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HARVARD COLLEGE LIBRARY

F. C. LOWELL FUND

Aug 14,1924

BIOGRAPHIQUE ET BIBLIOGRAPHIQUE

SUR

BERNARD GUIDONIS

évêque de Lodève

Il y a plus de vingt ans, nous avions recueilli quelques matériaux pour une biographie de Bernard Guidonis, évêque de Lodève, une de nos célébrités limousines. Plus tard, en 1879, M. Léopold Delisle, le savant membre de l'Institut, publia une Notice sur les manuscrits de Bernard Gui. Cette Notice nous a permis de donner plus d'étendue à notre travail. M. Léopold Delisle l'a composée avec la science qui le distingue, avec la patience et la conscience d'un bénédictin. Nous y avons trouvé non-seulement l'énumération des nombreux ouvrages de l'illustre dominicain, mais l'indication des divers manuscrits qui les renferment et les sources où nous pouvions puiser les détails de sa biographie. Cette étude reposait depuis quelques années dans nos cartons quand nous l'en exhumâmes pour en faire la lecture au Congrès des Sociétés savantes, tenu à la Sorbonne en 1894.

Nous diviserons cette étude en deux parties: 1° Biograpie de Bernard Guidonis; 2° Analyse et appréciation de ses nombreux ouvrages.

Mais avant de donner sa biographie, qu'il nous soit permis d'élucider certaines questions que M. Léopold Delisle a laissées dans le doute:

1o Quelle était la forme française du nom de famille de Bernard Guidonis?

2o Bernard Guidonis était-il de famille noble ?

3o Est-il né au château de Juvé, comme le prétendent certains écrivains?

T. XLV.

1

1o Quelle était la forme française du nom de famille de Bernard Guidonis?

Le mot Guidonis est son nom de famille latinisé, avec le mot Guido au génitif, suivant la coutume du moyen âge. Faut-il le traduire par Gui, comme a fait M. Léopold Delisle, ou par Guyon, comme a fait l'abbé Fleury (1), ou par de la Guyonnie, comme ont fait nos écrivains limousins, ou par de la Guyonne, comme ont fait Quétif et Echard dans leur livre sur les écrivains de l'Ordre de Saint-Dominique?

M. Léopold Delisle n'a pas trouvé, dit-il, le nom de La Guyonnie au-delà du xvn siècle, et il adopte la forme de Bernard Gui qu'il trouve chez deux écrivains du xiv siècle, Jean Golein et un anonyme qui ont traduit en français et en provençal un ouvrage de Bernard Guidonis (2).

Si ces deux écrivains étaient Limousins, la question serait tranchée sans difficulté. Mais comme ils étaient étrangers à notre province, ils ont pu traduire naturellement Guidonis par Gui, sans que cette traduction fût la forme limousine du nom de famille de Bernard.

Gui est la forme française du nom de Guidonis, mais la forme limousine de ce nom est Guyon: car ce nom de Guyon a servi à former le nom de La Guyonnie. Guyon est le nom patronymique; La Guyonnie est le domaine noble dont les membres de la famille Guyon ont pris le nom plus tard.

Nous avons en Limousin d'autres exemples du mot de Guyon employé au lieu de Gui: le château de Lavau-guion.

Nos écrivains limousins traduisent constamment Guidonis par de la Guyonnie: ainsi le chanoine Collin, au xvu siècle; l'abbé Nadaud, auxvme, et dans ce siècle l'abbé Labiche, traduisent Guidonis par de la Guionnie (3).

En dehors du Limousin, dom Estiennot, dans ses Fragments de l'Histoire de l'Aquitaine (4), Moréri, dans le Dictionnaire historique,

le Gallia christiana, t. VI, 554, — dom Vaissette, t. IV, p. 182, - la Bibliothèque historique de la France, édition Fontette, t. V, p. 555, etc., traduisent aussi de la Guionnie. Quétif et Echard, t. 1,

(1) Histoire de l'Eglise, livre XLIV, à l'an 1330, édition de 1726, t. XIX, p. 474.

(2) Notice sur les manuscrits de Bernard Gui, p. 172.

(3) COLLIN, Vies des saints du Limousin, 1672, p. 224. - NADAUD, Nobiliaire du Limousin, 1. II, p. 394. - LABICHE, Six mois des Vies des Saints du Limousin, t. III, p. 392.

(4) Bibliothèque nationale, fonds latin, ms. 12764, fol. 268-272.

1

p. 576, traduisent de la Guyonne, mauvaise leçon pour La Guyonnie. Ils ont été suivis par l'abbé Roy-Pierrefitte, dans son Mémoire sur les Dominicains en Limousin (1).

Les membres de la famille noble de La Guyonnie, dans la paroisse de Royère (Haute-Vienne), qui se disaient les petits-neveux de Bernard Guidonis, s'appelaient de La Guyonnie, non-seulement au xvn siècle, mais encore au xvI (2).

