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CHAPITRE IV

La Politique de Ferrand ler

d'après le Codice Aragonese de Paris'

L'imbroglio Piccinino

Les Com.

La Succession de Ferrand Ier et le Saint-Siège. Malatesta.. - L'Affaire de Bénévent. L'Entreprise de Gênes. — plications intérieures. L'Aventure de Jean d'Anjou et de Lorraine. fin du Manuscrit de Paris. - Débâcle de la Maison aragonaise de Naples.

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La

« Dovete adunque sapere come sono due
generazioni di combattere; l'una con le leggi,
l'altra con le forze. Quel primo modo è degli
uomini, quel secondo è delle bestie; ma perchè
il primo spesse volte non basta, bisogna ricor-
rere al secondo. Pertanto ad un Principe è
necessario saper bene usare la bestia e l'uomo...
debbe di quella pigliare la volpe e il leone; per-
chè il leone non si defende da' lacci, la volpe
non si defende da' lupi. Bisogna adunque essere
volpe a conoscere i lacci, e leone a sbigottire i
lupi. Coloro che stanno semplicemente in sul
leone non se ne intendono. »

Machiavelli « Il Principe »
cap. xvi.

Cet argument de Machiavel est vraiment digne d'un enfant de ce siècle de magnanimità et de virtuosità, siècle que la terminologie laconique des érudits a nommé le Quattrocento; en effet, le grand interprète de l'àme des Borgia se réclame des mêmes maximes qui font l'ornement des trai

La

Succession

de Ferrand ler

et le

Saint-Siège.

1. Pour plus de brièveté, nous nous abstenons, dans ce chapitre, de toute référence, puisque nous nous servons comme source du manuscrit dont nous donnons l'édition complète dans la deuxième partie du présent ouvrage. L'ordre chronologique, selon lequel ont été rangées les pièces de ce manuscrit, suffira pour permettre de se reporter, à chaque instant, aux documents auxquels correspond notre texte.

tés des Panormita et des Valla, des Fazio et des Pontano, pour lesquels la virtù, la pace, et l'amicicia même ne sont plus, d'ailleurs, que d'élégantes formules.

Les événements politiques qui accompagnèrent, en Italie, l'avènement du Bâtard d'Aragon à Naples démontrèrent, en effet, que la paix de Lodi confirmée et renouvelée sans cesse et avec tant d'apparat depuis, n'avait, de même, été qu'un beau geste. Ceux des adhérents de cette Ligue,

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RENÉ D'ANJOU-PROVENCE, roi titulaire de Sicile (Naples) Effigie d'après une médaille attribuée à Pierre de Milan

qui, au début, avaient cru sincèrement à une ère de paix et de fraternité panitalique, perdirent bientôt leur dernier espoir et ne virent euxmêmes d'autre solution que la paix armée ou le faustrecht.

Le Codice Aragonese de Paris s'ouvre à l'époque peut-être la plus orageuse du règne de Ferrand, quatre jours après la mort de son père. A cette époque, les documents ne révèlent aucune trace

du dissentiment qui s'élèvera entre les nobles du royaume il en est de même de la trama catalane et des prétentions angevines.

Le 1er juillet 1458, le nouveau roi s'empressa de notifier, par une ambassade à la Cour d'Aragon-Navarre, l'événement inattendu. La mission spéciale des ambassadeurs consiste, avant tout, à resserrer les liens des deux maisons aragonaises. Avec Jean II, on avait beau jeu et aussi avec Don Carlos aucune difficulté ne sera créé ni par l'oncle ni par le cousin.

