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10o Saint Eloi fait construire le beau monastère de Solignac. 11a Les prières de saint Eloi arrêtent l'incendie qui embrase

déjà l'église de Saint-Martial et préservent le monastère.

12o Un homme perclus de ses membres, se trouvant dans la basilique de Saint-Germain, est guéri par le Saint.

13a Saint Eloi est sacré évêque de Noyon en même temps que saint Ouen.

14° Après avoir cherché pendant plusieurs jours le tombeau de saint Quentin, avec ses frères, il le découvre à l'apparition d'une lumière éblouissante.

15o Il meurt, pleuré des siens: son âme monte au ciel sous la forme d'un globe de feu, venant d'une croix plus brillante que le soleil.

16o Son tombeau. Translation de son corps. Miracle.

C'est pour composer le 10o tableau : « Saint Eloi fait bâtir le monastère de Solignac, » que M. Latteux-Bazin nous demandait les armoiries de ce monastère. En voici la description d'après le sceau d'un acte de 1260 conservé aux archives de la Haute-Vienne. Il représente « un personnage couronné, le col découvert, revêtu d'une sorte de robe à larges manches, qui descend presque jusqu'aux pieds, tenant de la main gauche un sceptre terminé par un fleuron, peut-être une fleur de lys, et assis sur un siège dont la forme rappelle le fameux fauteuil de Dagobert. Les pieds de ce siège finissent en griffes, et les bras représentent des têtes d'animaux. A dextre, et agenouillé devant le roi, se tient un personnage de très petite taille, couvert d'une robe et les mains jointes. On ne distingue pas bien la tête qui paraît nimbée. » Ce sceau représente probablement Dagobert concédant à Saint Eloi les domaines où il fonda le monastère de Solignac. On lit autour: «Sigillum conventus Sancti Petri de Sollempniaco (Sigillographie de la Haute-Vienne, n° 561). Le contre-sceau porte deux clefs, car l'abbaye était sous le patronage de saint Pierre. A la fin du siècle dernier on trouve les armoiries de ce monastère ainsi blasonnées: d'azur à deux clefs en sautoir et une épée en pal brochante, le tout d'or. C'est encore en souvenir des apôtres saint Pierre et saint Paul.

Parmi les vitraux anciens représentant la vie de saint Eloi, on peut citer ceux de la maison commune des orfèvres de Rouen. Deux exécutés en 1634 sont surtout remarquables :

<< Le premier représente saint Eloi dans son atelier, son chapeau à la main, recevant la visite de Clotaire, vêtu du manteau royal et portant le sceptre. Par un anachronisme dont les artistes de ces anciens temps ne se faisaient pas faute, il est décoré du cordon de l'ordre de Saint-Michel, alors en grande vogue. Un ou

:

vrier est à la forge, d'autres sont occupés aux travaux indiqués par l'inscription qu'on lit au-dessous de ce vitrail: Comme Sainct Eloi fist pour le roi Clotaire deux selles d'or et pierreries.

« Le deuxième a pour sujet l'intronisation de saint Eloi comme évêque de Noyon. Assis et revêtu de ses habits pontificaux, deux évêques accompagnés de leurs acolytes posent une brillante mitre sur sa tête. Sur le devant de la scène, deux jeunes clercs tenant des chandeliers complètent ce joli tableau dont les couleurs ont un éclat vif et séduisant. Une banderole qui court au-dessous des personnages, comme au précédent panneau, porte ces mots : Comme sainct Eloy fut faict evesque de Noyon.» (Maisons historiques de Rouen, par M. Delaquérière, II, 151).

Martial de Bony, abbé de Solignac de 1456 à 1484, avait orné la grande église de cette abbaye de nombreux vitraux; aujourd'hui il n'en reste que deux ou trois. Un de ceux-ci représente saint Eloi en costume d'évêque, qui était placé en face d'un autre représentant dans le même costume saint Martial, le patron du donateur.

La vie et les miracles de saint Eloi ont aussi exercé le talent des tapissiers. On voyait dans le chœur de la cathédrale de Noyon << une riche tenture de tapisserie >> qui lui avait été donnée en 1499, par maître Adrien de Lamet, docteur. en théologie, jadis archidiacre de cette église. Les chanoines «pour l'honneur de ce digne personnage >> mentionnèrent ainsi cette donation dans leurs registres: Archidiaconus hujus ecclesiæ, y lisons-nous, decanus Ambianensis, petita venia Romam et in Hierusalem eundi post Nativitatem Domini, ecclesiæ dedit tapeta, vita et miraculis beati Elegii diversomodo depicta et figurata, dedit etiam duodecim libras (aut aliam summam) pro tensoribus, deditque archam ad ea reponenda. L'archidiacre de cette église, doyen d'Amiens, ayant demandé la permission d'aller à Rome et à Jérusalem après Noël, fit présent à l'église d'une tenture de tapisserie diversement historiée et contenant la vie et les miracles du bienheureux Eloi, dressée à l'intérieur du chœur et pendante du haut en bas; il a aussi donné douze livres (ou autre somine) pour ceux qui la tendront et un coffre pour la serrer. Cette tapisserie existait en 1633, mais avait besoin de réparations, car alors on recherchait un ouvrier capable de la réparer.

L'église de Noyon possédait aussi un « ancien tableau de la vie de Saint Eloi » qui vers 1633 fut << dextrement réparé par un bon ouvrier >>. Quelques recherches faites dans les églises dont ce saint est le patron en feraient assurément découvrir plusieurs. On peut

signaler celui que conserve l'église de Crocq, qui est sous son patronage (arrondissement d'Aubusson, Creuse). C'est une peinture de Nuremberg, donnée à cette église par Dauphine de Montlaur, dame de Crocq, qui fonda un chapitre en ce lieu en 1444. Il est formé de sept panneaux sur lesquels sont représentés les principaux événements de la vie de saint Eloi.

