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de se servir de tous les outils nécessaires à la construction des différentes pièces des instrumens, sans pouvoir être inquiétée par les

autres communautés.

Par là, on préviendrait tous les conflits de droits et de priviléges particuliers, on donnerait à l'art toute l'exécution dont il est susceptible, et toute la liberté suffisante au développement des talens et da génie. L'artiste inventif et adroit aurait la carrière libre et ouverte devant lui; l'opticien, par exemple, qui voudrait exécuter un télescope, pourrait, s'il s'en jugeait capable, commencer par fondre luimême, selon ses vues et ses principes, les bassins qui doivent servir au travail des miroirs; les miroirs achevés, il pourrait tourner les tuyaux, exécuter les mouvemens et le mécanisme du pied de l'instrument, sans être obligé d'avoir recours au fondeur pour les bassins, à l'ébéniste pour le tuyau et le pied du télescope, à l'ingénieur en instrumens de mathématiques pour le mécanisme de ses mouvemens. De son côté, l'ingénieur en instrumens de mathématiques aurait le droit, en construisant un grand instrument d'astronomie, de travailler les verres, s'il en a le talent, sans être obligé d'avoir recours à l'opticien. C'est ainsi qu'à Londres le célèbre Dollond réunit les deux parties avec le plus grand succès. Cet exemple, que l'on cite ici à dessein, est des- ́ tiné à répondre à ceux qui, par un raisonnement plus spécieux que juste, diraient que ce mélange d'arts serait plus nuisible qu'utile à la perfection des instrumens. L'on sait fort bien que l'artiste qui s'adonnera entièrement et exclusivement à l'exécution d'une seule partie, aura des avantages sur celui qui en voudra traiter plusieurs, et obtiendra communément plus de succès. Aussi qu'arrivera-t-il d'après notre projet? Cet artiste n'en sera pas moins le maître de ne faire que la chose à laquelle son talent et son génie le rendent propre. Il aura de plus la liberté de tenter au-delà. La concurrence de ses autres confrères ne fera qu'aiguiser son émulation, et s'il l'emporte sur eux, il les verra bientôt eux-mêmes avoir recours à lui, parce que leur intérêt les y forcera ; dans le commerce, le meilleur fabricant, la meilleure marchandise finissent toujours par avoir le plus grand débit, et le meilleur ingénieur en instrumens de mathématiques qui aura un instrument d'astronomie à exécuter, s'il a fait de vains essais en optique, aura de lui-même

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recours au meilleur opticien pour faire l'objectif du quart de cercle que je lui aurai commandé, et j'aurai un instrument parfait auquel la réunion des opticiens et des fabricateurs d'instrumens n'aura nullement nui.

D'ailleurs il est ici question de bien saisir l'esprit de ce projet, dont l'unique but est de donner un nouveau mouvement, un nouvel essor à un art peu encouragé jusqu'à présent parmi nous et cependant digne de l'être, en lui procurant une liberté aussi grande que les vues politiques de l'administration voudront le permettre; en mettant l'artiste favorisé de la nature à portée d'essayer librement ses talens et son génie dans les différens genres; enfin, en terminant les petites guerres intestines et scandaleuses que la jalousie, l'intérêt et quelque

fois même la seule envie de nuire allument entre des hommes utiles à la société, et qui réunis peuvent par leurs travaux et leurs succès faire honneur à leur patrie et augmenter son commerce.

C'est à quoi il serait facile de parvenir, si l'on adoptait le projet d'édit suivant, etc.

(C'est à peu près celui qui a été adopté dans les lettres-patentes qu'on va rapporter.)

N° XII.

Lettres-patentes du Roi, portant établissement d'un corps d'ingénieurs en instrumens d'optique, de physique et de mathématiques, Données à Versailles, le 7 février 1787. Registrées en Parlement le 19 mai 1787.

:

LOUIS, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre: A nos amés et féaux conseillers les gens tenant notre cour de Parlement à Paris; Salut Les professions d'ingénieurs en instrumens d'optique, de physique et de mathématiques, tenant plus particulièrement aux sciences qu'aux arts mécaniques, et ne pouvant néanmoins s'exercer dans toutes leurs parties, à cause des gênes que pourraient leur opposer les maîtres de plusieurs communautés rétablies par notre Edit du mois d'août 1776, nous avons cru qu'il était à propos de les en affranchir, et que pour exciter par des distinctions honorables ceux

qui s'attachent à des professions si nécessaires aux progrès de la physique, de l'astronomie et de la navigation, il convenait d'en former un corps particulier, composé d'un nombre limité d'artistes, dont le mérite aura été reconnu par notre Académie des Sciences, et auxquels, sur la présentation qu'elle nous en fera, nous accorderons pour l'exercice de leurs talens toute la liberté qui pourra se concilier avec les vues de bon ordre que nous voulons maintenir parmi les diverses classes de nos sujets. A ces causes et autres à ce nous mouvant, de l'avis de notre Conseil, et de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale, nous avons ordonné, et par ces présentes signées de notre main, ordonnons ce qui suit :

ART. Ier. Il sera par nous fait choix parmi les artistes qui nous seront présentés par l'Académie des Sciences, comme s'étant le plus distingués dans la fabrication des instrumens d'optique, de mathématiques, de physique, et autres ouvrages à l'usage des sciences, du nombre de vingt-quatre sujets au plus, lesquels formeront entre eux un corps, et jouiront des droits, priviléges et facultés ci-après énoncés, sous la dénomination d'ingénieurs en instrumens d'optique, de mathématiques, de physique, et autres ouvrages à l'usage des

sciences.

