur. L'explication est celle-ci : Le Grand il s'occupa de négocier cette difficile affaire. Sir William Mogol, Châh-Mohammed-Acber-Rhazi-Radchâli, auquel le Bentink lui accorda ce qu'on avait précédemment refusé à résident politique avait adressé une pétition pour me pré- tout le monde, une recommandation pour Runjet-Sing, qui, senter à Sa Majesté, tint gracieusement un durbar (une cour) appuyée par le général Allard, ouvrit le royaume de Lahore pour me recevoir. Conduit à l'audience par le résident avec à notre compatriote. Depuis Bernier (1663), aucun étranger une pompe des plus passables, un régiment d'infanterie, ' n'avait pénétré dans ces contrées, si ce n'est Forster qui ne une forte escorte de cavalerie, une armée de domestiques, l'avait fait qu'en se déguisant, et qui y avait péri.

Ce fut le 25 janvier 1831 que Jacquemont se dirigea vers la frontière des Syka par Paniput et Loudhiama. Il passa le Sudlege, entra dans le Penjaub en mars, et atteignit Lahore. « A deux lieues de la ville, j'ai rencontré M. Allard et deux antres officiers européens, MM. Ventura et Court, qui venaient à ma rencontre dans une calèche à quatre chevaux. Nous avons tous sauté à terre, et j'ai donné à M. Allard une rade accolade... Une heure après, lorsque nous eûmes traversé une campagne sauvage, couverte, comme les environs de Delhi, des ruines de la grandeur mogole, nous sommes descendus à l'entrée d'une oasis délicieuse. Un grand parterre de giroflées, d'iris, de roses, avec des allées d'orangers et de jasmins, bordées de bassins où jouaient une multitude de jets d'eau ; au centre de ce beau jardin, un petit palais meublé avec un luxe et une élégance extrême : c'est ma demeure. Le déjeuner, servi dans de la vaisselle plate, nous attendait dans mon salon. J'ai passé la journée à errer, avec mes nouveanx amis, dans les allées de mon jardin, et à me laisser étouffer de caresses par eux... Dans la soirée, mon mehmandar, qui avait informé le roi de mon arrivée, vint m'apporter les félicitations de Sa Majesté et ses présents, des raisins exquis du Kaboul, des grenades délicieuses qui viennent du même pays, tous les fruits les plus recherchés, et | enfin une bourse de cinq cents roupies. Un dîner splendide 'me fut servi aux flambeaux par une bande de domestiques richement habillés de soie. J'eus le courage de ne prendre, comme à mon ordinaire, que du pain, du lait et des fruits...

>> J'ai passé plusieurs fois une couple d'heures à causer avec Runjet, de omni re scribili et quibusdam aliis (de toute chose susceptible d'être écrite, et de quelques autres). C'est | un cauchemar que sa conversation; il est à peu près le premier Indien curieux que j'aie vu; mais il paye de curiosité pour l'apathie de toute sa nation. Il m'a fait cent mille questions sur l'Inde, les Anglais, l'Europe, Bonaparte, ce mondeci, en général, et l'autre, l'enfer et le paradis, l'âme, Dieu, le diable et mille autres choses encore. »

Cette grande réussite de Jacquemont près du roi de Lahore lui valut l'autorisation de continuer son voyage jusqu'en Cachemir. Toutes les ressources du pays furent mises à sa disposition. Il eut une escorte, le droit de prendre en route tout ce dont il aurait besoin, plusieurs présents en argent renouvelés plus tard, et un khélat ou habit d'honneur de cinq mille roupies. Les générosités de Runjet s'élevèrent au total à près de vingt mille francs, secours précieux au voyageur français, et qui, ajoutés aux ressources insuffisantes accordées par le gouvernement, lui permirent de compléter ses explorations. M. Allard, cause première de cette faveur, se montra jusqu'au bout plein de sollicitude et de dévouement. Jacquemont constata la haute considération dont jouissait le général jusque dans l'Inde anglaise, et les grands services rendus par lui à Runjet, qui, sous son inspiration, avait fait adopter à l'armée du Pundjaub le drapeau tricolore.

