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asile sûr et durable: ici, les luttes politiques passèrent, pour ainsi dire, à l'état chronique et finirent par ne couvrir que des rivalités mesquines 1.

Mais si l'Italie tout entière a été instable pendant tout le Moyen-Age, sous les dominations qui se sont succédées à travers les invasions étrangères et les révoltes civiles, peu de régions, cependant, ont subi des épreuves aussi tragiques et multiples que la région méridionale. Une évolution aussi profonde des organismes, tant de

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perturbations politiques et sociales, tant de diversité dans la succession des éléments ethniques ne pouvait être favorable au développement économique et intellectuel. Ce sont, avant tout, les

1. Le pouvoir impérial, remplacé par celui des factions politiques, était devenu vague, pour ne pas dire abstrait. Nous nous bornons à n'en citer que l'exemple raconté par un chroniqueur génois (ap. Scriptores, t. XXIV, 555 et suiv.)- cf., de même, BURCKHARDT (J.), op. cit. note additionnelle (Exkurs) I, 131.

couches populaires qui, de la sorte, ont perdu de leur vitalité primitive voilà pourquoi, de nos jours encore, la miseria napolitaine et sicilienne fait, dans les Chambres italiennes, l'objet d'interterpellations traditionnelles de la part des économistes et des philanthropes.

Clément IV avait tranché la question sicilienne en offrant l'investiture à un prince de sang illustre. Cette succession, consacrée par les armes à Bénévent et à Tagliacozzo, rétablit un repos relatif dans la Péninsule méridionale. Naples, capitale du Royaume, prit, surtout après la séparation de la partie insulaire', un élan économique, litté

La

Succession

franco

angevine.

1.

Tableau des réunions et des séparations alternatives
des deux Siciles.

Ire réunion : 1130-1282 (l'île de Sicile: = le caput regni):

I. Dynastie franco-normande: 1130-1194:

II. Dynastie allemande (souabe): 1194-1266 (1268) ;

III. Dynastie franco-angevine: 1266(1268)-1282 (Vêpres).

Ire séparation : 1282-1435 (1442) : (Naples le caput regni):

I. Partie insulaire (Sicile en-delà du Phare ou Trinacria): 1282-1435 (1442), vice-royaume de la couronne d'Aragon. En réalité, dès les Vepres, la Trinacria ne cesse de faire partie de l'Aragon et (à partir de l'unité 1516) de l'Espagne.

II. Partie continentale (Sicile en-deçà du Phare ou Pouille) [Naples]: Royaume indépendant, d'abord sous les Anjous de la branche principale (jusqu'en 1382), puis sous les Anjous collatéraux (ou Durazzi) jusqu'en 1435 (Interregne: guerre de succession entre les maisons d'Aragon et d'Anjou-Provence, 1435-1442)

2o réunion : 1442(1435)-1458 :

Les deux Siciles réunies avec le grand royaume d'Aragon (Naples = caput regn) Alphonse, comme roi d'Aragon; Ier comme roi des domaines légués par Jeanne I, d'Anjou-Duras (scil. Naples).

2′ separation : 1458-1504:

Partie insulaire (Trinacria) retombe, comme partie du patrimoine d'Alphonse d'Aragon, dans le lot de Jean II, héritier universel des do maines de la couronne d'Aragon ;

(1501-1504: guerres de succession entre la France et l'Espagne.)

3′ (et derniere réunion) : 1504 : vice-royaume espagnol.

IV. n. Tableau généal. et chronol. (append. I), ainsi que (sur les titres officiels des Aragonais) notre chap. III.]

Alphonse le
Magnanime.

raire et artistique 1. La maison (régnante) d'AnjouNaples compte deux reines stériles, dont les adoptions causèrent de grands malheurs. La première, Jeanne, adopta son cousin Charles, de la branche collatérale des Duras (Durazzi), ce qui lui valut une mort violente; la deuxième, Jeanne aussi (Giovannella), adopta d'abord Alphonse V, roi d'Aragon, de Sardaigne et de Sicile (Trinacria), puis, successivement, deux princes de la maison d'Anjou-Provence', ce qui déchaina de longues guerres et donna carrière à toute une série interminable de prétentions dynastiques, par suite desquelles Naples passa enfin définitivement sous le joug d'un maître étranger.

Après son adoption par Jeanne II d'Anjou-Durazzo, Alphonse V d'Aragon montra au monde qu'il n'avait pas l'intention de jouer le rôle d'un prétendant platonique au beau royaume que baignent les flots de la mer tyrrhénienne. Il entra immédiatement en campagne avec toute la fougue espagnole qui lui était propre. Ainsi, les cabales et la furie de cette Cléopâtre napolitaine donnèrent carrière à cette énergie surhumaine, dont Alphonse seul était capable, et qui s'exerça sans relâche pendant une lutte d'une génération entière. Mais les brillantes qualités du prince et les péripéties romanesques de la conquête ne firent qu'augmenter le prestige du prétendant et lui valurent même l'appui de ceux qui avaient été auparavant ses

1. Ce furent surtout les rois de la maison d'Anjou qui embellirent et agrandirent la ville; c'est ainsi que celle-ci prit, peu à peu, la physionomie qu'elle a conservée jusqu'à nos jours.

