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prenions à les instruire, nous souhaitant mille bénédictions. Or, averti d'en remercier le Bon Dieu, et de rapporter à lui seul la gloire de tout ce qui lui étoit arrivé, et de le servir fidèlement les reste de ses jours, il me promit de le faire.

Je pourrois rapporter plusieurs autres exemples arrivés depuis quelques années, en suite de ces instructions familières qu'on a données au pauvre peuple, mais ceux-ci suffisent pour porter ceux qui les liront à glorifier Dieu, et à admirer så bonté à attendre les pauvres pécheurs à miséricorde, et les incitant à se remettre en sa grâce par des voies si extraordinaires.

CHAPITRE XLIII

Lettres de Monseigneur de Lionne, évêque de Gap, aux Religieux

de Solemnac.

L'an 1648, messire Georges d'Aubusson, sieur de la Feuillade, abbé commendataire de ce monastère, ayant succédé à Mgr l'Archevêques d'Arles, fut nommé de Gap, et Mgr Artus de Lionne, évêque de Gap, à l'archevêché d'Embrun. Mais ledit seigneur de Lionne étant déjà sur l'âge, ne cherchant que le repos pour vaquer à Dieu, refusa l'archevêché d'Embrun. C'est pourquoi ledit sieur de la Feuillade fut fait archevêque et résigna son abbaye de Solignac audit sieur de Lionne, au nom duquel un certain ecclesiastique demeurant dans la ville de Limoges, en prit possession l'année 1650. Or quelques mois auparavant, il prit la peine d'écrire de sa propre main à toute notre communauté une lettre toute remplie d'affection. Je la veux mettre ici tout au long et mot à mot, car elle le mérite, ne pouvant mieux faire voir la vertu et la sainteté de Mgr de Lionne, à présent notre abbé, que par ladite lettre et l'espérance qu'on peut tirer du bonheur qu'a eu ce monastère de l'avoir pour abbé. Voici donc sa teneur:

A mes Révérends Pères,

Les Révérends Pères Religieux au vénérable monastère de Solignac, à Solignac.

Mes Révérends Pères et Frères en Jésus-Christ, salut ! Je ne puis que demeurer grandement confus des grâces qu'il a plu à Sa Sainteté et à Sa Majesté très chrétienne de me faire, le Roi m'ayant honoré de la nomination en l'abbaye de Solignac, et Sa Sainteté en ayant accordé ses bulles et provisions en ma faveur. Ce ne sont point mes mérites, mais leur seule bonté, qui les a invités à me gratifier de la sorte. Ce qui augmente ma confusion, c'est de me voir établi comme Père directeur et gouverneur sur des enfants de la dextre, sur une si sainte maison et troupe religieuse, et sur tant de bonnes âmes qui tendent à grands pas à la perfection, si déjà elles n'y sont arrivées, perfection de laquelle je me sens si éloigné, que j'ai grand sujet de m'étonner comment j'ai pu me résoudre d'accepter une dignité et charge de laquelle je me reconnois si peu digne. Toutefois ce qui me donne du courage, c'est votre même perfection et piété.

Mes très Honorés et Révérends Pères, vous savez qu'un certain qu'on vouloit élire pour supérieur, s'en excusoit en ces termes : Non sum medicus, signifiant par ces paroles que c'est l'office et devoir d'un bon supérieur et prélat, d'apporter et appliquer les remèdes convenables et propres pour la guérison des infirmités et maladies spirituelles de ceux qu'il a sous sa charge, et je sais qu'en notre St Ordre, qui est un des plus anciens, illustres et étendus que nous ayons en l'église de Dieu, il y a des monastères et couvents qui sont malades et dans l'infirmité spirituelle. Ils se sont détraqués du premier institut et de leur règle, et ceux-ci ont besoin d'un bon médecin, d'un bon supérieur et d'un bon prélat qui appliquent les remèdes purgatifs, lenitifs et correctifs, et qui tâche de les guérir par sa parole et par son exemple. Mais pour vous, mes Révérends Pères, qui vivez dans la pureté de votre institut, et qui ici-bas menez une vie si angélique, il me semble que je puis méritoirement vous appliquer les paroles du grand médecin de vos âmes: Non est opus bene valentibus medicus ; vous êtes en un état très-saint et très-sain, et vous n'avez pas besoin de médecin. C'est ce qui m'a donné l'assurance pour ne m'excuser sur mon peu de capacité et d'expérience en la direction et conduite des âmes religieuses. Ce mien défaut ne pouvant pas apporter à votre famille si bien ordonnée et réglée, le préjudice qu'il feroit en une autre maison qui ne vivroit pas dans la pureté de son institut, comme vous faites. Dieu vous conserve par sa bonté en ce saint état et me fasse la grâce d'imiter votre piété et vos vertus. Vous me l'obtiendrez s'il vous plaît par vos saintes prières, auxquelles je me recommande de tout mon cœur. C'est ce que j'ai de meilleur et ce que je vous offre avec l'humble service que je désire rendre à tout votre corps religieux et à tous les particuliers de votre dévote et vénérable famille, quand j'en aurai le moyen'; je manquerai plutôt de pouvoir que de bonne volonté. Je me recommande à vos ss. sacrifices et prie la divine bonté qu'elle comble très abondamment votre Sainte Maison de toutes les grâces et bénédictions spirituelles et temporelles que vous souhaitez

Mes Révérends Pères et Frères en J.-C.,

Votre très humble et très affectionné serviteur,

ARTUS, évêque de Gap, abbé de Solignac.

A Gap, ce 25 octobre 1648.

Depuis quelques jours il a pris encore la peine d'écrire une autre lettre de sa main au Révérend Père Prieur, du même style, et témoignant les mêmes sentiments, par laquelle aussi bien que par la précédente, il foit paraître sa profonde humilité et les autres vertus qui reluisent en lui, et nous apprend quels nous devrions être en nous estimant cela qu'il étoit.

L'année 1650, le sieur Mosandy lieutenant d'une compagnie de cavalerie logée à Banueit (1) nous amena un sien domestique nommé Jacques Bonenfan, huguenot, pour l'instruire et lui apprendre les points de la foi, son capitaine et lui furent à Limoges pour obtenir permission de Monseigneur l'évêque pour l'absoudre et lui faire abjurer ici son hérésie. Ce qui fut fait le jour de l'Ascension de Notre Seigneur.

Voici la teneur de la permission :

Nous, François de la Fayette, évêque de Limoges, permettons au R. Père Prieur des Pères Bénédictins de Solignac, d'absoudre de l'hérésie celui qui lui sera mené par M. de Salis. Fait à Limoges, ce 24 mai 1650.

+ FRANÇOIS, év. de Limoges.

Le R. Père Prieur est aussi prié d'en garder un procès-verbal signé de sa main et de ceux qui seront présents.

Le procès-verbal se trouve parmi les papiers du monastère, reçu par Béchade, Monsieur de Salis, dont il est parlé dans la permission, est le nom du capitaine.

CHAPITRE XLIV

Autres lettres de Monseigneur de Gap écrites l'an 1651

Cette année le R. P. Dom François Ducher ayant succédé au R. P. Dom Ambroise Frégeat, écrivit une lettre à Mr notre Abbé,

(1) Peut-être Banneix, commune de Jourgnac.

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