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suppléer aux omissions de Brossette, et on lit encore avec intérêt les éditions de Boileau qu'il publia en 1735 (2 vol. in-12), et en 1740 (2 vol. in-4°).

Boileau, par le charme de sa poésie et par la pureté de son goût, étoit devenu le poète classique de la France; il exerçoit l'autorité d'un monarque légitime mais, vers le milieu du XVIII° siècle, une faction littéraire s'efforça de le détrôner. Lefevre de Saint-Marc s'étant fait l'historien de cette faction rassembla tout ce qu'il put recueillir de plus défavorable à l'auteur des satires. L'édition de Boileau, qu'il publia en 1747, forme cinq volumes in-8°; les curieux placèrent cette édition dans leurs cabinets, à cause de sa belle exécution.

L'Académie françoise se couvrit en 1760, d'un ridicule ineffaçable, lorsqu'elle couronna une épître de Marmontel, où se trouvent ces vers contre Boileau :

Que ne peut point une étude constante?
Sans feu, sans verve et sans fécondité,
Boileau copie; on diroit qu'il invente.
Comme un miroir il a tout répété.

Mais l'art jamais n'a su peindre la flamme :

Le sentiment est le seul don de l'âme

Que le travail n'a jamais imité.

J'entends Boileau monter sa voix flexible
A tous les tons: ingénieux flatteur,
Peintre correct, bon plaisant, fin moqueur,
Même léger dans sa gaieté pénible;

Mais je ne vois jamais Boileau sensible :
Jamais un vers n'est parti de son cœur (1).

Fréron seul démontra combien ce portrait étoit plein d'injustice et de contradictions; mais Boileau trouva d'autres vengeurs vers la fin du xvIIIe siècle. L'académie de Villefranche ac

(1) M. Barbier auroit pu rappeler ici une excellente plaisanterie de Palissot. Dans une des premières éditions de ses Mémoires sur la littérature, à l'article Cotin, Palissot, après avoir rappelé une satire de cet auteur contre Boileau, ajoute que cette satire est perdue aujourd'hui, mais qu'on en a pourtant conservé quelques vers, et ce sont justement les vers de Marmontel qu'il cite comme un fragment de la satire de Cotin. La plaisanterie étoit bonne et de bonne guerre; pourtant Palissot erut devoir, plus tard, la supprimer, et on ne la retrouve plus dans les dernières éditions de ses œuvres. Elle étoit pourtant aussi juste alors qu'elle l'avoit été précédemment, qu'elle le seroit encore aujourd'hui.

(G. D.)

corda le prix, en 1779,, à un éloge de Boileau composé par l'abbé Talbert; celle de Nimes couronna, en 1787, le discours. de M. Daunou, qui a pour titre : Influence de, Boileau sur la Littérature française. Ce discours, aussi remarquable par la justesse des pensées que par l'élégance du style, prouva que l'on pouvoit attendre de M. Daunou une bonne édition de Boileau. Il ne remplit cette attente qu'en 1809; son édition de Boileau (3 vol. in-8°), fut très bien accueillie, et se réimprime souvent; il sera facile à l'éditeur d'en faire disparoître quelques légères imperfections.

Malgré le succès des louables efforts de M. Daunou, M. de Saint-Surin s'est persuadé qu'il étoit encore possible de donner une édition de Boileau, accompagnée d'un commentaire qui ne laissât rien à désirer.

On doit lui savoir gré des recherches auxquelles il s'est livré pour éclaircir tout ce qui est relatif à la personne de Boileau et à ses ouvrages elles sont si nombreuses, qu'on pourroit croire qu'il ne lui est rien échappé dans ce genre de perquisitions. J'aurai cependant quelques omissions à lui reprocher.

Cet éditeur n'a pu éviter ce que l'on reproche à la plupart des commentateurs, ses devanciers: c'est de laisser sans explication ce qui en avoit besoin. Ainsi, l'on ne comprend pas aisément cet hémistiche du 55 vers de l'Épître IV, au Roi sur le passage du Rhin: Il marche vers Tholus. La première idée qui se présente à l'esprit est que Louis XIV marche vers une forteresse: point du tout; Tholus n'est qu'une maison de péage, en bas allemand ou hollandois Toll-huys. Cette maison se trouvait sur le bord opposé à celui où l'armée françoise passa.

