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étendre. La nature de mes occupations académiques, le loisir que j'ai eu depuis que je les ai suspendues, la recommandation d'un ami digne de toute mon estime, l'autorité du prélat vénérable auquel ce livre est dédié, le défaut d'occupations par lesquelles mon tenps ou mes talens puissent être mieux employés, et mon mépris pour l'indolence fastidieuse des gens-de-lettres, qui ne font rien parce qu'ils dédaignent de faire peu, sont les considérations qui m'ont conduit à cette entreprise. Et je ne m'en suis pas repenti. Quel que soit le sort de cet ouvrage, il ne doit rien à son auteur; dans la bonne et dans la mauvaise santé, j'y ai trouvé ce qui peut seul soulager l'une et embellir l'autre, l'attachement et l'occupation.

LIVRE PREMIER.

CONSIDÉRATIONS PRELIMINAIRES.

CHAPITRE I.

Définition et usage de la science.

PHILOSOPHIE

HILOSOPHIE morale, éthique, loi naturelle, sont des mots qui désignent la même chose; savoir, la science qui enseigne aux hommes leurs devoirs, et les motifs de ces devoirs.

L'utilité de cette étude se trouve en ce que, sans elle, les règles de conduite, par lesquelles les hommes sont ordinairement dirigés, les égarent quelquefois, par une imperfection, soit dans la règle, soit dans l'application.

Ces règles sont la loi de l'honneur, la loi du pays, et l'écriture sainte.

Tom. I.

H

CHAPITRE II.

La loi de l'honneur.

La loi de l'honneur est un systême de règles établies par les hommes de qualité, et calculées pour faciliter leurs relations les uns avec les autres; et pour cela seulement.

En conséquence, rien n'est condamné par la loi de l'honneur que ce qui tend à rendre ces relations moins faciles.

De là cette loi ne prescrit et ne règle que les devoirs entre égaux, et omet ceux qui se rapportent à l'Etre - Suprême, de même que ceux auxquels nous sommes tenus envers nos inférieurs.

C'est pour cela que la profanation, la négligence du culte public, ou de la dévotion secrète, la cruauté envers les serviteurs, le traitement rigoureux des fermiers ou des autres dépendans, le défaut de charité envers les pauvres, le tort fait aux négocians par l'insolvabilité ou le délai du payement, et mille autres défauts ou vices du même genre, ne sont pas regardés comme des brêches. à l'honneur; parce qu'un homme n'est pas, pour ces vices, un compagnon moins agréable, ou plus difficile à vivre, dans les relations

qui existent ordinairement entre un gentil

homme et un autre.

De plus, la loi de l'honneur étant établie par des hommes occupés de la recherche du plaisir, et pour leur propre convenance, doit se trouver dans plusieurs cas, comme peut l'attendre du caractère et du dessein des auteurs de la loi, favorable à la satisfaction licencieuse des passions naturelles.

on.

Ainsi elle permet la fornication, l'adultère, l'ivrognerie, la prodigalité, le duel, l'extrême vengeance. Elle n'exige point les vertus opposées à ces vices,

CHAPITRE III.

La loi du pays.

CETTE portion du genre humain, qui est audessous de la loi de l'honneur, fait souvent de la loi du pays la règle de sa conduite: c'est-à-dire, qu'elle est contente d'elle-même, tant qu'elle ne fait ou ne néglige rien, dont la loi punisse ou l'admission ou la négligence.

Cependant tout systême de lois humaines, considéré comme règle de conduite, est atteint des deux défauts suivans.

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1. Les lois humaines omettent plusieurs devoirs, parce qu'ils ne peuvent pas être

forcés; tels que la piété envers Dieu, la bonté envers les pauvres, le pardon des injures, l'éducation des enfans, la gratitude envers les bienfaiteurs.

La loi ne parle que pour commander, et ne commande que là où elle peut contraindre; en conséquence, ces devoirs, qui par leur nature doivent être volontaires, sont laissés hors du code, comme étant au-delà des limites de son opération et de son autorité.

2. Les lois humaines permettent, ou ce qui est la même chose, laissent impunis plusieurs crimes, parce qu'il est impossible de les déterminer par une description antérieure. De ce genre sont la luxure, la prodigalité, la partialité dans ces élections où les qualités du candidat doivent décider du succès, le caprice dans les dispositions qu'un homme fait de sa fortune au moment de sa mort, l'irrévérence envers les parens, et une multitude d'autres semblables.

Car voici l'alternative; ou il faut que la loi définisse à l'avance et avec précision les fautes qu'elle punit, ou il faut laisser à la discrétion du magistrat de déterminer sur chaque accusation particulière si elle constitue l'offense que la loi voulait punir, ou non; ce qui n'est dans le fond autre chose que de laisser au magistrat la liberté de punir ou d'absoudre à son gré l'individu qui est devant

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