Enfin, la sculpture aussi a publié la vie et les miracles de notre saint: on signale, dans une église de Florence, en Italie, un basrelief en marbre reproduisant un des traits les plus extraordinaires de sa légende.

Dans les Remarques sur la vie de saint Eloi, par Jacques Le Vasseur, érudit et littérateur mort à Noyon en 1636, on trouve un curieux portrait des compatriotes de saint. L'auteur y trace, dans le style de l'époque, les qualités de nos pères, d'où il fait découler les vertus et les talents qui illustrèrent l'enfant de Chaptelat, l'ouvrier de Limoges. Voici comment il s'exprime:

« Briefvement doncques je diray pour remarque de ce lieu (Chaptelat où naquit Saint Eloi), que la ville de Limoges en laquelle Sainct Eloy fit ses apprentissages de piété et de sçavoir en sa profession, a esté non sans raison appelée l'ouvroir et la boutique de la diligence et l'ergastule ou prison de la fainéantise; à cause qu'elle est le vray théâtre où le travail et les emplois jouent perpetuellement leur rollet: comme à l'opposite des fainéans y ont toujours esté très mal venus.

>> D'où je remarque deux choses à l'adventage de nostre bienheureux: l'une, que ce n'est de merveille s'il a esté si parfaict en sa vocation d'orfévrerie, et s'il en a usé en tant de lieux, et laissé tant d'excellens chef-d'œuvres, l'ayant apprise en la boutique de la diligence. La seconde servira d'illustration pour le second chapitre du second livre de sa Vie composée par Sainct Ouen, où se trouve ce qui suit, ou environ; que celuy qui ne feroit réflexion de sa pensée sur l'exemple de Jésus-Christ et qui n'auroit ce fondement pour sus-bastir ses actions d'humilité, sans doute il auroit honte de rendre à ses égaux les devoirs qu'il rendoit à ces pâles et plombastres faineans, tant méprisés à Limoges, lesquels il recueilloit en qualité de pauvres (tels sont ordinairement ceux qui n'ont autre exercice que l'oisiveté) et les accueilloit à l'endroit de ceux de sa qualité.......

>> Or, pour remonter vers Limoges, non à la ville seulement, mais à tout le pays, appartient d'aymer la vie laboriense, comme aussi la tempérante; d'où se peut conclure que le bienheureux de la vivacité et des longues années acconsuit le peuple originaire de ces quartiers. Ce qui leur est dû encore d'un autre chef, à cause de leur debonnaireté et humeur paisible. La terre estant l'apanage des debonnaires, comme les paisibles ont droict d'estre appelés les enfants de Dieu, qui est éternel et immortel, tels seront ses enfants en la société des anges, après s'estre paisiblement comportés en la société des hommes. Qui est encore une remarque digne du pays, que les Limosins sont passionnément amoureux de la société. Un seul passage de l'histoire universelle de Jacques de Charron (cap. XXXVI, p. 197) fera foy de tout ce que dessus. Voici donc ce qu'il en escrit : « Limos ou Limovix se saisit du pays, qui >> fust depuis de son nom appelé Limosin: auquel les hommes >> vivent longuement pour leur sobriété (1). Et s'y maintiennent >> encore à présent en telle amitié les uns avec les autres, qu'on y >> verra quelques fois plus de cent personnes vivans et mourans >> ensemble en une mesme maison, sans aucun partage ny dissen>>> sion. >>>

>> Voila pourquoi nostre sainct aimoit si parfaitement la paix, la sobriété, et la vie de communauté, tant pour l'inclination naturelle que lui causoit l'air du pays à chérir ces vertus, que par le grand soin et l'exercice qu'il apportoit à cultiver en luy ces dons de la

nature. >>>

A. LECLER.

(1) « L'Enfant prodigue, observe finement Le Vasseur, n'estoit done de Limoges; ou s'il en estoit, il en fust jeté hors comme dénaturé. »

T. XLV.

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JEANNE D'ALBRET

Et les Limousins

Lorsqu'une grande figure historique a joué un rôle dans les événements d'un pays, d'une province ou d'une cité, qu'elle y a par ses actes, son caractère ou sa politique tenu une large place, il est bien rare à quelques siècles d'intervalle que sa mémoire se soit conservée parmi les générations postérieures dans toute son intégrité et que la légende, cette poésie parfois un peu folle de l'histoire, n'y ait pas ajouté certaines amplifications.

Cette remarque peut s'appliquer dans quelque mesure à la personnalité de Jeanne d'Albret, reine de Navarre, vicomtesse de Limoges, au point de vue des souvenirs qui sont restés d'elle dans notre contrée. Au cours de sa carrière si mouvementée et pendant les dernières années de sa vie tout au moins, la célèbre princesse a entretenu avec ses vassaux du Limousin des rapports multiples et fréquents; ses voyages, ses démêlés avec les bourgeois de Limoges au sujet des droits seigneuriaux et surtout de la question de religion, ses efforts persévérants pour acclimater le culte réformé dans une province qui relevait de son patrimoine, tous ces faits ont laissé dans nos annales locales une trace assez profonde (1). Par cela même l'imagination populaire dût en être frappée et cette impression transmise à travers les âges a bien pu sans doute avoir pour effet de dénaturer la réalité des faits et donner lieu à des croyances fictives et sans apparences même de

fondement.

(1) De 1556 à 1572, les registres consulaires du Château de Limoge contiennent au moins 150 pages sur les événements auxquels la reine a été plus ou moins mêlée.

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