De l'intendance du lutrin. Avec ces beaux talents, bouffi de vaine gloire, Le curé de son bourg, homme de vrai mérite, Plein de vertu, de probité, Paraissoit à Gros-Jean de science petite. Ce curé fit un sermon Le jour de la Dédicace. Tout ce qu'il dit fut fort bon: Et son discours si bien ravit Que, pendant qu'il dura, personne ne dormit. Le bon curé va changer de chemise, Puis revient dans la chambre, où la table étoit mise Chacun tâcha de mettre en évidence Lui dit-il, là, que penses-tu? - Moi? dit Gros-Jean, j'ai piquié, quand j'y pense; Elle ne vaut pas un fétu. Ardez' tenez, le beau prêchage! J'entendions tout ce qu'il disoit. Palsangué! faut-il pas être un fin personnage, Pour moi, j'aime bien mieux monsieur notre vicaire : Il n'a pas dit trois mots, bredouillant son affaire, Que tout le monde s'assoupit. Vous voyez ce que c'est de parler ou d'écrire, Je vous parois assez bon orateur, Et je suis pour Gros-Jean un sujet de satire! » Dès qu'au public on s'est livré, On s'expose à la censure. Tel mérite d'être admiré Qui d'abord reçoit l'injure D'un ignorant avéré. Ce n'est pas nouvelle aventure De trouver que Gros-Jean remontre à son curé. 1. Ardes! pour regardez, voyez! « Ardez! ce qu'on en diroit seroit-il tant à ton désavantage?» (La Coupe enchantée, comédie. 2. Locution proverbiale : « On appelle cela justement apprendre à son père à faire des enfants, et Gros-Jean qui remontre à son curé. » (BARON, le Rendez-vous des Tuileries ou le Coquet trompé, prologue.) Certain quidam, ces jours passés. Mais il lui manquoit certain cas: Entre lesquels étoient le plus à redouter Un fameux procureur, un avocat, un moine, Le moyen plus sûr et plus doux, Eût été de lui pouvoir faire Un héritier. N'ayant pas les outils propres à ce métier, Et se vit, au bout de neuf mois, Père comme le sont une infinité d'autres, On abuse de tout les maris font des vœux, Pour avoir des enfants, cependant que les femmes Voulut bientôt recommencer. Tel est du dieu d'amour le culte et le mystère : Commence-t-on de l'encenser, Ce plaisir est si doux qu'on veut toujours le faire. Elle ne s'en tint donc pas là. De dire qui lui fit cela, Je n'en sais rien, mais je le conjecture. C'est qu'elle crut, par aventure, Qu'il lui seroit aussi permis De choisir un de ses amis. Il n'est point besoin de vous dire Un Qu'elle ne choisit pas le pire. peu de temps après, la belle se trouva Pour la seconde fois grosse à pleine ceinture. Le mari peste, gronde, jure; Et, tout plein de courroux, s'en va Quereller son ami, lui disant : « Notre sire, Je vous avois prié de me faire un enfant; Mais non pas deux! Vraiment, notre galant, Il vous en faut donner! - Que me voulez-vous dire? — Je dis, poursuivit-il, que je suis mal content De votre procédé, voyant ma femme grosse Pour la seconde fois. Ce n'est point de mon fait. » Avec qui voulez-vous qu'elle ait un tel négoce? Il fit tel bruit et tel fracas Que ce fracas ne manqua pas Qui, du bien espérant avoir chacun sa part, Déclarer cet enfant bâtard, La femme hors de bienséance, Et le mari dans l'impuissance. La cour doit décider de cette question. Il nous falloit prouver quel étoit notre père : |