1686. SECTION II. Leibnitz continue d'étendre sa nouvelle ana-. lyse: il est secondé par les frères Bernoulli. Divers problèmes proposés et résolus. Analyse des infiniment petits du marquis de l'Hopital. 1. DANS le temps que Leibnitz était le plus occupé pute au succès de son dessein. Il avait avancé que Act. Tips. Descartes et ses disciples s'étaient trompés en mesurant la force des corps en mouvement par le simple produit de la masse et de la vitesse, et qu'il la fallait mesurer par le produit de la masse et du carré de la vitesse ; sa preuve se réduisait à ce raisonnement très-simple: De l'aveu de tout le monde, il faut la même force pour élever un poids d'une livre à quatre pieds de hauteur, que pour élever un poids de quatre livres à un pied de hauteur: or, un corps tombant de quatre pieds, et un corps tombant d'un pied, acquièrent des vitesses qui que sont comme deux et un donc, selon les carté- Huguens, qui n'avait pris aucune part à la ques- An 1687. tion sur la mesure des forces vives, jugea le problème digne de son application; il publia les pro priétés et la construction de la courbe, sans en ajouter les démonstrations. Cette courbe est la seconde parabole cubique. II. Leibnitz, après avoir attendu en vain pendant An 1689. trois ans la solution des cartésiens, nomma la même courbe qu'Huguens, et démontra qu'elle satisfait au problème. Et pour offrir, disait-il, la revanche à ses adversaires, il leur proposa de trouver la courbe isochrone paracentrique, où le corps doit maintenant s'éloigner ou s'approcher également, en temps égaux, d'un point fixe; mais ce second problème était plus embarrassant que l'autre, et la prétendue politesse de Leibnitz pouvait être regardée comme un persiflage. Cette petite guerre, et d'autres travaux absolument étrangers aux mathématiques, enlevaient à Leibnitz un temps qu'il eût voulu consacrer tout entier au progrès de la nouvelle géométrie. Malgré tant de distractions, il répandait sans cesse dans les journaux des vues qui tendaient à ce but. Bientôt il fut secondé par deux hommes illustres qui saisirent sa méthode avec ardeur, qui se l'approprièrent tellement, et qui en firent tant de belles applications, que Leibnitz a publié plusieurs fois dans les journaux, avec un abandon digne de son génie, qu'elle leur était aussi redevable qu'à lui même. On voit que je veux parler des deux frères, Jacques Bernoulli et Jean Bernoulli. III. JACQUES né en 1654 mort en 1705. JEAN né en 1667, mort en 1748. L'aîné (Jacques Bernoulli), déjà célèbre par différens ouvrages de géométrie, de mécanique et de BERNOULLI physique, avait initié son frère aux mathématiques. Les progrès qu'ils firent conjointement ou séparé- BERNOULLI, ment dans l'analyse leibnitienne furent rapides. Une noble émulation, resserrée par les liens du sang, de l'amitié et de la reconnaissance, dirigea leurs études pendant deux ou trois ans. Avides seulement de s'instruire, ils n'avaient alors devant les yeux que la sublime ambition de pénétrer dans le labyrinthe scientifique ouvert à leur curiosité; et cette malheureuse rivalité qui tient à l'envie, ne troublait point encore de si douces jouissances. blèmes. An 1690. A son entrée dans la carrière, Jacques Bernoulli Divers pro donna la solution et l'analyse du problème de la courbe isochrone ordinaire il trouva, comme Leibnitz et Huguens, que cette courbe est la seconde parabole cubique. Il prit de là occasion de proposer aux géomètres un problème que Galilée avait autrefois inutilement attaqué : c'était de trouver la courbe que forme la chainette, ou un fil pesant flexible et inextensible, attaché par ses extrémités à deux points fixes. Cet usage de proposer publiquement des pro An 1691. blèmes, déjà introduit depuis long-temps parmi les géomètres, et auquel Leibnitz et les frères Bernoulli ont principalement donné une grande vogue, était alors un puissant moyen d'aiguiser les esprits, et de faire concourir toutes leurs facultés au progrès d'une géométrie naissante: tel fut l'effet que produisit le problème de la chaînette. : Pendant qu'on en cherchait la solution, Jacques Bernoulli publia deux mémoires, où il détermine, par la nouvelle analyse, les tangentes, les quadratures des espaces, et les rectifications de trois fameuses courbes la spirale parabolique, la spirale logarithmique, et la loxodromie; à quoi il joignit, par supplément, la mesure de l'aire des triangles sphériques. Ces deux écrits contiennent les premiers essais un peu développés qu'on ait donnés du calcul intégral, au progrès duquel ils ont en effet sensiblement contribué. L'auteur ne se borna pas à la simple théorie : il indiqua quelques propriétés utiles de la loxodromie. De son côté, Leibnitz fit paraître sur la quadrature arithmétique des sections coniques qui ont un centre, un écrit dans lequel il établit des formules analytiques très-simples et facilement convertibles en nombres; il appliqua sa méthode à quelques problèmes concernant la loxodromie. |