Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE IV.

De l'adultère:

It se trouve ici une nouvelle personne souffrante, l'époux outragé, qui est frappé dans ses affections et sa sensibilité, de la manière la plus douloureuse et la plus incurable que connaisse la nature humaine. Sous tout autre rapport, l'adultère, du côté de l'homme, qui veut corrompre la chasteté d'une femme mariée, emporte le crime de la séduction, et produit les mêmes malheurs.

L'infidélité de la femme est aggravée par sa cruauté envers ses enfans, qui sont ordinairement enveloppés dans la honte de leurs parens, et toujours malheureux par leurs querelles.

Si l'on dit que ces conséquences sont moins celles du crime que de la découverté du crime, nous répondons d'abord que le crime ne serait jamais découvert, s'il n'était point commis, et qu'en le commettant on n'est jamais assuré de n'être point découvert; en second lieu, si nous permettons un commerce adultère toutes les fois qu'il ne peut être découvert (conclusion à laquelle nous serions conduits par ce raisonnement), nous ne laissons à l'époux d'autre sécurité pour la

chasteté de sa femme, que le défaut de tentation ou d'occasion favorable; ce qui probablement, ou détournerait les hommes de se marier, ou rendrait le mariage un tel état d'alarmes et de jalousie pour le mari, qu'il finirait bientôt par rendre esclave et par enfermer sa femme.

Le vœu par lequel les personnes mariées s'engagent mutuellement à la fidélité, est attesté devant Dieu, et accompagné de circonstances solennelles et religieuses, qui le rapprochent de la nature du serment. Celui des coupables qui est marié commet donc un crime peu différent du parjure; et la séduction d'une femme

mariée n'est guère moins qu'une subornation au parjure et ce crime est indépendant de la découverte.

-

Toute conduite, dont le but ou la tendance manifeste est de captiver l'affection d'une femme mariée, est une entreprise barbare contre la paix et la vertu d'une famille, bien qu'elle n'amène point à l'adultère.

L'apologie la plus commune, et même la seule, pour l'adultère, est la transgression précédente de l'autre partie. Il y a sans doute des degrés dans ce crime, comme dans tous les autres; et autant les mauvais effets de l'adultère sont anticipés par la conduite du mari ou de la femme qui s'en rend d'abord coupable, autant le crime du second est

exténuée. Mais ce n'est jamais une justification complète, à moins qu'il ne soit prouvé que l'obligation du væeu du mariage n'est fondée que sur la supposition de la fidélité réci proque; opinion qui n'est favorisée ni par P'utilité générale, ni par les termes de la promesse, ni par le dessein et le but du législateur qui a prescrit la forme du mariage. De plus, la règle que l'on voudrait soutenir par ce prétexte a une tendance manifeste à multiplier les transgressions, mais point du tout à ramener le coupable.

Considérer l'offense d'une partie comme provoquant la même offense de la part de l'autre; et l'autre comme rendant, par une espèce de talion, en répétant le crime, l'injure qu'elle a reçue, c'est se jouer puérilement des

termes.

« Tu ne commettras point adultère » était une défense faite par Dieu même. Par la loi juive, l'adultère était un crime capital pour les deux complices : « Sera puni Sera puni de mort » quiconque aura commis adultère avec la » femme de son prochain : la femme subira » la même peine. » Lévit. XX, 10. Ce passage prouve que le divin législateur mettait une grande différence entre l'adultère et la fornication. La révélation chrétienne confirme cette distinction; car dans tous les catalogues qu'elle nous donne des crimes et des criminels, elle

énumère séparément la fornication et l'adultère, les impudiques et les adultères (1). Par là les auteurs sacrés indiquent qu'ils ne considéraient pas le crime comme étant le même ; mais que, dans leur opinion, le crime de l'adultère était distinct de celui de la fornication, qu'il aggravait considérablement.

que

L'histoire de la femme surprise en adultère, qui se trouve dans le huitième chapitre de St. Jean, a fait croire à quelques personnes le christianisme ne défend point ce crime. Puisque Jésus-Christ dit à cette femme : « et » moi aussi je ne te condamne pas," nous devons croire, dit-on, qu'il ne regardait pas sa conduite comme aussi criminelle que nous le croyons aujourd'hui, Un examen plus attentif de cette histoire nous convaincra, je pense, qu'il est impossible d'en rien conclure quant à la véritable opinion de Jésus-Christ sur la culpabilité de l'adultère. Voici les termes du récit : « Alors les Scribes et les >> Pharisiens lui amenèrent une femme qu'on » avait surprise en adultère; et l'ayant mise >> au milieu de l'assemblée, ils dirent à Jésus : » maître, cette femme a été surprise en adultère; or Moïse nous a ordonné dans la loi » de lapider les femmes adultères : vous donc,, qu'en dites-vous? Ils disoient cela pour lui » tendre un piége, afin de le pouvoir accuser.

[ocr errors]

(1) Matth. XV, 19, 1 Cor. VI, 9; Gal. V,9; Hebr. Vill, 4.

[ocr errors]

» Mais Jésus, s'étant baissé, se mit à écrirè > avec le doigt sur la poussière; et comme ils continuaient à l'interroger, il se re» dressa, et leur dit que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre >> contre elle; puis se baissant de nouveau, il » continua d'écrire sur la poussière. Mais eux » l'ayant ouï, et se sentant repris par leur » conscience, se retirèrent l'un après l'autre » jusqu'au dernier, les plus âgés étant sortis » les premiers. Ainsi Jésus demeura seul » avec la femme, qui était au milieu de la place. Alors Jésus se relevant, et ne voyant plus qu'elle, lui dit : femme, où sont ces gens qui vous accusaient? Personne ne vous a-t-il » condamnée? Elle lui dit: non, Seigneur. Jésus >> lui répondit: je ne vous condamne pas nonplus. » Allez-vous-en et ne péchez plus à l'avenir. » << Ils disaient cela pour lui tendre un piége, >> afin de pouvoir l'accuser, . c'est-à-dire, pour l'entraîner à exercer une autorité judiciaire, qui leur permît de l'accuser, devant le gouverneur romain, de se mêler sans droit du gouvernement civil. Tel était leur dessein, et la conduite de Jésus pendant toute cette affaire montre qu'il le connaissait et qu'il voulait le déjouer. Il les reçoit d'abord d'une manière froide et bien digne des intentions insidieuses avec lesquelles ils venaient vers lui: «il se baissa et se mit à écrire avec le

[ocr errors]
« PreviousContinue »