de deux corps de logis importants, qui se rencontrent à angle droit et sont flanqués de tours rondes à machicoulis à leurs extrémités. En outre de ces tours, deux pavillons octogones rompent les lignes de la façade du Nord et, sur celle du Levant, se détache l'abside polygonale, accompagnée de contreforts, de la chapelle. Et enfin, à la rencontre des deux corps de logis, s'élève un gros pavillon, sans caractère, percé régulièrement de fenêtres d'aspect tout moderne. Ce pavillon, antérieur aux restaurations de M. Delarue, avait été conservé tel quel; mais devait être plus tard, nous dit-on, arrangé dans le style du xv siècle et converti en un donjon, dont la masse devait dominer l'ensemble des constructions. J'ignore si cette transformation a été faite; mais, le soin mis dans les autres parties de la construction, le luxe de maçonnerie qui y règne me portent à penser que, depuis longtemps déjà, се раvillon d'angle a été mis en harmonie avec l'aspect moyen âge et féodal du château. Tout ce que nous venons de dire s'applique aux façades extérieures que ne montre pas notre dessin. De ce côté là, vu d'angle, Bort fait un très bel effet. Il domine des prairies en pente animées par les plus belles vaches du monde, et un grand étang où se reflètent de vieilles futaies de chênes. C'est le type accompli des paysages limousins, avec lesquels nous sommes familiarisés, sans doute, tant ils sont répandus dans notre beau pays; mais qui n'en sont pas moins admirables dans leur verte rusticité. Du côté opposé, c'est-à-dire du côté de l'angle rentrant formé par les deux façades et que représente notre dessin, une description est presque inutile. Comme on le voit, l'aile gauche, précédée d'une sorte de petit bastion avec tourelle en encorbellement d'un goût contestable, et flanquée de sa grosse tour, est régulièrement percée de fenêtres et a sur sa toiture d'ardoise des lucarnes de granit à pignons aigus, style du xva siècle. Je soupçonne que les murs de cette façade étaient anciens et que, simplement, les ouvertures en ont été remaniées. Sur la porte d'entrée, placée au milieu, des armoiries du temps de Louis XIII, représentant deux écussons supportés par des sauvages et couronnés d'un tortil de baron, ont été conservés soigneusement par M. Teisserenc de Bort et reproduits plus en grand sur diverses parties des constructions nouvelles. Nous en reparlerons plus tard à l'occasion des divers seigneurs qui ont possédé la terre et la maison noble de Bort. Le corps de logis qui se soude à angle droit à celui-ci est d'une plus grande richesse. En avant de la chapelle et sur le reste de la façade, une sorte de porche dont les arcades surbaissées sont garnies de meneaux de style flamboyant est surmonté d'une terrasse à balustrade de même style, finement taillée dans le granit. Au milieu, deux petites tourelles prismatiques accompagnent une sorte d'avant corps ou de pavillon, à toiture indépendante, d'un effet décoratif assez réussi, mais sans autre utilité apparente, que d'ajouter un caractère pittoresque à l'ensemble des constructions qui n'en manquent assurément pas. Car, et c'est une remarque qui doit être faite, le souci du pittoresque, du théâtral, de l'aspect moyen âge avant tout, des pointes et des girouettes menaçant le ciel, paraissent avoir été la note dominante des châteaux bâtis par M. Delarue. Gustave Doré, dans ses compositions, avait souvent de ces inventions invraisemblables, mais toujours d'un pittoresque effréné; il semble que l'architecte de Bort ait voulu réaliser les imaginations du dessinateur. Je m'empresse d'ajouter qu'il l'a fait avec un réel talent. De l'intérieur du château, inachevé à l'époque de ma visite, je n'ai rien à dire. Il est vraisemblable qu'il fut mis en rapport avec les magnificences de la construction et la haute situation de l'homme de goût, de l'artiste qu'était M. Teisserenc de Bort, avant de devenir un personnage politique important. Seule, la chapelle où se voyaient d'anciennes voûtes et des peintures paraissant appartenir aux premières années du xvu siècle, parmi lesquelles des blasons pareils à ceux de la porte d'entrée, m'avait paru terminée. Autant qu'il m'en souvient elle avait fort bon air et semblait plus ancienne qu'elle ne l'était en réalité. Bort est situé au nord-est de Limoges à une quinzaine de kilomètres, dans le canton d'Ambazac et dans la commune de SaintPriest-Taurion. C'est une excursion que peuvent faire les touristes soit en voiture, soit, ce qui est plus à la portée de tout le monde et plus rapide, en chemin de fer. C'est grâce à une obligeante communication de mon respectable ami le savant abbé Lecler, que je suis en mesure de dire quelques mots, plus que suffisants, sur l'histoire