Je dois trop au beau sexe, il me fait trop d'honneur De lire ces récits, si tant est qu'il les lise. Pourquoi non? c'est assez qu'il condamne en son cœur Ne peut-il pas, sans qu'il le dise, S'ils sont faux, ce sont vains discours; Iroit-il après tout s'alarmer sans raison Je craindrois bien plutôt que la cajolerie Chassez les soupirants, belles, souffrez mon livre; Mais pourquoi les chasser? Ne sauroit-on bien vivre Qu'on ne s'enferme avec les morts? Le monde ne vous connoît guères, S'il croit que les faveurs sont chez vous familières : Soient ni phénix ni corbeaux blancs ; Aussi ne sont-ce fourmilières. Ce que mon livre en dit doit passer pour chansons. Qu'ai-je gagné? très-peu de chose; Rien. Je m'aviserois sur le tard d'être cause Je n'y vois rien de périlleux. Les mères, les maris, me prendront aux cheveux Voyez un peu la belle affaire! Ce que je n'ai pas fait, mon livre iroit le faire! Mais je voudrois m'ètre acquitté De cette grâce par avance'. Que puis-je faire en récompense? Un conte où l'on va voir vos appas triompher: Vous auriez surpassé le printemps et l'aurore 1. La Fontaine avait près de cinquante ans lorsqu'il publia ce troisième livre de ses contes. 2. C'est-à-dire je voudrais par avance m'être acquitté de la grâce que me fera le beau sexe de souffrir mon livre et de le lire. Dans l'esprit d'un garçon, si, dès ses jeunes ans, Aussi, dès qu'il les vit, il en sentit les coups, Que n'en auroient, à beaucoup près, On l'avoit dès l'enfance élevé dans un bois.. Consistoit aux oiseaux; leur aimable harmonie Tout son plaisir étoit cet innocent ramage; Son père l'amena dès ses plus tendres ans. Et le pauvre garçon ne connut la lumière Il ne s'en figura, pendant un fort long temps, De cette forêt, c'est-à-dire Que des loups, des oiseaux, enfin ce qui respire L'autre, la crainte; et, depuis qu'à ses yeux Las d'y gémir et de s'y plaindre, Et partout des plaintes ouïr, Sa moitié le lui fit par son trépas haïr, Et le reste des femmes craindre. Il voulut être ermite, et destina son fils Ses biens aux pauvres départis, Il s'en va seul, sans compagnie Que celle de ce fils, qu'il portoit dans ses bras: (Cet homme s'appeloit Philippe, dit l'histoire '.) Au progrès de ses ans réglant en ce séjour A cinq, il lui nomma des fleurs, des animaux, Et, parmi ce discours aux enfants agréable, Lui dit qu'il étoit fait d'une étrange façon. Et de la femme point parlé. Vers quinze ans, lui fut enseigné, Tout autant que l'on put, l'auteur de la nature, Ce propos n'est alors déjà plus de saison Pour ceux qu'au monde on veut soustraire; 1. Fu un cittadino, il qual fu nominato Filippo Balducci. (Il Decamerone, giornata quarta.} |