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nécessaires qui rendent la nature en général possible, sans avoir égard aux objets donnés de l'expérience: ou bien elle peut se rapporter à l'idée empirique donnée d'une nature particulière, mais sans se servir d'aucun autre principe empirique pour la connaissance: alors seulement ce n'est plus une science métaphysique générale de la nature, et c'en est une particulière ou spéciale. Mais une science métaphysique spéciale de la nature ne renferme qu'autant de science qu'elle contient de mathématiques; car la science comme telle, doit reposer sur des principes à priori. Connaître une chose à priori, c'est seulement la connaître dans sa possibilité. Maintenant on peut bien, il est vrai, connaître la possibilité des choses naturelles données, d'après leurs simples idées; mais on n'en peut point connaître par là la réalité objective, laquelle exige nécessairement encore une intuition correspondante à l'idée à pri ri, de sorte que l'idée devienne construite. Or, toute connaissance rationnelle par construction des idées est mathématique. Done la métaphysique générale de la nature, qui indique la possibilité de la nature en général, peut exister sans les mathématiques. Mais il n'en est point. de même de la métaphysique spéciale de la nature, laquelle ne renferme de connaissance pure, et n'est par conséquent science, qu'autant qu'il y a de mathématiques en elle. Cependant la métaphysique de la nature ne s'étend non plus qu'au monde physique, parce que nulle construction des idées n'a lieu à Pégard des objets du sens interne.

Mais, pour rendre l'application des mathématiques à la physique possible, il est besoin d'une analyse complète de l'idée de la matière en général, sans égard aux autres expériences, et par rapport seulement aux pures intuitions dans l'espace et dans le temps, qui appartiennent essentiellement à l'idée de

la nature. Pour être certain que cette analyse est complète, il faut la faire d'après la table des catégories, sous lesquelles on peut ranger toutes les déterminations de l'idée générale de la matière, tout ce qui peut être pensé d'elle à priori, être représenté dans une construction mathématique, ou exister comme objet déterminé dans l'expérience.

La matière, en général, n'a d'autre caractère que le mouvement, parce que le sens externe ne peut être affecté que par le mouvement. La science de la nature doit donc être aussi considérée comme une théorie pure ou appliquée du mouvement. Mais le mouvement s'étudie: 1°. comme pur quantum, par rapport seulement à sa composition, sans aucune qualité du mobile (Phoronomie); 2°. d'après la qualité, qui est essentiellement propre à la matière comme force motrice originelle (Dynamique); 3o. d'après le rapport mutuel du mouvement de la matière et de cette qualité (Mécanique); 4°. enfin, d'après la modalité, ou le rapport du mouvement et du repos de la matière à notre manière extérieure d'apercevoir (Phénoménologie).

Les idées fondamentales et les principes de la phoronomie sont les suivans:

I. La matière est le mobile dans l'espace. L'espace mobile lui-même s'appelle l'espace matériel ou relatif. Celui dans lequel il faut finalement concevoir le mouvement, et qui est lui-même immobile, se nomme l'espace pur ou absolu.

II. Le mouvement d'une chose est le changement du rapport extérieur qui existe entre cette chose et un espace donné. Le repos est, au contraire, la présence permanente dans un lieu; et on appelle permanent ce qui existe pendant un certain temps, c'est-à-dire, ce qui dure.

III. Construire un mouvement composé, c'est

représenter à priori dans l'intuition un mouvement, en tant qu'il naît de deux ou de plusieurs mouvemens donnés dans un seul mobile.

,

IV. Chaque mouvement comme objet d'une expérience possible, peut, à volonté, être considéré comme mouvement du corps dans un espace tranquille, ou comme repos du corps et mouvement de l'espace dans une direction opposée, avec une égale vélocité.

V. La complication de deux mouvemens partant d'un seul et même point, ne peut être conçue qu'au tant qu'on se figure que l'un d'eux s'opère dans l'espace absolu, et que l'autre s'exécute, avec la même vélocité, mais en direction opposée, dans l'espace relatif.

