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Je soupçonne fort une histoire, Quand le héros en est l'auteur. L'amour-propre et la vaine gloire Rendent souvent l'homme vanteur. On fait toujours si bien son compte Qu'on tire de l'honneur de tout ce qu'on raconte.

A ce propos, un Gascon, l'autre jour,
A table, au cabaret, avec un camarade,
De gasconnade en gasconnade,
Tomba sur ses exploits d'amour.
Dieu sait si là-dessus il en avoit à dire !
Une

grosse servante, à quatre pas de là,

Prêtoit l'oreille à tout cela,

Et faisoit de son mieux pour s'empêcher de rire. A l'entendre conter, il n'étoit, dans Paris,

De Chloris

Dont il ne connût la ruelle,

Dont il n'eût eu quelques faveurs ;
Son air étoit le trébuchet des cœurs.
Il aimoit celle-là parce qu'elle étoit belle;
Celle-ci payoit ses douceurs :

Il avoit chaque jour des garnitures' d'elle;
De plus, s'il étoit fort heureux,

Il n'étoit pas moins vigoureux :

Telle dame en étoit amplement assurée;
A telle autre, en une soirée,

Il avoit su donner jusqu'à dix fois l'assaut.
Ah! pour le coup notre servante

Ne put pas s'empêcher de s'écrier tout haut :
< Malepeste! comme il se vante!

Par ma foi! je voudrois avoir ce qu'il s'en faut. »

1. Rubans pour garnir l'épée, le haut-de-chausses; dentelles pour garnir les manchettes, la chemise, etc.

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Un de ces jours, dame Germaine,
Pour certain besoin qu'elle avoit,
Envoya Jeanne à la fontaine;

Elle y courut cela pressoit.
Mais, en courant, la pauvre créature
Eut une fâcheuse aventure.

Un malheureux caillou, qu'elle n'aperçut pas,
Vint se rencontrer sous ses pas,
A ce caillou, Jeanne trébuche,
Tombe enfin et casse sa cruche.
Mieux eût valu cent fois s'être cassé le cou!
Casser une cruche si belle!

Que faire? que deviendra-t-elle ?

Pour en avoir une autre elle n'a pas un sou. Quel bruit va faire sa maîtresse,

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Non, non, dit-elle enfin; il faut que je me tue.
Tuons-nous! >> Par bonheur, un voisin près de là
Accourut, entendant cela;

Et, pour consoler l'affligée,

Lui chercha les raisons les meilleures qu'il put, bon orateur qu'il fût ;

Mais, pour

Elle n'en fut point soulagée;

Et la belle, toujours s'arrachant les cheveux,
Faisoit couler deux ruisseaux de ses yeux :
Enfin vouloit mourir la chose étoit conclue.
<< Eh bien, veux-tu que je te tue?

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Lui dit-il. Volontiers. » Lui, sans autre façon,
Vous la jette sur le gazon,

Obéit à ce qu'elle ordonne,

A la tuer des mieux apprête ses efforts,
Lève sa cotte, et puis lui donne

D'un poignard à travers le corps.
On a grande raison de dire

Que pour les malheureux la mort a ses plaisirs :
Jeanne roule les yeux, se pâme, enfin expire;
Mais après les derniers soupirs,

Elle remercia le sire :

« Oh! le brave homme que voilà !

Grand merci, Jean! Je suis la plus humble des vôtres. Les tuez-vous comme cela?

Vraiment, j'en casserai bien d'autres! >>

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Jean, amoureux de la jeune Perrette,
Ayant en vain auprès d'elle employé
Soupirs, serments, doux jargon d'amourette,
Sans que jamais rien lui fût octroyé,
Pour la fléchir s'avisa de lui dire,

En lui montrant de ses mains les dix doigts,
Qu'il lui pourroit prouver autant de fois
Qu'en fait d'amour il étoit un grand sire.
De tels signaux parlent éloquemment,
Et pour toucher ont souvent plus de force
Que soins, soupirs, et que tendre serment:
Perrette aussi se prit à cette amorce.
Jà ses regards sont plus doux mille fois;
Plus de fierté l'amour a pris sa place;
Tout est changé jusqu'au son de sa voix.
On souffre Jean, voire même on l'agace,
On lui sourit; on le pince parfois ;

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