à M. de Cabris que M. de Mirabeau poursuit de sa méchanceté. Il (son mari) n'a pas eu honte de donner trois louis pour étre présenté au roi et à sa famille (suivent quelques mots illisibles puis elle termine): ce qui m'a mis mal à l'aise, sans secours, en fournissant mes enfants; mais le chevalier est un excellent sujet qui s'est couvert de gloire...... Ceci parlera contre mon tyran qui ne fait rien pour sa famille..... Si donc nous n'avions d'autres preuves pour croire à la culpabilité de la marquise que celles qu'on nous donne, nous la déclarerions absolument innocen'e. Du reste, si nous voulions user du même raisonnement, nous pourrions dire contre le marquis que sa facilité à lui accorder, dans son état de grande gêne, tout ce qu'elle lui demande, dénote chez lui, avant tout et pardessus tout, le désir de se débarrasser de sa femme plutôt que de venger son honneur. Les petits papiers de la marquise commençaient à faire du bruit dans Paris et l'irritation de l'accusée qui voulait absolument être jugée, était grosse de menaces. Les révélations les plus compromettantes pour l'honneur du mari pouvaient en résulter. C'est pourquoi celui-ci trouva dans les négations énergiques et dans le défi de sa femme un obstacle qui le fit réfléchir et contraria les projets de Madame du Pally. M. de Mirabeau avait beau se draper dans sa dignité d'homme offensé, ce manteau le couvrait mal. Il s'était quelque peu usé dans la fréquentation publique de ses amies qui le compromirent trop. Une personne bien avisée, leur cousin - celui-là, du moins, leur ami conseilla à tous deux, dans l'intérêt de l'un et de l'autre, d'arrêter l'affaire par un arrangement qui imposerait silence aux mauvaises langues et donnerait, en apparence, raison au mari sans cependant condamner la femme. Madame de Vassan qu'on avait consultée était de cet avis. Il fut donc convenu: que Madame de Mirabeau resterait en province, qu'elle s'interdirait de retourner avec son mari, que celui-ci à son tour s'obligerait à servir à sa femme une pension de six mille livres qui serait portée à dix mille après la mort de Madame de Vassan. Madame de Mirabeau pouvait choisir le lieu de sa demeure, aller où bon lui semblerait, excepté cependant à Paris. Cet arrangement, sans être un jugement de Salomon, ne manquait pas de sagesse. Puisque la cohabitation était devenue impossible, le séjour dans la même ville eut été un sujet constant de froissement. Ils se seraient surveillés, et comme celui qui écoute à la porte entend toujours ce qu'il désire, de même celui qui surveille son voisin le trouve bientôt coupable. Il était donc de beaucoup préférable que les époux vécussent loin l'un de l'autre. M. et Madame de Mirabeau acceptèrent ces conventions, mais non pas loyalement; chacun garda devers soi une arrière-pensée : le premier, de donner le moins possible d'argent à sa femme, la seconde de briser son ban dès que l'occasion s'en présenterait. Nous verrons comment l'un et l'autre exécutèrent leurs plans. (A suivre) Abbé P. GRANET. L'étude que l'on vient de lire a été retrouvée dans les papiers de M. Granet, qu'une mort prématurée a ravi à l'estime de ceux qui l'ont connu. L'auteur, qui avait, à plusieurs reprises, entretenu notre Société archéologique de ce travail et lui en avait même lu quelques parties, n'avait pas eu le temps d'y mettre la dernière main. Force nous a donc été de modifier, dans sa forme, plus d'un passage et d'ajouter quelques notes indispensables. A cela d'ailleurs s'est bornée la révision de manuscrit, que le bureau de la Société avait bien voulu nous confier. A. Lx. TEMPLE DE JUPITER A AUSIAC SUIVI d'une observation sur la légende de saint Martial I Dans l'ancienne légende de saint Martial, composée par un écrivain du vie siècle sous le nom d'Aurélien, second évêque de Limoges, il est question d'une bourgade nommée Ausiac, dans laquelle l'apôtre de l'Aquitaine aurait renversé une idole de Jupiter : citons ce passage de la légende du pseudo-Aurélien. il << Le bienheureux Martial, de retour de Mortagne, regagna le territoire des Limousins. Or, le duc Etienne avait ordonné, comme on l'a dit plus haut, de bâtir, sur le tombeau de la bienheuse vierge Valérie, une église à laquelle il fit beaucoup de présents, que nous énumérerons par la suite. Comme saint Martial se proposait de consacrer cette basilique et d'en faire la dédicace solennelle en l'honneur du bienheureux Etienne, premier martyr, son cousin, de la même manière qu'il avait dédié son siège épiscopal, alla d'abord à une bourgade (vicum) nommée Ausiacum, où était érigée une idole de Jupiter, que les païens avaient en grande vénération; il y avait en ce lieu une grande multitude de malades et des infirmes de diverses sortes. Dès que le très saint Martial arriva dans cette bourgade, les habitants du lieu se mirent à le supplier qu'il ordonnat à l'idole de parler, parce qu'ils avaient appris d'elle-même qu'elle était étroitement liée avec des chaînes de feu par les anges qui accompagnaient saint Martial. >> Alors Martial, souriant, dit à l'idole : « Je t'adjure, méchant démon, qui as coutume, dans cette statue, de donner des réponses aux hommss que tu trompes, je t'adjure d'en sortir, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et de la briser en apparaissant à tous ceux qui sont ici présents, avec un tel visage et une telle forme qu'ils puissent te voir et te connaître. >>> >> A la voix de Martial, le démon, étant sorti de la statue, se tint debout devant le peuple. » C'était comme un petit négrillon, plus noir que la suie : ses cheveux, noirs et très épais, descendaient jusqu'à ses pieds; et un feu, mêlé d'une odeur fétide, sortait par sa bouche, ses narines et ses yeux. >> Le vénérable Martial, l'ayant regardé, se tourna vers le peuple, et dit à ces hommes : << Vous voyez le Dieu que vous honoriez. Reconnaissez qu'il ne peut rien faire ni pour lui ni pour vous. >> Alors, se tournant vers le démon, il lui dit : « Je te commande, au nom du Seigneur, comme je l'ai dit déjà, de sortir de cette statue et de la briser, jusqu'à ce que tu la réduises en poussière, et d'aller dans un lieu désert, sans nuire à personne, et d'y rester jusqu'au jour du jugement. >> >> A la voix de Martial, le démon brisa la statue et la réduisit en poussière, et ensuite il ne reparut jamais plus. >> Le bienheureux confesseur du Christ fit, à la même heure, rassembler autour de lui tous les malades, et tous ceux qui étaient atteints de diverses infirmités, et après avoir fait sur eux le signe de la croix, il les rendit tous à la santé. Puis, après avoir baptisé tous ceux qui demeuraient en cet endroit, le saint prêtre Martial revint à Limoges (1). » Où se trouve cette bourgade d'Ausiac? Le Père Bonaventure Saint-Amable, qui a étudié avec un soin si minutieux tout ce qui se rapporte à la vie de saint Martial, n'avait pu découvrir cette localité. Nous lisons dans le tome second de son histoire : « Ajoutons à ces deux missions une troisième faite à Ausiac, qui n'était pas beaucoup éloigné de Limoges: on ignore ce lieu (2). » Il semblerait que, depuis le premier tiers du x1o siècle, on avait perdu la connaissance de cette localité d'Ausiac; car l'auteur des Sermons synodaur, Adémar, en rapportant ce miracle, dit que saint Martial s'en alla dansun certain lieu où les païens avaient en grande vénération une statue de Jupiter : Abiit homo Dei in quemdam locum, ubi pagani statuam Jovis multum venerabantur (3). (1) Historia S. Martialis episcopi, édition Beaulxamis, 1566, fol, 173. Walter de Gray-Birch, 1877, p. 28. Voyez le texte ad calcem. (2) P. BONAVENTURE, Histoire de saint Martial, t. II, p. 296. (3) P. BONAVENTURE, 1. II, p. 296. De nos jours, divers savants ont cherché, - mais sans succès, à identifier cette localité d'Ausiac. Ce qui augmentait les difficultés, c'est que dans plusieurs manuscrits anglais de la légende aurélienne, cette localité est appelée Ansiacum, Hanxiacum (1); et dans les diverses éditions de l'Histoire ecelésiastique d'Orderic Vital - qui a reproduit en grande partie la Vie de saint Martial par le pseudo-Aurélien, bourgade est appelée, tantôt Ansiacum, tantôt Asiacum. cette M. Le Prévost, dans son édition de l'Histoire ecclésiastique d'Orderic Vital (2), met cette note sur ce mot Ansiacum - ignotus locus, lieu inconnu. Les éditeurs de la Patrologie de Migne, en publiant cette Histoire ecclésiastique d'Orderic Vital, ont mis cette note au mot Asiacum forte Axia (Aixe prope Lemovicum) - peut-être Axia, Aixe près Limoges (3). M. Maurice Ardant, dans la traduction qu'il a donnée de la Vie de saint Martial, d'après Orderic Vital, avait cherché, mais sans succès, à identifier cette bourgade d'Asiacum; il avait parlé d'Aixesur-Vienne, d'Ansac en Poitou, d'Archiac en Angoumois (4); mais ce nom d'Ausiacum ne convenait à aucune de ces localités. Nous-même, depuis plus de trente ans que nous étudions les diverses questions qui se rattachent à l'apostolat de saint Martial, nous avions cherché en Limousin et en dehors du Limousin, cette bourgade d'Ausiac sans pouvoir la découvrir; nous avions trouvé dans l'Histoire de Tulle, par Baluze, cette mention, dans une charte de l'an 847 « Ausiaco, in pago Caturcino (5) » ; mais cette localité d'Ausiac se trouvait dans le Quercy, et non en Limousin. Nous n'espérions plus trouver cette localité quand le hasard s'est chargé de nous la faire découvrir. Dans la séance de la Société archéologique du Limousin, tenue le 26 janvier 1892, M. Nivet-Fontaubert annonçait, d'après un de ses correspondants, qu'on avait découvert au village d'Ausiac, commune de Saint-Laurent-les-Eglises, non seulement un grand nombre de tuiles à rebord, mais des fûts de colonne et des chapiteaux en granit qui paraissaient indiquer l'existence, dans cette localité, d'un édifice de quelque importance (6). (1) Walter de Gray-Birch, 1877, p. 28. (2) 4 vol. in-8, 1838-1852. (3) Patrologie, t. CLXXXVIII, col. 194. (4) Maurice ARDANT, Les Ostensions, 1848, p. 173. (5) BALUZE, Historia Tutelensis, p. 314. (6) Gazette du Centre, 19 février 1892.- Bulletin de la Société archéologique, t. XLI, p. 638. |