Les idées fondamentales et les principes de la dynamique à priori sont :

dans cet

I. La matière est le mobile, en tant qu'elle remplit un espace, ou qu'elle résiste à tout mobile qui tend à pénétrer, par son mouvement, espace. L'espace qui n'est point rempli ainsi, s'appelle le vide.

II. La matière ne remplit pas son espace par sa seule existence, mais par une force motrice particulière. En effet, la pénétration dans l'espace est un mouvement: la résistance est le mouvement en sens contraire, lequel suppose, par conséquent, une force motrice.

III. La matière n'a que deux forces motrices, l'attractive et la répulsive. La première est la cause qui fait qu'une autre matière se rapproche d'elle. La seconde est celle qui produit l'éloignement d'une autre matière. Nulle force autre que ces deux là n'est possible, parce que tout mouvement d'une matière, par rapport à une autre, ne peut consister qu'en attraction ou en répulsion.

IV. La force par laquelle la matière remplit son espace, est la force d'extension (force de répulsion). Cette force est susceptible jusqu'à l'infini de degrés plus grands et plus petits; ou, en d'autres termes, il n'y a point de force d'étendue qui soit la plus grande ou la plus petite. Si on pouvait en concevoir une qui fût la plus grande de toutes, le mouvement de cette force devrait parcourir un espace infini dans un temps fini, ce qui implique contradiction. Mais s'il existait une force la plus petite de toutes, elle ne pourrait pas parcourir le moindre espace dans un temps fini, ce qui implique également contradiction.

V. Comme, au-dessus de toute force d'extension donnée, il peut s'en trouver constamment une plus grande, il existe aussi pour chacune une force compressive, qui peut la refouler dans un espace plus étroit. Mais, comme il n'y a pas non plus de force qui soit la plus petite de toutes, une matière peut bien être refoulée à l'infini, mais elle ne peut jamais être entièrement pénétrée ou anéantie. L'impénétrabilité de la matière, qui croît en proportion du degré de compression, est relative; mais celle qui repose sur la supposition que la matière, comme matière, n'est point susceptible de pénétration, s'appelle impénétrabilité absolue. La plénitude de l'espace par l'impénétrabilité absolue peut être nommée mathématique, et celle par l'impénétrabilité simplement relative peut porter l'épithète de dynamique.

VI. La matière est divisible à l'infini, et elle est divisible en parties, dont chacune est à son tour matière. Cette divisibilité est une suite des forces répulsives de chaque point matériel dans l'espace. L'espace en lui-même ne peut être que distingué à l'infini, mais il ne saurait être mu, ni en consé

quence divisé physiquement. Mais en tant que chaque espace rempli de matière est mobile par lui-même, et, en conséquence divisible, la divisibilité physique de la substance se règle d'après la divisibilité mathématique de l'espace à l'infini.

VII. Outre la force de répulsion ou d'extension, la force d'attraction appartient encore à la possibilité de la matière. Si la matière ne possédait que la première de ces deux forces, ses parties se fuiraient toutes à l'infini. Il faut donc qu'elle en possède une autre qui prescrive des bornes à l'extension. Mais, d'un autre côté, la simple force attractive ne suffit pas pour la possibilité de la matière, et il faut encore qu'il y ait une force d'extension. En effet, si la matière ne la possédait pas, elle se resserrerait à l'infini par l'effet de la simple attraction, c'est-à-dire qu'elle finirait par se réduire au point mathématique. Toute matière résulte donc de la synthèse de deux forces opposées, celles d'extension et d'attraction. On ne peut pas expliquer ultérieurement la possibilité de ces forces radicales, la nécessité de leur association, et la possibilité de la matière elle-même.

VIII. Le contact, dans l'acception physique du mot, est l'action immédiate et la réaction de l'impénétrabilité. Quand une matière agit sur une autre sans contact, c'est une action à distance. Comme cette action à distance est possible aussi sans la coopération de la matière intermédiaire, on l'appelle action immédiate à distance, ou action sur une autre matière à travers le vide.

IX. L'attraction essentielle à toute matière est l'action immédiate de cette matière sur une autre à travers le vide. En effet, l'action de la force attractive, qui renferme elle-même une raison de la sibilité de la matière, est indépendante de tout con

pos

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