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entrer dans son livre les objections les plus essentielles avec les principes des solutions les plus justes, garda le silence, et laissa tomber dans l'oubli ces critiques et ceux qui les avaient faites. Il ne fit à son ouvrage aucun changement. Toutes les universités l'adoptèrent pour l'enseignement de la politique et de la morale; le peuple le lut pour rectifier ses idées ; et dix-neuf éditions consécutives, dans l'espace de vingt-cinq ans, ont pu suffire à peine pour satisfaire cette avidité toujours croissante.

Je n'immagine pas que l'ouvrage ait le même succès en France. Cependant on peut dire qu'il remplit une grande lacune dans notre littérature. Nous n'avons en français, sur le sujet de la morale et de la politique, que des livres longs et diffus, qui n'embrassent souvent qu'une partie de la science, et ne peuvent en faire saisir l'ensemble. Sur la morale, nous n'avons ou que des ouvrages purement philosophiques, qui cherchent péniblement à établir les devoirs de l'homme sans les fonder sur l'existence d'un Dieu et d'une rétribution future; ou bien des livres de piété, écrits souvent dans un style gothique, et dont l'homme instruit et le philosophe ne peuvent retirer ni beaucoup de profit ni beaucoup de plaisir. Sur la politique, nous n'avons que des morceaux épars dont les principes sont souvent hasardés, ou des traités volumineux que personne ne peut lire. L'ouvrage, dont je publie une traduction, remplit cette double lacune, et offre des élémens complets de l'une et l'autre science, rangés dans un ordre méthodique,

où les lecteurs de toutes les classes trouveront des conmaissances à leur portée, et suffisantes pour ré

soudre tous leurs doutes, et pour terminer toutes leurs incertitudes.

Quoiqu'écrit depuis quelques années, cet ouvrage aura en France tout le mérite de la nouveauté. En effet, il n'y est connu que par un article de M, Suard, inséré dans le publiciste, et par quelques extraits dans la bibliothèque britannique, qui ne suffisent pas pour en donner une idée complète. D'ailleurs ces extraits ne s'étendent pas jusqu'à la partie politique, que les rédacteurs regardèrent peut-être comme au-delà des limites qu'ils s'étaient alors prescrites,

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et

La vie de Will. Paley m'est peu connue, p'offre que peu de détails. Il exerçait un emploi dans une université : ce ne fut qu'après l'âge de quarante ans, qu'il céda aux instances de ses amis, et consentit à mettre par écrit ses ouvrages, qui étaient presqu'en entier confiés à sa mémoire. C'est ainsi que furent publiés successivement la théologie naturelle, ouvrage admirable, où la théorie des causes finales est exposée dans tout son jour et avec tous ses développemens (1); les preuves du christianisme et les Hora Pauline, où les fondemens de la crédibilité de l'histoire évangélique sont posés d'une manière aussi neuve que solide (2). Ce ne fut

(1) Traduit par M. CH. PICTET, de Genève. Genève, 1804, 1 vol. in-8.o.

(2) Ces deux ouvrages ont été traduits en français par M. D. LEVADE, professeur à Lausanne. Le premier intitulé Tableau des preuves évidentes du Christianisme, fut imprimé à Lausanne en 1806, 2 vol. in-8.". Le second fut imprimé à Nismes en 18a9; 1 vol. in-8.o. M. Levade s'était aussi occupé de l'ouvrage dont je publie une traduction. S'il

qu'après avoir ainsi fixé les bases de toute religion et de toute morale, que Will. Paley publia enfin ses Principes de philosophie morale et politique. Les instances de ses amis accélérèrent ces publications; car il était paresseux de corps et quittait peu son fauteuil. Il mourut en mars 1805, lorsque ses ouvrages jouissaient déjà d'une estime éprouvée par le temps, et avaient obtenu des succès qui devaient l'étonner lui-même.

J'ai peu de choses à dire de ma traduction. Je ne doute pas que l'on n'y remarque un grand nombre de fantes. J'ai tâché du moins de saisir exactement le sens de mon auteur et de le rendre avec clarté. Je sens que je ne l'ai pas fait toujours avec élégance. Le style même de l'ouvrage, quoique parfaitement clair, m'a souvent présenté des difficultés qu'il était difficile de surmonter sans lui faire perdre de son prix. L'on y remarquera, sans doute, une grande précision. L'auteur limite toujours sa pensée avec exactitude; il détermine les circonstances; il énumère les cas; en un mot, en énonçant une proposition, il ne veut jamais la rendre plus universelle qu'elle ne l'est en effet. Cette marche a dû nécessairement rendre les périodes longues, et les interrompre à chaque instant par des phrases incidentes. L'on sent-com

avait publié la sienne, le public y aurait gagné. Les amis de la religion et de la vérité ne doivent pas moins lui savoir gré de tout ce qu'il a fait de bien des manières pour les répandre, les mettre à la portée de tous les esprits, et les rendre aimables pour tous les cours. C'est à sa complaisance que je dois les quelques détails que j'ai pu donner sur la vie de Will. Paley; et je me plais à lui en exprimer ici ma reconnaissance,

bien l'ouvrage aurait changé de nature, si j'avais voulu supprimer ces incidences pour abréger les périodes. J'ai dû les conserver sans doute; et alors je n'ai pas eu d'autre ressource que celle de faire mes efforts pour disposer la période entière, de manière à ce qu'elle se déroule clairement et sans peine. Je me suis permis de retrancher deux ou trois chapitres et autant de paragraphes, parce qu'ils ne pouvaient avoir en France ni intérêt ni clarté. Le lecteur doit être assuré que je n'ai rien omis de ce qui peut lai être utile. J'ai ajouté quelques notes dont la plupart n'ont aucune importance. Une seule est plus considérable pour l'objet, soit pour l'étendue. Je puis assurer ici que ma position personnelle n'a été pour rien dans les motifs qui me l'ont fait écrire. Je n'ai cherché que la vérité.

soit

Voilà tout ce que je crois devoir dire sur ma traduction. Je saurai toujours gré aux personnes qui voudront bien m'adresser leurs remarques. L'ouvrage aurait gagné sans doute à passer par d'autres mains; mais j'ai mieux aimé qu'il parût, quelquefois maltraité par les miennes , que s'il restait plus long-temps ignoré de mes compatriotes; et sans doute j'ai mieux employé mes loisirs la traduction d'un bon livre, que par par la composition d'un mauvais.

AU TRÈS-RÉVÉREND

EDMUND LAW, D. D. LORD ÉVÉQUE DE CARLISLE.

MILORD,

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SI les obligations qui m'attachent à votre Seigneurie étaient moindres ou en plus petit nombre; si la reconnaissance avait laissé à mon esprit la liberté de délibérer et de réfléchir pour choisir un nom que tous les lecteurs pussent regarder comme bien placé à la tête d'un livre, dont plusieurs parties ont un rapport immédiat avec la religion naturelle et révélée ; j'eusse été conduit naturellement par plusieurs considérations à celui de Milord, évêque de Carlisle. Une vie

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