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1786.

viron six verstes de long, et est au moins à Juin. cinq cents verstes de la mer.

Nous trouvâmes sur le bord de l'Aldan notre premier détachement, et nous l'y laissâmes avec ordre de se partager en petites troupes. Le capitaine Billings résolut de se rendre à Okhotsk avec toute la promptitude possible; en conséquence nous laissâmes tout le bagage avec ceux de nos gens qui étoient près de l'Aldan, et nous ne prîmes que les choses dont nous avions besoin pour la route.

Dans la soirée du 19 juin, nous partîmes des bords de l'Aldan, avec vingt-un chevaux. Nous avions avec nous M. Merck, M. Robeck, un bas-officier, deux guides et un interprète.

En nous éloignant de l'Aldan, nous ne vîmes plus de plaines fertiles et habitées. Nous traversâmes au contraire un pays inégal, rem pli de bois et de marais. Les rivières et les torrens s'y précipitent du haut des montagnes, et les productions de la nature y sont différentes de celles des campagnes que j'ai décrites plus haut. Les pins même et les mélèzes y croissent mal et y sont d'une bien plus petite espèce. Nous aperçûmes de grands espaces couverts de rhubarbe sauvage et de roma

vin; nous vîmes du rheum rhaponticum, du genièvre, du genêt, du thym, des œillets.Le climat étoit aussi changé ; l'air étoit froid et piquant.

Le dimanche 21 juin, deux heures après midi, nous arrivâmes sur le bord de la BéliaRéka 1. Il y avoit trop d'eau pour que nous pussions tenter de la passer à gué. Comme nous vîmes qu'elle commençoit à baisser, nous marquâmes le point où elle étoit, et nous plantames nos tentes.Le lendemain la rivière avoit très-peu diminué.

Impatient de poursuivre sa route, le capitaine Billings essaya en divers endroits de traverser la rivière. A la fin son cheval trouva une eau profonde, et il fut forcé de passer à la nage. La rivière avoit environ deux, cents toises de large; l'eau couroit avec tant de rapidité, qu'elle faisoit environ sept milles heure ; le fond de la rivière étoit semé de grosses pierres, et il y avoit un écueil un peu au-dessous. du gué: cependant l'espace où il falloit nager n'étoit pas de plus de quinze brasses.

par

Quand je vis que le capitaine Billings étoit de l'autre côté de la rivière, je lui envoyai un guide yakout et un interprète, avec du La rivière Blanche.

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Juin.

1785.

Juin.

biscuit, de l'eau-de-vie, du thé, du sucre et ma petite tente.

Le docteur Merck tenta de guéer la rivière; mais le courant étoit si fort, qu'il eût peur et tomba de cheval dans un endroit où n'y avoit de l'eau que jusqu'au genou: aussitôt il vint nous rejoindre.

Un contre-maître, nommé Kopman, demanda la permission de passer avec un second guide, et quelques chevaux de relais : j'y consentis. Il fut heureux que je lui eusse donné un guide, car autrement le courant l'auroit entraîné avec son cheval. Comme j'étois très-bien monté, je traversai aussi à la nage, et il ne m'arriva point d'accident. Nous allumâmes un bon feu, nous fîmes sécher nos vêtemens, et nous déjeûnâmes; après quoi nous nous mêmes en route. Notre troupe étoit alors réduite à cinq cavaliers, en y comprenant les guides et l'interprète. Nous avions neuf chevaux, un chien d'arrêt et deux lévriers. Nos provisions consistoient seulement en vingt livres de biscuit, deux bouteilles d'eau-de-vie, un peu de thé et un

1 Le capitaine Billings laissa un des guides avec des instructions pour ceux de nos compagnons qui étoient restés sur la rive opposée.

peu de sucre; et il nous restoit à faire six 1786. cents verstes dans un pays absolument désert. Juin, Nous eûmes beaucoup d'avantage à voyager avec peu de chevaux; car nous allions beaucoup plus vite, et il ne nous falloit qu'un endroit où il y eût un peu d'herbe pour les faire pattre et passer la nuit.

Le 23 juin, nous traversames une haute montagne, connue sous le nom de Tchakdall. Nous la montâmes en grande partie en suivant un ravin rempli de grosses pierres, et où l'eau tomboit en torrent. C'est dans cette montague que nous remarquâmes, pour la première fois, la plante que les Russes appellent piania trava. Les Tartares de la Sibérie, ainsi que ceux de la Russie, font le plus grand cas de cette plante, à laquelle ils attribuent la vertu de guérir les douleurs rhumatismales, et même les vienx ulcères, de quelque cause qu'ils proviennent. Ils en boivent alors une forte décoction, tandis qu'ils prennent un bain de vapeur, et ils lavent les plaies avec le reste de la décoction. Les sommets des montagnes sont couverts de cette plante et de cèdres rampans".

Le rhododendron chrysanthum.

» Pinus cembra.

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1786. Le mercredi 24 juin, à sept heures et deJuin. mie, il tomba tant de neige que les sommets des montagnes en furent couverts. Ne nous attendant pas à un changement de température si subit, nous n'avions pris aucune précaution pour nous garantir du froid. Presque tous nos vêtemens étoient restés avec le bagage; et nous n'avions emporté que des gilets et des pantalons de nankin. Ce qui ajoutoit à cet inconvénient, c'est que les ruisseaux et les marais que nous avions. à traverser nous empêchoient d'aller à pied.

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En passant dans un endroit marécageux, notre guide se mit à chanter une romance mélancolique, dont voici le sens : — « C'est » ici le lieu qui fut arrosé des pleurs du vé

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nérable Tchogonnoï. Ce vertueux vieil» lard! il fut chasseur habile et constant dé»fenseur de ses amis ! C'est ici que, ne pou» vant plus soutenir les fatigues du voyage, » tomba son compagnon, son ami, son der» nier cheval. Il s'assit près de son dernier » cheval; et donnant un libre cours à sa dou» leur, il répandit des larmes amères; oui, » les larmes les plus amères; car il ne man» qua jamais de remplir les devoirs d'un

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