du château de Bort on plutôt sur ses divers possesseurs. Je vais me contenter de publier, telles quelles, les notes qu'il a bien voulu me fournir. << Jacques Daniel, écuyer, seigneur de Condat et de Bort en 1489 (Nobiliaire, II, 37). >> Pierre Daniel, en 1530, est bailli et gouverneur du château et repaire noble de Bort, paroisse de Saint-Priest-les-Olieyres (ancien nom de cette paroisse) pour dame Loyse de Linard (Nobiliaire, IV, 464). >> Procès et ensuite transaction entre Louise de Gain, dite de Linard, épouse de Louis de Neufville, avec les consuls de Limoges (Registres consulaires de Limoges, I, 195). >> Louise de Linard, dame du repaire noble de Bort, épousa 1o avant 1530, Jacques Daniel, sieur de Bort et du Repaire, dont elle n'eut pas d'enfant. Elle hérita des biens de son mari. Elle épousa 2o en 1530. Louis de Neuville, fils de noble Antoine de Neuville, seigneur de Magnac, dont elle n'eut pas d'enfants (Nobiliaire, II, 2, 197, 252). >> Gabriel Daniel, écuyer, seigneur de Bort et de Fontléon, vivait en 1567, il était fils de Jacques (Nobiliaire, II, 3). >> Joseph des Coutures, sieur de Bort, consul de Limoges en 1647. Conseiller du roi, son avocat, puis juge au siège présidial, avait souscrit pour le Collège de Limoges, en 1598 (Nobiliaire, I, 2o édition, 742). >> Simon IV des Coutures (l'auteur du Nobiliaire que publie M. l'abbé Lecler dans le Bulletin de la Société de Tulle), seigneur de Bort, épousa Anne-Jeanne de Verneilh, fille de François, sieur de Lâge et co seigneur de Nexon. De ce mariage 1o Anne-Françoise qui épousa, le 6 octobre 1674, Pierre de Maledent d'Hardy, écuyer, seigneur du Puytison; 2° Léonarde-Françoise qui épousa Jean Mathias Rogier des Essarts. Elles partagèrent la succession de leurs père et mère le 8 juin 1715. Anne-Françoise, dame du Puytison, eut le château, fief et repaire noble de Bort, et LéonardeFrançoise, dame des Essarts, la maison noble de Nexon (Nobiliaire, I, 2o édition, 743). >> Pierre Muret, écuyer, seigneur de Bort. eut pour fils: Léonard Muret, seigneur de Bort, qui épousa en 1789 Catherine Brisset du Puydutour, dont: 10 Léonard dit Léon, qui suit; 2° Marie-Zélie Muret, mariée à Châteauroux à N. Teysserenc. >> Léonard dit Léon Muret de Bort, député sous Louis-Philippe, qui épousa en 1817 Rosalie-Amena Barbou des Places de la Grênerie, dont Hermine, née en 1825, qui a épousé en 1844, Edmond Teisserenc, son cousin, fils de Marie-Zélie Muret de Bort, sénateur, ambassadeur à Vienne, etc. (Nobiliaire, IV, 456). » Je ne me charge pas d'expliquer comment les Daniel et les Gain de Linards ont été, à la même époque, seigneurs de Bort, ni comment cette terre passa aux des Coutures. Ce qui me sera plus facile, ce sera de blasonner les armes sculptées sur la porte d'entrée du château. Ce sont celles de Simon des Coutures, qui dût vraisemblablement, faire de grandes réparations à Bort dans les premières années du règne de Louis XIV, sinon un peu plus tôt, et de sa femme Anne-Jeanne de Verneilh. Ces armes sont, pour des Coutures: de gueules au sautoir d'or, cantonné de quatre épis de blé d'or, et pour Verneilh: d'argent au croissant de gueules, T. XLV. 24 sommé de trois palmes de sinople, au chef de gueules chargé de trois étoiles d'argent, rangées en fasce. En sa qualité de rédacteur du Nobiliaire de la généralité de Limoges, Simon des Coutures était évidemment versé dans l'art héraldique. Le double blason qu'il fit sculpter en pierre calcaire sur la porte de son château est irréprochablement composé et exécuté; les sauvages barbus qui le supportent ont des mines rébarbatives, comme il convient à leur rôle et le tortil de baron surmontant le tout est parfaitement dessiné. A voir cette pierre finement taillée et d'un caractère qui se rapproche des choses de la Renaissance, on serait tenté de la vieillir de cinquante ans au moins; mais, les dates des mariages des filles de Simon des Coutures ne permettent pas de reculer celle de son mariage avec Anne de Verneilh audelà de 1650. C'est à cette époque que dût être sculpté le blason d'alliance de la porte d'entrée. On voudra bien nous excuser d'en avoir parlé un peu longuement. Ces armoiries sculptées sur la porte des châteaux, sont assez rares en Limousin et celles de Bort nous ont paru mériter, par leur importance et le soin qui présida à leur exécution, une mention particulière. Elles la méritent encore plus peut-être par la façon respectueuse dont elles ont été traitées, dans la restauration du vieux manoir, par M. Teisserenc de Bort, qui les a remises en place d'honneur et les a reproduites en grand dans diverses parties neuves de la construction, alors qu'il avait tant de raisons d'y mettre celles de sa famille. Baron de VERNEILH. |