En revanche, un danger immédiat pour Ferrand résidait dans l'opposition acharnée de Calixte III. Déjà, pendant les dernières années du règne d'Alphonse, les relations de la royauté aragonaise et du Saint-Siège avaient été assez froides bien que toujours correctes. L'avènement de Ferrand, véritable usurpation aux yeux du pape, changea la mauvaise humeur du Souverain Pontife en une hostilité systématique. Le 5 juillet [Paris, doc. 2], le nouveau roi lui dépêcha le cavaller Arnau Sant, gouverneur du Castelnuovo, en vue d'obtenir la reconnaissance de ses droits. Ce fut une mission des plus délicates que celle qui s'imposa à Sant. Autrement délicate, certes, que la tâche dont avaient été chargés les agents précédents. Ferrand ne le savait que trop : mêlé à toutes les cabales de la cour de Rome, il fit, dès le début, tous ses efforts pour s'assurer des têtes de parti, tant chez les Orsini que chez les Colonna.

La réponse de Rome ne se fit pas attendre : le 12 du même mois (juillet) déjà, Calixte défend aux regnicoles (sous peine d'excommunication) d'obéir

à l'usurpateur; il fait de même annuler tous les titres sur lesquels reposent les prétentions du roi.

Mais Calixte était, lui-même, le dernier à croire à l'efficacité absolue des bulles : il n'était, au contraire, que trop bien versé dans les affaires politiques pour ignorer quel était le soutien du trône de Ferrand, nous voulons nommer le duc Francesco Sforza. Par des intrigues diplomatiques, il essaya donc de faire brèche dans cette muraille solide de l'entente milano-aragonaise. Or cette tentative n'eut pas de succès la politique des deux maisons alliées était trop bien scellée par un principe commun, et l'intérêt étroit qui les unissait était, sans doute, d'un tout autre poids que l'échange des fiançailles prévues le lendemain du traité de Lodi ; ce qui liait à cette heure Milan et Naples, c'était le danger imminent de l'invasion étrangère'.

Pendant que se poursuivaient ces négociations, le roi s'en tint simplement aux clauses de la Ligue. Dans sa lettre du 20 juillet, il fait appel au Turco (Louis de Gonzague, marquis de Mantoue), en sollicitant son appui contre le pacis ac federum violatorem.

En somme, les intrigues romaines et les intrigues napolitaines s'entrecroisaient au milieu de cet imbroglio, la mort inattendue du pape produisit l'effet d'un coup de théâtre. Les événements se précipiteront et le nouveau pape apparaîtra bien vite comme un véritable Deus ex machina.

En montant sur le Saint-Siège, le programme politique de Pie II était arrêté d'une manière pré

1. L'appui de Milan, pendant la période callixtine (juillet 1458) est démontré par toute une série de lettres [Codice de Paris, n° 20 à 29].

cise cette politique du nouveau pape s'opposait
diametralement à celle de son prédécesseur, car
elle consistait à se faire le porte-parole de la
cause aragonaise en Italie, ce qui signifiait ni
plus ni moins
que de repousser, à tout prix, toute
revendication, de la part de Charles VII aussi
bien que de la part de René d'Anjou.

Par contre, il n'est que logique que le nouveau pape, de son côté, exige quelque équivalent de la part de son protégé; cet équivalent sera le règlement de la question de Bénévent et de Terracine, ainsi que de la question Piccinino-Malatesta. Comme le Codice de Paris n'est pas sans jeter quelque lumière intéressante sur ce sujet, nous allons examiner de près ces deux questions importantes.

Pourquoi ce qui avait si brillamment réussi à Francesco Sforza, en 1450, ne réussirait-il pas au futur beau-fils du duc de Milan? En effet, Piccinino, qui venait de quitter le service de l'illustrissime République de Venise pour tenter un coup à son propre compte, était sûr de ne pas rencontrer trop de scrupules dans cette Italie dominée par deux douzaines d'usurpateurs, dans ce pays où le pape lui-même disait nullum in ea vetus regnum, facile hic ex servis reges videmus.

Les troubles qui suivirent, à Rome et dans les États pontificaux, la mort de Borgia, semblèrent

fournir à Piccinino l'occasion de réaliser ses projets ambitieux, tendant à reproduire la brillante carrière de son rival milanais. Le 15 août, le prevost catalan qui gouvernait Assisi au nom de Pierre Luys Borgia, neveu de Calixte, avait

L'Imbroglio Piccinino

Malatesta.

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