La plupart des jeunes gens qui liront le commentaire de M. de Saint-Surin, seront arrêtés à plusieurs endroits de la lettre de Boileau à Maucroix, où il est question d'une dissertation du docteur Arnauld contre la préface mise par Goibaud Dubois en tête de la traduction des sermons de saint Augustin: Boileau veut parler des Réflexions sur l'éloquence des prédicateurs, publiées en 1694, in-12, sous le voile de l'anonyme. C'est un des meilleurs ouvrages d'Antoine Arnauld. (Voy. les OEuvres de Boileau, tom. 4, p. 277). M. de Saint-Surin auroit dû

citer ces réflexions, réimprimées avec d'autres pièces sur la même matière, par les soins du P. Bouhours (Paris, 1700, in-12,) sous le titre de Réflexions sur l'éloquence.

M. de Saint-Surin nomme Antoine Riquié, le jardinier à qui Boileau adresse sa onzième épître. L'abbé Goujet, dans son ca talogue manuscrit, l'appelle Antoine Riquet, et il nous apprend que ce jardinier est mort à Paris, le 3 octobre 1749, âgé de 95 ans. Voilà un nouvel extrait mortuaire à joindre à ceux dont M. de Saint-Surin a enrichi son commentaire.

M. de Saint-Surin ne paroît pas avoir connu un petit recueil imprimé en 1702, contenant la Requête de Bermer en faveur d'Aristote, et l'Arrêt burlesque composé par Boileau sur cette requête. Les deux pièces sont précédées d'un avertissement d'Alethophile au lecteur. Le tout forme 23 pages in-12. (Voyez le n° 16529 de la 2 édition du Dictionnaire des ouvrages anonymes.)

M. de Saint-Surin paroît ignorer aussi l'existence d'une Notice fort étendue sur la vie et les ouvrages du baron de Walef;' gentilhomme liegois, insérée par le baron de Villenfagne, dans ses Mélanges de littérature et d'histoire, Liége, 1788, in-8°, pag. 269. On y voit que Walef ne fut pas toujours le jouet de la fortune. Après quarante ans d'une vie ambulante et orageuse, il revint dans sa partie pour y jouir paisiblement d'un bien considérable. Il a été en relation avec Boileau, Vergier, et quelques autres savans françois réfugiés en Hollande. (Voyez OEuvres de Boileau, tom. 4, pag. 28.)

M. de Saint-Surin, dans ses notes, pousse en général l'exactitude jusqu'à la minutie : quelquefois, cependant, ses détails mañquent de vérité.

Il nous dit, par exemple, dans sa Notice bibliographique des principales éditions de Boileau (page 30.), que Condorcet publia, en 1787, six volumes des Eloges des Académiciens, par d'Alembert; il n'en fit paroître que cinq, lesquels, joints au volume publié en 1779 par d'Alembert lui-même, forment l'ouvrage connu sous ce titre : Histoire des membres de l'Acadêmic françoise, depuis 1700 jusqu'en 1771, six vol. in-12.

A la page 36 de la même notice, M. de Saint-Surin cite lé

Recueil de pièces fait par le libraire Moetjens, La Haye, 16941698, 5 vol. in-16. Cet énoncé est fautif; car la sixième partie du cinquième volume de cette collection ne parut qu'en 1701; la cinquième porte la date de 1697.

L'érudition de l'éditeur est aussi quelquefois en défaut. Dans les notes sur la fameuse satire contre les femmes, tome 1, page 300, il attribue au médecin Fagon le volume qui a pour titre: les Admirables qualités du Quinquina. Fagon n'a d'autre part à cet ouvrage que d'y avoir ajouté une Approbation.