La Guyonnie est un ancien domaine de la paroisse de Royère transformé en fief noble, qui tirait son nom de son premier possesseur, nommé Guyon. Au moyen âge, comme dans l'antiquité judaïque, les propriétaires d'un domaine lui donnaient leur nom: Vocaverunt nomina sua in terris suis (3). La Guyonnie tire done sou nom de Guyon, comme La Martinie dérive de Martin, La Chabaudie de Chabaud, Lasteyrie d'Astier, Leymarie d'Aimar, L'Andrevie d'André, etc.

Guyon est donc la forme limousine du nom de famille de Bernard Guidonis, comme la Guyonnie en est la forme anoblie ou nobiliaire. C'est ainsi que les cardinaux limousins Judicis, dont le nom de famille en français était Juge, s'appelaient aussi de La Jugie, domaine noble dont le nom dérivait de leur nom de famille.

Mais après le travail de M. Léopold Delisle, nous craignons bien qu'on abandonnera la dénomination de Guidonis et de la Guyonnie, aussi bien que celles de Guyon et de la Guyonne. Le savant membre de l'Institut, en élevant à la mémoire de Bernard Gui un monument immortel, aura consacré d'une manière définitive le nom de famille que Bernard portera désormais et que lui conservera la postérité. Nous lui donnerons indifféremment l'un ou l'autre.

2o Bernard Guidonis était-il de famille noble?

Voici la réponse de M. Léopold Delisle à cette question : « La condition des parents de Bernard n'est pas connue. Des auteurs modernes le rattachent à une famille noble du Limousin (4); d'autres affirment qu'il était d'une humble condition (5); à cet égard les anciens témoignages font défaut (Notice, p. 173).

(1) Bulletin de la Société archéologique du Limousin, t. X, p. 43. (2) Nobiliaire du Limousin, t. II, p. 244.

(3) Psalm. XLVIII, 12.

(4) VAISSETTE, édition originale, IV, 182. - BRÉQUIGNY, Notes et extraits des mss. II, 3.

(5) Chronologia præsul. Lodoo., p. 287. - Gallia christiana, ancienne édition, II, 674, col. 4. - Id., nouvelle édition, t. VI, 554. - FONTANA, Sacrum theatrum dominicanum, p. 217, col. 2.

Nous répondrons à notre tour: la famille de Bernard Guidonis était noble, mais de petite noblesse.

En effet, dom Estiennot, dans ses Fragments de l'histoire d'Aquitaine, a consacré cing pages à la famille Guidonis (de La Guyonnie). Ce document, qui a échappé aux recherches de M. Léopold Delisle, établit la noblesse de cette famille dès le xme siècle. Avant Bernard Guidonis, l'évêque de Lodève, dom Estiennot cite un ancien abbé de Saint-Junien de Noaillé, c'est-à-dire Hélie Guidonis, qui était évêque d'Autun en 1311 (Gallia christ., t. IV, col. 408). Un neveu de ce dernier Guido Guidonis était en 1310 « prior sancti Salvatoris Liguriaci in Alnesio et Comitatu Benonensi ».

D'après les archives des Frères prêcheurs de Limoges, Bernard Guidonis, chevalier, fils de Guido Guidonis, épousa damoiselle Comptor de Mas-Nadaud (de Manso Natali), paroisse de Pageas, qui était veuve en 1362 (1).

D'autre part, les petits neveux de Bernard Guidonis, qui étaient sieurs de La Guyonnie, et qui possédaient dans le château de Juvé les ouvrages manuscrits de l'évêque de Lodève, étaient nobles : l'un d'eux, Pierre de la Guyonnie, sieur de Juvé, fut trouvé gentilhomme en 1598 (2).

Entin si les armoiries sont une preuve de noblesse, voici les armoiries qui figuraient sur la tombe de Bernard Guidonis, dans l'église des Dominicains de Limoges : Bandé de au chef de à trois créneaux de ... r (3).

...

...

D'ailleurs, au xme siècle, les dominicains en Limousin se recrutaient parmi les familles nobles: témoins: Gérald de Frachet, Itier de Compreignac, Jourdain Paute, etc.

Donc Bernard Guidonis était de famille noble; c'est ce que reconnaissent nos écrivains limousins, Collin, Nadaud, Labiche, etc.

3o Bernard Guidonis est-il au château de Juvé?

Plusieurs écrivains font naître Bernard Guidonis au château de Juvé, situé dans l'ancienne paroisse de Royère, aujourd'hui commune de La Roche-l'Abeille. Citons en particulier: Collin, Vies des saints du Limousin, 1672, p. 224. L'abbé Nadaud, Nobiliaire limousin, t. II, p. 394. Labiche de Reignefort, Six mois des Vies des Saints du Limousin, t. III, p. 392.

(1) NADAUD, Nobiliaire Limousin, t. II, p. 233.

(2) Id., ibid., p. 244.

L'abbé Faillon, Monu

(3) Id., ibid., p. 243. - ESTIENNOT, р. 268, donne les armoiries de La Guyonnie: bandé de ..... et de ..... à ches chargé de trois guignes ou cerises de .....

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