II. Chacun desdits ingénieurs sera pourvu d'un brevet qui lui sera expédié en la forme ordinaire, par le secrétaire d'Etat ayant le département des Académies; et lorsqu'un desdits ingénieurs ainsi brévetés laissera la place vacante, il sera remplacé de la même manière, sur la présentation de l'Académie, sans que, dans aucun cas, et sous quelque prétexte que ce soit, lesdits ingénieurs qui, suivant les circonstances, pourront être moins de vingt-quatre, puissent jamais excéder ce nombre, ni être remplacés autrement que sur la présentation de l'Académie.

III. Ledit corps sera régi et administré par un syndic et un adjoint, qui géreront pendant deux ans, la première en qualité d'adjoint, et la seconde en qualité de syndic. Ils seront nommés par nous pour la première fois seulement, et ils seront ensuite élus à pluralité des voix,

par les membres dudit corps. Le premier syndic, par nous nommé, n'exercera que pendant une année.

IV. Lesdits ingénieurs jouiront de la faculté de faire fabriquer et vendre librement tous les instrumens d'optique, de mathématiques et de physique, ainsi que les diverses pièces dont lesdits ouvrages sont composés, pour la fabrication desquels ils pourront employer toutes sortes de matières, et se servir de toute espèce d'outils sans aucune exception.

V. Défenses sont faites à tous gardes et syndics des corps et communautés d'arts et métiers, de troubler ni inquiéter lesdits ingénieurs dans l'exercice des priviléges et facultés à eux accordés par l'article précédent, sous peine de tels dommages-intérêts qu'il appartiendra.

VI. Ne pourront néanmoins, lesdits ingénieurs, sous prétexte des facultés à eux accordées par l'article IV, et qu'ils n'auront le droit d'exercer que concurremment avec les corps et communautés, chacun pour ce qui les concerne, entreprendre sur les autres droits desdits corps et communautés non exprimés par ledit article IV, sous peine de saisie et confiscation des ouvrages, outils et marchandises trouvés en contravention, et de tels dommages-intérêts qu'il appartiendra, envers lesdits corps et communautés.

VII. Lesdits ingénieurs pourront, lors des saisies qui seront faites sur eux, faire intervenir le syndic ou l'adjoint de leur corps, pour faire sur lesdites saisies telles représentations et réquisitions qu'ils jugeront convenables, sans néanmoins que, sous prétexte d'appeler ledit syndic ou l'adjoint, la partie saisie puisse prétendre qu'il doive être supercédé aux opérations relatives à la saisie.

VIII. Lesdits ingénieurs pourront être choisis parmi les membres des communautés; il leur sera pareillement permis de se faire recevoir dans les corps et communautés, à l'effet de cumuler, si bon leur semble, avec leur état, les commerces ou les professions qui peuvent être analogues à leurs talens. Si vous mandons que ces présentes vous ayez à faire registrer, et le contenu en icelles garder et exécuter selon leur forme et teneur car tel est notre plaisir.

Donné à Versailles, le 7 février, l'an de grâce 1787, et de notre

règne le 13o.

Et plus bas,

Vu au Conseil,

Signé, LOUIS.

Par le Roi, Signé, le baron De Breteuil.
Signé, DE CALOnne.

Et scellées du grand sceau de cire jaune.

Registrées, ouï et ce requérant Mathieu-Louis de Mauperché, doyen des substituts du procureur-général du Roi, pour être exécutées selon leur forme et teneur, suivant l'arrêt de ce jour. A Paris, en Parlement, les Grand'Chambre et Tournelle assemblées, le 19 mai 1787. Signé, YSABEAU,

N° XIII.

Projet et Acte d'association pour l'entreprise d'une carte générale de France, par M. Cassini de Thury.

PERSONNE n'ignore les travaux immenses qui ont été entrepris dès le dernier siècle, et continués avec ardeur pour parvenir à une description exacte de la France; la grandeur du degré dans toute l'étendue du royaume, constatée par des opérations faites avec le plus grand soin; la méridienne de Paris, tracée et vérifiée depuis Dunkerque jusqu'aux frontières d'Espagne; la description de plusieurs parallèles et perpendiculaires à la méridienne; une chaîne de plus de deux mille triangles pour fixer l'intérieur et les frontières du Royaume, et pour établir dans toutes les provinces de la France des points géométriques représentés dans ma carte des triangles: mais toutes ces connaissances acquises sur de grands objets n'étaient encore qu'une partie de ce que la géographie pouvait exiger pour le bien de l'Etat; elles ne devaient être regardées que comme des matériaux préparés pour un ouvrage plus étendu, d'une utilité plus universelle, plus immédiate et plus sensible; la carte générale et détaillée du royaume, entreprise dont on pourra tirer de grands avantages pour les différentes opérations du commerce, pour établir de nouvelles communications entre les provinces, construire de nouveaux canaux, joindre des rivières navigables, etc.

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