Dans un autre endroit du même volume (page 317), l'éditeur indique les traductions italienne et latine de la Guide Spirituelle, composée, en espagnol, par Michel Molinos. Pourquoi ne cite-t-il pas la traduction françoise qui parut, en 1688, dans le volume intitulé: Recueil de diverses pièces concernant le Quiétisme? C'est probablement parce qu'elle n'est pas mentionnée dans la Biographie universelle; car l'on s'aperçoit, en général, que l'érudition de M. de Saint-Surin ne va guère au delà de cette nouvelle biographie. C'est ainsi que, cherchant des renseignemens sur le bénédictin Charles Lancelot, auteur d'une traduction françoise du Traité du sublime par Longin, publiée à Ratisbonne en 1775, in-8°, M. de Saint-Surin nous dit que les dictionnaires les plus complets ne font mention ni de l'au teur, ni de l'ouvrage. Cela est vrai; mais M. Charles Weiss, bibliothécaire de Besançon et l'un des plus habiles collaborateurs de la Biographie universelle, nous a donné un article sur Charles Lancelot, dans sa Notice sur les savants et les littérateurs nés dans le département de la Haute-Saône. Ce savant religieux avoit été appelé à Ratisbonne par l'abbé de Saint-Emmeran, pour y enseigner les langues orientales; il professoit la langue grecque à l'abbaye de Saint-Denis, vers 1775, et mourut dans cette abbaye, vers 1778.

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Suivant M, de Saint-Surin (tome 4, page 373), le fameux poëme de la Magdeleine, par le P. Pierre de Saint-Louis, carme, parut en 1700; il falloit dire en 1669 et en 1694.. Dans le tome 3 (page 125), M. de Saint-Surin présente Jacques Chartier comme le rival que l'on accuse d'avoir conduit les assassins qui, le jour de Saint-Barthélemy (1572), ont

immolé le célébre Pierre Ramus. Il a voulu dire Jacques CHARPENTIER; encore étoit-il convenable d'observer qu'un écrivain contemporain assure qu'il fut entièrement étranger à ce meurtre, et qu'il témoigna la plus grande douleur en apprenant la mort de Ramus. (Voyez la Biographie universelle.)

Dans la plupart de ses remarques littéraires sur Boileau, M. de Saint-Surin se montre partisan des saines doctrines; c'est ce qui m'a fait lire avec étonnement le jugement qu'il porte de L'Éloge de Boileau par d'Alembert. A en croire M. de Saint-Surin, cet éloge, non moins agréable qu'intéressant, écrit avec toute l'adresse dont l'auteur étoit capable, seroit irréprochable sous le rapport littéraire; mais un des morceaux les plus remarquables de cet éloge, le parallèle entre Boileau, Racine et Voltaire, n'est-il pas un modèle de mauvais goût? En lisant Despréaux, dit d'Alembert, on conclut et l'on sent le travail : dans Racine, on le conclut sans le sentir; enfin, dans Voltaire, le travail ne peut ni se sentir, ni se conclure. Assurément une pièce académique qui renferme des observations de cette nature ne devoit pas être louée sans restriction.

M. de Saint-Surin a enrichi son édition de Boileau d'une Table des matières; elle étoit nécessaire pour retrouver les renseignemens qu'il y a prodigués. Je me permettrai quelques observations sur l'ordre qu'il a suivi dans le classement des noms propres. Cette petite science s'embrouille dans la même proportion où décroit parmi nous la véritable érudition. Ouvrez le Dictionnaire de Moréri, ouvrage auquel ont travaillé successivement une multitude de savans françois et étrangers; vous y remarquerez un ordre alphabétique de noms d'auteurs, fondé sur l'étymologie des mots; cette manière de classer les noms propres est la plus naturelle comme la plus simple: aussi a-telle été adoptée dans la Bibliothèque historique de la France et dans les ouvrages d'érudition les plus remarquables du xvii siècle. Si l'on consulte les tables de matières ou les dictionnaires publiés depuis vingt-cinq ans, on voit que l'ordre alphabétique des articles qui précèdent les noms a remplacé celui des mots qui forment l'essence des mêmes noms. Ce nouvel ordre alphabétique empêche de comparer les nouveaux dictionnaires avec

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