Le voyage jusqu'à Cachemir offrit des obstacles sérieux. Malgré les ordres exprès de Runjet-Sing, notre compatriote ne trouva pas toujours les chefs indigènes bienveillants à son égard. L'un d'eux voulut l'arrêter, et l'autre l'obligea à lui laisser un sac de roupies. Mais, sur une lettre de Jacquemont au roi de Lahore, le coupable fut châtié de son audace, et le voyageur put arriver, sans autre encombre, à Cachemir, où il fut reçu dans un petit palais bâti au milieu d'un jardin ombragé de platanes, de rosiers et de lilas. I en fit son quartier général, et commença ses excursions scientifiques dans les montagnes. Des courriers réguliers lui apportaient à travers l'Inde, grâce à sir William Bentink et au roi de Lahore, les lettres d'Europe, et remportaient les siennes. A son retour, Runjet, plus enchanté que jamais de sa conversation, lui proposa la vice-royauté de Cachemir qu'il refusa.

par Alwar, Adjmir, Katchrode, Oudjin, Mundleysir, Bikoungaon, Bouchanpour, Adjuntah, Aurengabad, Alımedmagghur, Pouna, Tannah, dans l'ile de Salsette, et enfin Bombay. Mais il arriva dans cette dernière ville épuisé. Il avait éprouvé des fatigues inouïes dans les plaines du Rajpoutanah ; le thermomètre s'abaissait, la nuit, jusqu'à cinq degrés audessous de zéro, et montait, dans le jour, à quarante ! L'air mortel de l'ile de Salsette l'acheva. Il contracta une affection de foie, à laquelle il succomba peu après son arrivée à Bombay.

Cette mort, annoncée dans tous les journaux de l'Inde, avec de grands témoignages de regrets, fut un deuil pour tous ceux qui avaient connu notre savantet aimable compatriote. Il avait prévu l'issue de sa maladie, et avait demandé au docteur James Nicot qui le soignait, d'écrire à sa famille, et de faire graver sur son tombeau cette simple inscription : « Victor Jacquemont, né à Paris le 8 août 1801, » et mort à Bombay le 7 décembre 1832, après avoir voyagé » pendant trois ans et demi dans l'Inde. »>

Reconnaissant des soins qui lui étaient prodigués, il répétait :

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

Il est impossible de lire la correspondance laissée par Jacquemont, publiée par sa famille, sans éprouver le charme qui le fit l'ami de tous les Anglais qu'il rencontra dans l'Inde. Mais quand on connaît d'avance la fin de tant de travaux, de tant de confiance et de tant de courage, une tristesse involontaire se mêle à cette sympathie. Comment ne pas être ému, par exemple, en lisant cette lettre à son frère Porphyre, datée du 10 mai 1832. « Ah! qu'il sera charmant de nous retrouver tous ensemble, après tant d'années d'absence, et pour moi d'isolement! Quelles délices de diner tous les trois, et mieux tous les quatre (il fait allusion à son autre frère) à notre petite table ronde, aux lumières, de manger du potage et de boire du vin rouge de France, et de ne bouger de là que pour aller dans ta chambre ou dans celle de notre père, laissant les autres chercher le plaisir hors de leur maison, et nous, restant dans la nôtre autour du feu, à nous conter les accidents de notre séparation ! J'aurai mangé seul, et seul bu de l'eau pendant si longtemps! Quel plaisir de vivre dans une maison, après tant d'années passées en plein air, ou sous une toile légère perméable à la pluie, au vent, au soleil ! Quel plaisir de coucher sur un matelas! La larme me vient à l'œil en pensant à ces joies. Si je me rappelle bien, cher ami, nous nous sommes embrassés la dernière fois sans pleurer, et c'était mieux comme cela; mais la première fois que nous nous embrasserons, nous laisserons nature faire à sa guise; et notre père, comme il sera heureux ! surtout si nous sommes là tous trois près de lui ! »

Ce rêve ne devait point se réaliser. Quelques mois après celui où Jacquemont l'écrivait, des étrangers recevaient son dernier soupir à Bombay. Il mourait à trente et un ans, au moment de recueillir la gloire, l'aisance et le repos, juste récompense de ses efforts.

Outre la Correspondance de Jacquemont avec sa famille et plusieurs de ses amis arrivée à la quatrième édition, on a publié son Voyage dans l'Inde, in-folio orné de planches, de coupes de terrain, de paysages et de portraits exécutés d'après les dessins originaux du voyageur : c'est là que l'on peut trouver le résultat de ses observations scientifiques; sa Correspondance fait connaître surtout son caractère.

Désireux de montrer son estime pour un homme trop tôt enlevé à l'étude de la nature, M. de Jussieu a établi, sous le Revenu enfin à Delhi, il inclina vers le sud-ouest, s'avança nom de Jacquemontia, deux genres de plantes dont notre

[ocr errors]

voyageur avait apporté les échantillons: l'une, venant de | jadis recours, au collége, à de prétendus vers, semblables, l'Inde, tient à la tribu des Sénécioïdées; l'autre, d'Amé- au reste, à ceux qui sont contenus dans les ouvrages intirique, à la famille des Convolvulacées.

tulés: Racines grecques et Racines latines. Voici ceux que Nollet nous a conservés et dont on faisait usage de son temps:

Trente jorus ont novembre,
Juin, avril et septembre;
De vingt-huit il en est un;
Tous les autres ont trente-un.

