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incompatible avec une vie agréable et gaie; et ne déploient, dans leurs relations sociales, un caractère léger et dissolu.

On peut aussi faire quelque chose pour corriger ou perfectionner les dispositions que l'on découvre dès le premier âge, en plaçant les enfans dans la situation la moins dangereuse pour leur caractère particulier, Ainsi, je ferais choix d'une vie retirée pour un jeunehomme adonné à des plaisirs licencieux, d'un état privé, pour l'orgueilleux et le passionné; d'une profession libérale, et du séjour de la ville pour le sot et le mercenaire: je me garderais bien de placer, suivant la coutume ordinaire des parens, des enfans dissolus dans l'armée; ceux qui sont disposés à l'avarice, dans le commerce; ou de faire d'un enfant rusé un procureur; ou de flatter un caractère vain et orgueilleux par des titres fastueux, ou par un état auquel l'usage du monde accorde des honneurs et de la distinction, mais dans lequel ses dispositions, sans favoriser ses succès, ne serviront qu'à multiplier et à rendre plus pénibles ses mécomptes. De la même manière, c'est-à-dire, en accordant une attention particulière aux dispositions et au caractère de l'enfant, je me déciderais pour l'éducation publique ou particulière. Les caractères réservés, timides, ou indolens, mettront leurs facultés en jeu, et acquerront plus de vigueur, par une

éducation publique. Les jeunes gens dont l'esprit est ardent et les passions fortes, seront plus en sûreté dans une éducation privée. Dans nos écoles publiques, autant que j'ai pu l'obl'on acquiert plus de science, mais l'on gagne plus de vices. Les esprits vifs sont cultivés, les esprits lents sont délaissés. Avec une éducation privée, l'on ne va guère au-delà de la médiocrité, mais on est plus sûr d'y parvenir.

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CHAPITRE X.

Droits des parens.

Les droits des parens résultent de leurs devoirs. Si c'est un devoir pour un père d'élever ses enfans; de les former à une vie utile et vertueuse; de les placer dans une situation propré à satisfaire leurs besoins et accomodée à leurs circonstances et de les préparer pour cette situation; il a besoin d'une autorité suffisante ponr atteindre ces diverses fins, et d'exercer une discipline assez forte pour maintenir son autorité. La loi naturelle ne reconnaît pas d'autre fondement aux droits d'un père sur ses enfans, que ses propres devoirs envers eux (je parle ici seulement des droits qui peuvent être soutenus par la force). Cette ralation ne donne point la propriété de leur

personne, ni aucune domination naturelle • comme on le suppose communément.

Puisque en général il est nécessaire de fixer la profession des enfans, avant qu'ils soient en état de juger par-eux mêmes de leur propre bonheur, les parens ont le droit de choisir pour eux des professions.

Comme la mère elle-même doit obéissance au père, elle doit toujours lui céder en autorité. Ainsi, quand les ordres sont opposés, c'est au père qu'il faut obéir. Dans le cas de mort de l'un ou de l'autre, l'autorité, ainsi que les devoirs des deux parens, se réunissent dans celui qui survit.

Puisque ces droits suivent toujours les devoirs, ils appartiennent également aux tuteurs; et comme délégués par les parens ou 'les tuteurs, ils appartiennent aux maîtres d'appren tissage, instituteurs, etc.

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De ce principe que « les droits des parens résultent de leurs devoirs,» il s'ensuit que les parens n'ont point un droit naturel sur la vie de leurs enfans, comme l'accordait sans raison la loi romaine; ni le droit d'exercer une sévérité inutile; ni le droit de commander l'exécution de quelque crime: car ces droits ne seront jamais nécessaires pour l'accomplis sement des devoirs des parens,

Par la même raison, les parens n'ont point le droit de vendre leurs enfans pour l'esclavage,

336 Sur quoi nous pouvons observer en pas sant que, par la loi de nature, les enfans des esclaves ne sont point nés esclaves : car, puisque les droits du maître lui sont parvenus par les parens, ils ne peuvent jamais être plus grands que ceux des parens eux

DROITS DES PARENS.

mêmes.

De là il paraît encore que les parens nonseulement pervertissent, mais encore dépassent leur autorité légitime, lorsqu'ils satisfont leur propre ambition, leur avarice ou leurs préjugés, et cela visiblement aux dépens du bonheur de leurs enfans. On peut citer pour exemple de cet abus du pouvoir paternel l'action de ceux qui enferment leurs filles ou leurs fils cadets dans des monastères, afin de conserver dans leur entier la fortune et la dignité de la famille; ou qui emploient des moyens de violence ou de douceur pour les entraîner à choisir eux-mêmes cet état; ou qui, dans les pays où le célibat est obligatoire pour le clergé, font embrasser à leurs fils l'état ecclésiastique, dans le même dessein, bien qu'il soit vraisemblable qu'ils n'y trouveront pas des avantages suffisans pour compenser ce sacrifice; ou qui pressent leurs enfans pour des mariages qui leur répugnent, dans le dessein d'enrichir ou de relever leur famille, ou pour rattacher des domaines, des partis ou des intérêts; ou qui s'opposent

des mariages dans lesquels leurs enfans trouveraient probablement leur bonheur, par des motifs d'orgueil, d'avarice, de haine ou de pique.

CHAPITRE XI.

Devoirs des enfans.

LE devoir des enfans peut être considéré :
I. Durant l'enfance;

II. Après qu'ils sont devenus hommes, mais qu'ils sont encore dans la famille du père ; III. Après qu'ils sont devenus hommes, et ont quitté la famille de leur père, I. Durant l'enfance.

les

Il faut nécessairement supposer que enfans ont atteint un certain degré de discernement, avant d'être capables de devoir, Il y a un intervalle de huit ou neuf ans entre les premières pousses et la maturité de la raison. Dans cet intervalle, il faut absolument soumettre l'inclination des enfans à beaucoup de gêne, diriger leur application sur plusieurs exercices dont ils ne peuvent sentir ni le but, ni l'utilité. C'est pourquoi, l'obéissance des enfans, durant cette période, doit être prompte et implicite, abstraction faite cependant de tout de tout crime manifeste qui pourrait leur être commandé,

Tom. I.

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