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sont pas

des lois. La discussion de cette proposition, quelque essentielle qu'elle pût être pour la précision dialectique, n'était certainement pas nécessaire aux progrès d'un ouvrage, dont le but était d'exposer les devoirs et les obligations de la vie civile. Le lecteur s'impatiente, lorsqu'il est arrêté par de longues recherches qui n'ont pour but que de fixer le sens d'un mot ou d'une phrase; et, ce qui est bien pis, ceux pour qui le livre est écrit ne se décideront jamais à le lire.

pro

Si je propose ces remarques, ce n'est point par un désir secret de déprécier les travaux de mes prédécesseurs, encore moins de voquer une comparaison entre leurs ouvrages et le mien; mais uniquement parce que, lorsque un auteur présente un livre au public sur un sujet qui a été traité plusieurs fois, il est obligé, par une sorte de justice littéraire, d'apprendre distinctement à ses lecteurs ce qu'il veut suppléer et ce qu'il espère perfectionner. Les imperfections que j'ai énumérées ci-dessus sont celles que j'ai taché d'éviter ou de corriger. C'est au lecteur à juger de l'exécution; mais tel était mon but.

Ce serait anticiper que de parler ici du principe de la morale: mais à l'égard de la manière de le développer et de l'expliquer, j'ai quelque chose à faire observer. Une expérience de neuf années dans l'emploi de

précepteur dans l'une de nos universités et dans cette partie de l'éducation qui se rapporte à l'objet de cet ouvrage, m'a fourni des occasions fréquentes d'observer que, en parlant à des esprits jeunes sur des sujets de morale, il était beaucoup plus difficile de leur faire apercevoir la difficulté, que comprendre la solution; que, si le sujet n'était pas précisé, au point d'établir toute la force d'une objection, ou la véritable place d'un doute, avant d'entreprendre aucune, explication, en d'autres termes,

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si la curiosité n'était pas excitée avant d'être satisfaite, le travail du maître était perdu. Quand l'éclaircissement n'était pas désiré, il était rarement retenu. Cette observation m'a guidé dans cet ouvrage. Dans chaque occasion, avant de procéder à la discussion, j'ai tâché de mettre le lecteur en état de bien comprendre la question; et je l'ai fait de la manière que je croyais la plus propre à développer ses doutes, sa sollicitude, et sa curiosité.

En poursuivant le principe de la morale parmi le détail des cas auxquels on peut l'appliquer, j'ai eu pour but d'accommoder le choix de l'objet et la manière de le traiter aux circonstances les plus communes de ce pays et de ce temps. Voilà ce que je crois manquer dans les traités plus anciens;

et

peut-être le plus grand avantage de celui-ci. Je n'ai pas éclairci d'autres difficultés, je n'ai pas combatiu d'autres erreurs, je n'ai pas rappelé d'autres controverses, que celles qui existent actuellement. Si quelques-unes des questions que j'ai traitées paraissent minutieuses et puériles à un lecteur plus instruit, je le prie de croire que j'ai trouvé dans ces questions une source de difficultés pour des esprits jeunes; et ce que j'ai trouvé dans des esprits jeunes, je dois l'attendre aussi de tous ceux qui s'occupent de ces objets pour la première fois. Dans chaque article, j'ai combiné avec les conclusions de la raison les déclarations de l'écriture, lorsqu'il en existe, comme ayant une autorité corrélative, et se fondant l'une et l'autre sur la même sanction.

Dans la manière d'écrire l'ouvrage, j'ai tâché de prendre un milieu entre les plans opposés dont j'ai parlé ci-dessus, afin que le lecteur ne puisse m'accuser ni de trop de rapidité ni de trop de lenteur. J'ai parlé assez longuement de chaque sujet, pour donner du corps au chapitre dans lequel il est traité, en même temps que de la liaison et de la clarté. D'un autre côté, j'ai rarement fatigué, j'espère, la patience de mes lecteurs par la longueur et la prolixité de mes essais, ou trompé à la fin cette patience par une conclusion indifférente ou frivole.

Il y a deux particularités dans mon ouvrage, dont il est peut-être nécessaire que je rende compte à mes lecteurs. La première est de n'avoir presque jamais cité d'autres livres, ou rappelé le nom de l'auteur dont j'adoptais les pensées et peut-être même les expressions. Voici quelle a été constamment ma manière d'écrire. Je tirais d'abord tout ce que je pouvais de mon propre fonds et de mes propres réflexions; je le rédigeais, et ensuite je consultais sur chaque objet les ouvrages qui étaient à ma portée. Je suis convaincu que cet ordre est le seul par lequel un homme puisse empêcher ses pensées de prendre la marche de celles des autres. L'effet de cette habitude sur l'ouvrage lui-même sera que, tandis que quelques parties seront neuves quant à la matière et à la forme, d'autres ne seront guère plus qu'une répétition d'idées plus anciennes. Je ne prétends point à une originalité parfaite; je crois être quelque chose de plus qu'un simple compilateur. Il y a beaucoup d'emprunté sans doute; mais le fait est que les notes pour cet ouvrage ayant été préparées depuis quelques années, et plusieurs choses y ayant été insérées suivant qu'elles me paraissaient en valoir la peine, le plus souvent sans y joindre le nom de l'auteur qui me les avait fournies, il me serait maintenant difficile de retrouver ces noms avec assez d'exactitude

pour rendre à chacun ce qui lui appartient. D'ailleurs, pour dire la vérité, je n'ai pas cru qu'il valût la peine de répéter mcs recherches, uniquement pour atteindre ce but. Lorsque l'on se fonde sur des autorités, il faut produire les noms; lorsqu'une découverte a été faite dans une science, il est injuste d'en profiter, sans en faire connaître l'auteur. Mais dans un traité fondé sur le raisonnement et dans un sujet qui ne donne point lieu à des découvertes ou à l'invention proprement dite, et où tout ce qui peut appartenir à un auteur est sa manière de raisonner ou son jugement des probabilités, j'aurais cru inutile, lors même que cela m'aurait été plus aisé, d'interrompre le texte ou de remplir la marge, par les citations des auteurs dont j'employais les idées. Il est cependant un ouvrage auquel je dois tant, qu'il serait ingrat de ne pas en convenir. Je veux parler des écrits de feu Abraham TUCKER, Esq., dont une partie fut publiée par lui-même, et le reste après sa mort, sous le titre de the light of nature pursued, by Edward SEARCH, Esq. J'ai trouvé dans cet auteur plus de pensées originales et plus d'observations sur les differens sujets dont il a traité, que dans aucun autre, pour ne pas dire que dans tous les autres ensemble. Il est sans rival pour la clarté de ses expli-. cations; mais ses pensées sont éparses dans un

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