SUR LES MOYENS DE SE RAPPELER QUELS SONT LES MOIS DE 30 ET DE 31 JOURS. Beaucoup de personnes ont de la peine à se rappeler quels sont les mois pleins et les mois caves, les mois de 31 jours et les mois de 30, dans les calendriers julien ou grégorien en usage chez tous les peuples de la chrétienté. Pour aider la mémoire, on a eu recours à des procédés mécaniques.

Après avoir fermé, par exemple, le second et le quatrième doigt de la main, on applique, dans ce système de doigts étendus et de doigts fermés, le nom du mois de mars au pouce, et les noms des mois suivants aux autres doigts, en revenant, bien entendu, au pouce avec le sixième mois, celui d'août. Dans ce dénombrement, tous les doigts longs ou ou verts correspondent à des mois de 31 jours; tous les doigts courts ou fermés correspondent aux mois de 30 jours, et à celui de février qui en a 28 ou 29.

LES PIERRES JOMATRES.

Voy., sur les Monuments druidiques, la Table dicennale. Dans les montagnes de la Creuse, en tirant vers le Bourbonnais et le pays de Combraille, au milieu du site le plus pauvre, le plus triste, le plus désert qui soit en France, le plus inconnu aux industriels et aux artistes, vous voudrez bien remarquer, si vous y passez jamais, une colline haute et nue, couronnée de quelques roches qui ne frapperaient guère votre attention sans l'avertissement que je vais vous donner. Gravissez cette colline; votre cheval vous portera, sans grand effort, jusqu'à son sommet; et là vous examincrez ces roches disposées dans un certain ordre mystérieux, et assises par masses énormes sur de moindres pierres, où elles se tiennent depuis une trentaine de siècles dans un équilibre inaltérable. Une seule s'est laissée choir sous les coups des premières populations chrétiennes, ou sous l'effort du vent d'hiver qui gronde avec persistance autour de ces collines dépouillées de leurs antiques forêts. Les chênes proA défaut de ces méthodes mécaniques, les écoliers avaient phétiques ont à jamais disparu de cette contrée, et les drui

Un moyen plus commode consiste à fermer la main. Les racines des quatre doigts contigus forment des parties saillantes; les intervalles, des creux. Si l'on compte alors les douze mois, en commençant par janvier, appliqué à la première partie saillante; continuant par février, appliqué au creux voisin, et ainsi de suite, on retrouvera que tous les longs mois ont correspondu aux saillies et les mois courts aux dépressions.

[graphic]
[ocr errors]

desses n'y trouveraient plus un rameau de gui sacré pour parer l'hôtel d'Hésus.

Aujourd'hui ce n'est, au premier coup d'œil, qu'un jeu de la nature, un de ces refuges que la rencontre de quelques roches offre au voyageur ou au pâtre. De longues herbes ont recouvert la trace des antiques bûchers, les jolies fleurs sauvages des terrains de bruyères enveloppent le socle de ftnestes autels, et, à peu de distance, une petite fontaine froide comme la glace et d'un goût saumâtre, comme la plupart de celles du pays marchois, se cache sous des buissons rongés par la dent des boucs. Ce lieu sinistre, sans grandeur, sans beauté, mais rempli d'un sentiment d'abandon et de déso

Ces blocs posés comme des champignons gigantesques sur leur étroite base, ce sont les menhirs, les dolmens, les cromlechs des anciens Gaulois, vestiges de temples cyclopéens d'où le culte de la force semblait bannir par principe le culte du beau; tables monstrueuses où les dieux barbares venaient se rassasier de chair humaine et s'enivrer du sang des victimes; autels effroyables où l'on égorgeait les prisonniers et les esclaves pour apaiser de farouches divinités. Des cuvettes et des cannelures creusées dans les angles de ces blocs sem-lation, on l'appelle les Pierres jomâtres (1). blent révéler leur abominable usage et avoir servi à faire couler le sang. Il y a un groupe plus formidable que les autres, qui enferme une étroite enceinte. C'était peut-être là le sanctuaire de l'oracle, la demeure mystérieuse du prêtre.

(1) Jeanne.

[merged small][merged small][merged small][merged small][graphic][subsumed][subsumed]

Musée du Louvre.

TOME XIX.

EL. CHEVIGNARD DELIOS

- Portrait d'Alof de Vignacourt, grand-maitre de l'ordre de Malte, par Michel-Ange de Caravage.

[ocr errors]
[blocks in formation]

- Dessin de Lechevallier-Chevignard.

47

« PreviousContinue »