2. Louis III d'Anjou († 1434), puis René, son frère. V. notre Tableau généalogique (append. I").

adversaires. Finalement, Alphonse resta victorieux et sut, par ses qualités affables et surtout par ses promesses, s'attacher les grands barons du royaume.

ALPHONSE LE MAGNANIME

D'après le croquis du ms. de Contrarius (Paris, Bibl. nat., ms. latin, 12917).

Le 2 juin 1442', Alphonse devint donc maître absolu de Naples". Son premier soin fut de paci

1. Nous voulons surtout rappeler la volte-face de Philippe-Marie, duc de Milan. V. sur cet épisode: COSTANZO [édit. de Mil.], III, 31; et [ibid.] p. 36, où l'auteur fait un parallèle entre le duc de Milan et Philippe de Bourgogne; FAZELLO, De Reb. sicul., 587 et suiv.: Fazio (B.), De Rebus.... ap. Thesaur., IX (p. III) 142 ; JOVE (Paul) [édit. de Bâle]. I, 181; MACHIavel, Storia..., lib. V, § 5; PLATINA, ap. Scriptores, XX, 494; PONTANO (éd. de Bâle], I, p. 226.

2. COSTANZO [éd. de Mil.] III, 103; LECOY, op. cit., I, 214 et suiv. V. notre Tabl. généal. (append.) Ier. V. également n. bibliogr. alphonsine, chap. IV. 3. Le Magnanime porte le titre d'Alphonse V comme roi des Etats ara

La

Descendance d'Alphonse.

fier le royaume qui avait beaucoup souffert des luttes dynastiques pendant l'interrègne (14351442). Le pays conquis, au lieu de devenir une dépendance aragonaise, devint, au contraire, le siège même de l'Empire aragonais, et, jusqu'à la mort d'Alphonse (1458), tous les fils de l'administration des vastes domaines qu'il possédait aboutissaient au Castelnuovo de Naples.

Un autre souci d'Alphonse d'Aragon fut d'assurer un successeurde son sang au pays conquis. Comme il ne possédait pas d'enfants de son mariage avec Doña Maria de Castille', il fit légitimer son batard Ferdinand, appelé Ferrand par les Napolitains, par

gonais-hispaniques (y compris les royaumes de Sicile-Trinacria et de Sardaigne) et celui d'Alphonse I" comme roi de Naples (Sicile en-deçà du Phare). Sur les titres des rois aragonais de Naples, v. plus bas, chap. III.

1. Des auteurs de l'époque prétendent découvrir dans un accès de jalousie de la reine Maria, qui fit assassiner la maîtresse de son mari, Doña Margarita de Ixar, la cause initiale qui le poussa dans la réalisation prématurée de ses projets ambitieux sur l'héritage de Jeanne II d'Anjou. Alphonse se sépara de sa femme et resta veuf. Et pourtant l'on sait quel rôle jouèrent les femmes dans la vie si mouvementée de ce prince. Après plusieurs liaisons galantes, entre autres avec la donna Carlina Gilardona [v. plus bas], puis avec une Nubienne, il se prit enfin, dans les dernières années de sa vie, d'une amitié particulière pour la belle et noble Lucrezia d'Alagna. Cette passion prend son début en 1448 et dure jusqu'à la mort du royal amant Une sœur de Lucrezia était mariée à Don Joan Torrelles, gouverneur d'Ischia, catalan attaché au roi Alphonse, mais qui, plus tard, trahit le fils de ce prince en favorisant Jean d'Anjou [v. Costanzo, éd. de Mil., III, 171]. Après la mort d'Alphonse, Donna Lucrezia paraît s'être trouvée dépourvue de toutes ressources [v. lettre du 31 juill. 1458, du fds. it. de la B. N. de Paris, fol. 106], de sorte qu'elle dut solliciter une prébende du trésor royal (cf. la correspondance de l'agent milanais à Naples, du mois d'oct. 1460 au mois de janv. 1461 [Arch. di Stato de Mil.] ainsi que les diverses lettres de Donna Lucrezia, publ. p. le prince de Satriano (Filangieri) dans A S N, t. XI, p. 65 et sq.). Le nouveau roi fit concéder une pension de 30 ducats d'or à la maîtresse de son père [v. notre chap. V. notice sur la maison du roi]. Sur Donna Lucrezia, consultez, à part l'art. cit. plus haut, Giornali napol. [ap. Scriptores...] t. XXI, col. 1130; PANORMITA, De Dictis..., lib. IV, col. 29; enfin la notice A S N, t. III, 124.

2. Ferrand naquit en 1423; son origine est obscure. Zurita[II, 241] prétend que Ferrand est le fruit de l'union d'Alphonse avec Doña Ixar, dont nous avons parlé plus haut; d'autres auteurs donnent des conjectures

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