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rencontre aussi dans l'économie divine; dans cette distribution de punitions et de récompenses, sur laquelle le moraliste doit toujours avoir les yeux.

Je réponds que les règles générales sont nécessaires dans tout gouvernement moral; et, par un gouvernement moral, j'entends toute dispensation dont l'objet est d'influer sur la conduite des créatures raisonnables.

Car, si de deux actions parfaitement semblables l'une est punie, et l'autre pardonnée ou récompensée (ce qui serait la conséquence du rejet des règles générales ), les êtres soumis à une telle dispensation ne connaîtront plus, ni ce qu'ils ont à attendre, ni ce qu'ils ont à faire. Les récompenses et les punitions cesseront d'être telles, et ne seront plus que des accidens. Telles que la chûte de la foudre, ou la découverte d'une mine; telles qu'un billet blanc ou noir à la loterie, elles produiront la peine ou le plaisir par leur présence; mais ne suivant aucun ordre connu, et ne découlant d'aucun genre particulier de conduite, elles ne pourront avoir aucune influence antérieure sur les actions.

L'attention aux règles générales se trouve donc renfermée dans l'idée même de récompense et de punition. En conséquence, autant il y a de raison d'attendre de la main de Dieu des punitions ou des récompenses,

autant il y a lieu de croire qu'il procédera dans cette distribution d'après des règles générales.

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Avant de poursuivre plus loin la considération des conséquences générales, il est utile de prévenir une réflexion, qui pourrait se présenter d'elle-même dans la suite de notre raisonnement.

Comme la conséquence générale d'une action conséquence qui constitue en si grande partie le crime d'une action mauvaise), consiste dans l'exemple, il semble d'abord que si l'action pouvait être faite dans un secret impénétrable, de manière à ne point devenir un mauvais exemple, cette portion du crime serait anéantie. Dans le cas 'du suicide, par exemple, si un homme pouvait disposer les choses de telle sorte qu'il s'ôtat la vie, sans que son action fût connue ou soupçonnée, il ne serait responsable d'aucun mal produit par l'exemple; et dès-lors la punition d'un tel homme ne semble pas nécessaire, pour maintenir l'autorité de la règle générale.

En premier lieu, ceux qui raisonnent de cette manière n'observent pas qu'ils établissent une règle générale la plus pernicieuse de toutes; savoir, que le secret, toutes les fois qu'il est praticable, peut justifier une action.

Si cette règle était admisé, par exemple, dans le cas dont nous venons de parler, n'y aurait-il pas lieu de craindre que les gens disparaitraient sans cesse?

En second lieu, je voudrais qu'ils donnassent des réponses satisfaisantes, sur les points proposés dans les question suivantes :

1. Si les écritures ne nous conduisent pas à croire que, dans le jugement universel, les actions les plus secrètes seront mises au grand jour ? (1)

2. Si cela peut être fait dans un autre dessein que dans celui d'en faire des objets de punition et de récompense?

3. Si les actions, ainsi mises au grand jour, ne seront pas soumises à l'opération de ces lois impartiales d'après lesquelles Dieu se conduit envers ses créatures.

Alors aussi elles deviendront des exemples, quoiqu'elles puissent être maintenant ; et elles appelleront de la part du juge et du gouverneur du monde moral, le même traitement, que si elles avaient été découvertes sur le champ.

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(1)« Au jour que Dieu jugera les secrets des hommes, par Jésus-Christ. » Rom. XI, 16.

« Ne jugez point avant le temps, jusqu'à ce que le Sei»gneur vienne, qui manifestera ce qui est cache dans les » ténèbres, et fera connaître les desseins des cœurs. » « Cor. IV, 5.

CHAPITRE VIII.

Suite de la considération des conséquences générales.

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LA conséquence générale d'une action doit s'estimer en recherchant quelle serait la conséquence, si la même espèce d'action était généralement permise. Mais supposez qu'elle le fût, et que mille actions pareilles fussent commises en vertu de cette permission; est-il juste de charger une seule action du crime et des conséquences accumulées de mille autres? Je réponds que la raison qu'il y a de proscrire et de punir une action ( et cette raison peut s'appeler, si vous voulez, le crime de cette action) sera toujours en proportion avec la somme de mal, qui résulterait de la tolérance et de l'impunité générale des, actions du même genre.

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Tout ce qui est expédient est juste: Mais il faut qu'il soit expédient dans son ensemble, dans ses conséquences; dans ses effets éloignés et collatéraux, aussi bien que dans ceux qui sont directs et immédiats; puisqu'il est manifeste qu'en calculant les conséquences, il importe peu la distance à laquelle elles se trouvent.

Pour graver cette doctrine dans l'esprit des jeunes lecteurs, et pour leur enseigner à étendre leur vue au-delà des conséquences immédiates d'un crime, je vais joindre ici quelques exemples, dans lesquels la conséquence particulière est comparativement insignifiante, et où la culpabilité du crime, et la sévérité, avec laquelle il est poursuivi par les lois, est presque entièrement fondée sur la conséquence générale.

La conséquence, particulière de faire de la fausse monnaie est la perte d'une guinée, ou d'une demi-guinée, pour celui qui reçoit la monnaie contrefaite. La conséquence générale (par où j'entends la conséquence qui s'ensuivrait, si la même pratique était généralement permise) est d'abolir l'usage de la monnaie.

La conséquence particulière du faux est la perte de vingt ou trente livres sterling, pour l'homme qui accepte la lettre de change forgée; la conséquence générale est la cessation du cours du papier.

La conséquence particulière du vol des moutons ou des chevaux est la perte, pour le propriétaire, du prix du mouton ou du cheval dérobé ; la conséquence générale c'est que la terre ne pourrait plus être fertilisée ni le marché fourni par ce genre de bétail.

La conséquence particulière de l'action de

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