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employés souvent dans la géométrie; comme, par exemple, lorsqu'on démontre l'égalité d'une zône sphérique avec la surface correspondante du cylindre circonscrit, par l'égalité réciproque de leurs élémens. Mais, quand même Neuton aurait indiqué formellement ce principe, le problème général avait encore, dans chaque cas particulier, sa difficulté particulière, soit pour trouver l'équation différentielle de la courbe, soit pour parvenir à l'intégration. Les sciences ont donc une obligation de la plus haute importance à Jean Bernoulli, d'avoir attiré l'attention des géomètres sur cette An 1697. théorie générale, en leur proposant le fameux problème de la Brachistocrone, ou de la courbe, telle qu'un corps pesant descendant le long de sa concavité, arrive dans le moindre temps possible d'un point à un autre, les deux points n'étant pas situés dans la même ligne verticale. Il est certain qu'à l'époque dont il s'agit, ce problème était plus difficile que celui du solide de la moindre résistance, dont Neuton avait même laissé la solution incomplète, puisqu'il n'avait pas intégré l'équation différentielle de la courbe génératrice.

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Au premier coup d'oeil, on est porté à croire que la ligne droite, comme le plus court chemin d'un point à l'autre, doit être aussi le chemin de la plus vite descente; mais le géomètre attentif

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s'abstient de prononcer, lorsqu'il considère que, dans une courbe concave, décrite d'un point à l'autre, le mobile descend d'abord plus verticalement, et acquiert par conséquent une plus grande vitesse que sur le simple plan incliné; ce qui produit une compensation et peut faire arriver le corps plus promptement, suivant la ligne courbe que suivant la ligne droite. La métaphysique seule ne peut donc pas résoudre la question, et il fallait absolument recourir à un calcul précis. Or, le résultat de ce calcul fit connaître qu'en effet le chemin cherché est une courbe et un arc de cycloïde renversée : nouvelle propriété très-remarquable de la cycloïde, que les recherches de Huguens et de Pascal avaient déjà rendue si célèbre.

Bern. com.

Epist.

Leibnitz résolut le problème le jour même qu'il Leib. et John. reçut le programme de Jean Bernoulli, à qui il en tom. 1, donna aussitôt avis: tous deux convinrent de tenir pag. 172. leurs solutions cachées, et d'accorder un an aux autres géomètres pour s'exercer sur une si belle question. Ce délai fut annoncé dans les journaux et dans une feuille volante que Jean Bernoulli envoya de tous côtés.

Il n'était pas encore expiré, lorsqu'outre les solutions de Jean Bernoulli et de Leibnitz, il en parut encore trois autres, dont les auteurs étaient Neuton, le marquis de l'Hôpital et Jacques Bernoulli. Celle de Neuton parut anonyme dans les

Transactions philosophiques de la société royale de Londres; mais Jean Bernoulli devina l'auteur, tanquam, dit-il, ex ungue leonem.

Le marquis de l'Hôpital eut beaucoup de peine

à trouver la sienne : elle peut néanmoins se tirer An. des infi- assez facilement d'un principe qu'il emploie luiniment petits, même, lorqu'il cherche la route que doit suivre un

art. 59.

voyageur pour arriver, dans le moindre temps possible, d'un lieu à un autre, en traversant deux campagnes où il éprouve à marcher, des résistances qui font varier la vitesse dans un rapport donné ; car, si l'on regarde les deux campagnes comme les deux élémens d'une courbe située dans un plan vertical, et si l'on suppose, conformément à la théorie de la chute des graves, que les vitesses d'un corps pesant le long d'une courbe quelconque, sont comme les racines carrées des hauteurs d'où le corps est descendu, on parvient en un instant à l'équation différentielle de la cycloïde. Mais personne ne fit alors cette remarque, et ne rapprocha des idées qui nous paraissent aujourd'hui si voi

sines.

Enfin, Jacques Bernoulli donna, avant l'expiration du terme prescrit par son frère, une solution où il démontre que la courbe demandée est un arc de cycloïde. En la cherchant, il s'était élevé à des problèmes sur les isopérimètres, d'une spéculation encore plus profonde; et après les avoir

résolus, il les proposa publiquement, à la suite de sa méthode pour la courbe de la plus vite des

cente.

Toutes ces solutions parurent dans le même temps, et sans que les auteurs eussent pu tirer aucune lumière les uns des autres.

II.

le

problème des

La rivalité de gloire qui divisait depuis long- Dispute des temps les frères Bernoulli, se déploya toute entière frers Ber dans cette occasion : elle avait été d'abord un peu isopérimètres. tempérée par l'habitude de se voir, au moins de temps en temps, et par l'entremise de quelques amis communs; mais le cadet ayant été nommé professeur de mathématiques à Groningue, en 1695, ils ne conservèrent bientôt plus de relations particulières; ils ne se parlaient plus que dans les journaux, et c'était pour se proposer les problèmes les plus difficiles. Jean Bernoulli était l'agresseur; mais peut-être son frère avait-il montré un peu trop de hauteur dans la première réponse qu'il lui fit, et dont j'ai rapporté le précis. Les cœurs s'étaient aliénés; Jean Bernoulli revenait souvent à la charge; et son ancien maître n'était pas homme à souffrir plus long-temps des attaques injustes par elles-mêmes, et in lépendamment des motifs de reconnaissance qui auraient dû les modérer ou les arrêter. Dans ces dispositions, Jacques Bernoulli.

voulant enfin se venger d'une manière éclatante, mais en même temps utile à la géométrie, provo¬

qua nominativement son frère à résoudre le proHistoire du blème suivant: Trouver parmi toutes les courbes isopérimètres. isopérimètres entre des limites données; une

problème des

courbe telle que, construisant une seconde courbe dont les ordonnées soient des fonctions quelconques des ordonnées, ou des arcs de celle-là, l'aire de la seconde courbe forme un maximum ou un minimum. A ce problème principal, il en joignit un autre plus analogue à celui de la Brachystochrone: c'était de trouver, parmi toutes les cycloïdes qu'un corps grave peut décrire pour arriver d'un point à une ligne donnée de position, la cycloïde qui est décrite dans le moindre temps possible. Il termina son défi à peu près en ces termes : « Une per» sonne dont je réponds (Prodit NON NEMO pro » quo caveo) s'engage à donner, indépendam» ment des louanges méritées, un prix de cinquan»te florins à mon frère, sous la condition que dans >> trois mois il promette de résoudre ces problè» mes, et que dans un an il en publie des solu» tions légitimes: si au bout de ce temps personne » n'a résolu les problèmes, je publierai mes pro» pres solutions ».

Aussitôt que

Jean Bernoulli eut recu les différens écrits qui contenaient les solutions de son

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