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s'introduire dans une maison vide d'habitans," est la perte d'une paire de chandeliers d'argent ou de quelques cuillers; la conséquence générale est que personne ne pourrait plus laisser sa maison seule.

La conséquence particulière de la contrebande peut être une diminution du revenu national trop petite pour en tenir compte : la conséquence générale est la destruction entière d'une branche considérable du revenu public, un surcroit proportionné d'impositions sur les autres branches, et la ruine de tout commerce ouvert et honnête dans l'article illégalement introduit.

La conséquence particulière de l'action d'un officier qui manque à sa parole, est la perte d'un prisonnier, qui peut-être ne valait pas la peine d'être gardé; la conséquence générale est que cet adoucissement de la captivité serait refusé à tous les autres.

Et ce qui prouve incontestablement l'importance supérieure des conséquences générales, c'est que les crimes sont les mêmes, et punis de la même manière, quoique la conséquence particulière soit toute différente. Le crime et le sort de celui qui force une porte, sont précisément les mêmes, qu'il ait volé cinq guinées, ou qu'il en ait volé cinquante, La raison en est que la conséquence générale est la même.

Le défaut de distinction entre les consé

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quences particulières et particulières et les conséquences générales, ou plutôt le défaut d'attention aux dernières, est la cause de la perplexité que nous rencontrons chez les anciens moralistes. D'un côté, ils sentaient l'absurdité de déclarer une action bonne ou mauvaise, sans avoir égard au bien ou au mal qu'elle peut produire. De l'autre, ils étaient surpris et effrayés des conclusions auxquelles ils étaient conduits quelquefois en adhérant fermement aux conséquences. Pour se tirer de cette difficulté, ils imaginèrent le romanov, ou le honestum au moyen duquel ils voulurent établir une mesure du juste, distincte de l'utilité. Tant que l'utile pouvait leur servir, c'est-à-dire, tant qu'il correspondait à leurs notions habituelles sur la rectitude des actions, ils le suivaient pour règle. Quand ils rencontraient des cas, tels que ceux que nous avons proposés dans le sixième chapitre, ils prenaient congé de leur guide, et s'attachaient à l'honestum. La seule manière dont ils pouvaient expliquer ce sujet, était que ces actions pouvaient être utiles; mais que, comme elles n'étaient pas en même temps honnêtes, on ne pouvait en aucune manière les regarder comme justes.

D'après les principes exposés dans ce chapitre et dans les deux précédens, on peut expliquer une maxime qui se trouve dans la

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bouche de tout le monde, le plus souvent sans Ne faites point de mal, pour

aucun sens.

qu'il en arrive du bien: » c'est-à-dire, ne violez aucune règle générale, dans le but d'obtenir quelque conséquence particulière que vous pouvez espérer ce qui est en général un avis très-salutaire, l'avantage ne pouvant que bien rarement compenser la violation de la règle. Strictement parlant, il ne peut point se trouver « du mal » dont il arrive « du bien; mais, dans ce sens, et sous le rapport de la distinction entre les conséquences particu lières et générales, il peut s'en trouver. Nous conclurons ce sujet des conséquences, la réflexion suivante. Un homme peut s'imaginer que ses actions , par rapport au public, ne peuvent être que très-peu considérables. L'agent ne l'est pas davantage. Si son crime ne produit que peu d'effet sur l'intérêt général, sa peine ou sa destruction n'est pas dans une proportion plus considérable avec la somme du bonheur ou du malheur de la création.

par

CHAPITRE IX,

Du droit.

Le droit et l'obligation sont réciproques; c'est-à-dire, que par-tout où il y a un droit dans une personne, il y a une obligation correspondante dans d'autres. Si un homme a droit sur un bien, les autres sont obligés de s'en abstenir : si les parens ont droit au respect de leurs enfans, les enfans sont obligés de respecter leurs parens; et ainsi dans tous les cas.

Or, puisque l'obligation dépend, comme nous l'avons vu, de la volonté de Dieu, le droit, qui y est corrélatif, doit en dépendre aussi. Le droit signifie donc : l'accord avec la volonté de Dieu,

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Mais si c'est la volonté de Dieu qui détermine le droit et le tort n'est-ce pas une proposition identique de dire par rapport à Dieu qu'il se conduit suivant le droit ? Comment est-il possible même de concevoir qu'il agisse à tort? Cependant ces assertions ont un sens intelligible. Voici donc ce qui en est: par moyen des deux principes, que Dieu veut le bonheur de ses créatures, et que la volonté de Dieu est la mesure du droit et du tort, nous arrivons à de certaines conclusions;

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ces conclusions deviennent des règles; et nous nous habituons bientôt à regarder les actions comme justes ou injustes, suivant qu'elles conviennent ou non à ces règles, sans porter plus loin nos regards et lorsque l'habitude de s'arrêter aux règles est une fois établie, nous pouvons revenir en arrière, et comparer avec ces règles la conduite de Dieu lui-même, quoiqu'il soit vrai cependant (bien que nous ne l'eussions pas observé d'abord ) que les règles mêmes sont déduites de la volonté divine.

Le droit, ou le juste, est une qualité des personnes ou des actions.

Des personnes, comme lorsque nous disons: un tel a « droit » sur ce bien; les parens ont « droit » d'être respectés par leurs enfans; le roi a «< droit » à la fidélité de ses sujets; les maîtres ont « droit » sur le travail de leurs domestiques, un homme n'a pas «< droit » sur sa propre vie.

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Des actions, comme dans les expressions suivantes : il est « droit » ou « juste » de punir de mort le meurtrier; sa conduite dans cette occasion fut << droite » ou « juste ; » il n'est pas «juste d'envoyer en prison un malheureux débiteur ; il s'est conduit « droitement » lorsqu'il a cédé sa place, plutôt que de voter contre son opinion.

Dans ce dernier genre d'expressions, vous.

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