adressée aux Libraires de sa connaissance par Nicolas-Augustin Delalain, le père d'Auguste Delalain, qui succéda aux Barbou (1). Joseph Barbou versa entre les mains du syndic la somme de six cents livres pour sa réception, conformément à la déclaration du roi, du 11 septembre 1703, et en outre, « de sa bonne volonté » il yajouta quatre cents livres dont il fit présent à la Communauté. Trois jours après (15 janvier 1717), Joseph Barbou se faisait inscrire sur le registre « aux fins de parvenir à son rang à la maitrise d'imprimeur » conformément à l'arrêt du Parlement du 3 mars 1704 sur le Règlement de l'imprimerie à Paris. Comme nous l'avons déjà dit, Jean-Joseph Barbou agissait vis-àvis de son jeune frère comme un second père. Il le maria le 25 janvier 1717 avec Anne-Antoinette de Béville, avec laquelle il avait été fiancé quelques mois auparavant. D'après le contrat de mariage, dont nous possédons une copie, les biens de la future s'élevaient à 49,915 1. 15 s.; ceux du futur étaient ainsi déterminés : « ... Le futur porte en communauté, de son côté, 20,000 1. dont 12,000 1. sont à lui léguées par son feu père Pierre Barbou et 8,000 1. que Jean Barbou, son frère, bourgeois de Paris, fondé de la procuration de leur mère Jeanne Mailhard, lui constitue en avancement d'hoirie de sa succession future, dont 5,000 1. sont déjà entre les mains dudit sieur Jean Barbou et les autres 15,000 1. en mains de leur mère, et se décharge desdites 5,000 1.; et le reste payable en trois pactes de six mois chacun >>> Promet led. s Jean Barbou d'associer led. Joseph dans son fonds de librairie pour six ans à compter du jour de la célébration du mariage. Dans la société entreront lesd. 20,000 1. du futur et seront dressés les articles de lad. société par main publique )) Ce qui entravait l'essor de la librairie à cette époque c'était le nombre incalculable de privilèges et de permissions accordés aux libraires pour des ouvrages qui auraient dû entrer dans le droit commun. Grâce à l'extrême obligeance de M. Henri Stein, nous avons eu connaissance d'une requête formulée en 1721 par une vingtaine de libraires parisiens, dans laquelle ceux-ci demandaient que l'impression des livres de classes (manuels, racines, textes, grammaires, bibles, etc.) ne fussent pas le privilège exclusif de (1) « Monsieur, Nicolas-Augustin Delalain est venu pour avoir l'honneur de vous rendre ses devoirs et pour vous prier de vous trouver mardi prochain, 7 août 1764, à cinq heures de relevée, en la Chambre Royale et Syndicale de notre Communauté, pour être présent à sa Réception de Libraire, conformément au Règlement. Vous êtes prié de venir en Manteau et Rabat, (Document communiqué par M. Paul Delalain). T. XLV. 7 quelques-uns. Joseph Barbou figure parmi les plaignants. En réponse à cette protestation parut l'arrêt du Conseil d'Etat privé du Roy du 13 septembre 1721, qui « donne acte aux libraires oppo>> sans à l'enregistrement du privilège obtenu le 8 août 1720 par >> l'Université de Paris, de la déclaration par elle faite sur ledit >> privilège et ordonne qu'il sera registré pour être exécuté confor>> mément à la dite déclaration. >>> A cause de cette situation, les libraires trafiquaient entre eux de tout ou partie de leurs privilèges. Pour le même ouvrage, ils étaient plusieurs à se partager les droits et cela dans des proportions variables. Il n'était pas rare de voir paraitre un ouvrage sous le nom d'un libraire qui, quelques jours après, avait cédé son privilège à un autre. De là des changements de titres et des complications difficiles à résoudre pour les bibliographes de l'avenir (1). Les associations entre libraires étaient fréquentes; on connaît les plus célèbres, la Compagnie de la Grande navire entre autres. Le nom de Barbou se trouve dans plusieurs associations pour des ouvrages publiés, entre autres avec Charles-Joseph Panckoucke en 1765 et avec plusieurs libraires en 1770 et années suivantes. Après dix-huit ans d'exercice, Jean-Joseph Barbou s'était acquis l'estime de ses confrères, qui le nommèrent adjoint de la communauté le 8 août 1722 (en vertu d'un arrêt du conseil du 1er août). On sait que c'était un poste de confiance; car les syndic et adjoints avaient pour mission d'enregistrer les privilèges accordés par le roi, et surtout de veiller à l'observance des statuts et règlements sur l'imprimerie et la librairie. Le syndic était alors JeanBaptiste-Christophe Ballard et les trois autres adjoints Michel III Brunet, Pierre-François Emery et Nicolas Simart. C'était, d'après Lottin, le XXXVI syndicat qui dura un an et neuf mois. JeanJoseph Barbou fit encore partie du syndicat suivant (durée deux ans deux jours) qui avait à sa tête Michel III Brunet. Il eut pour collègues Nicolas Simart, Antoine-Urbain I Coustelier et Laurent II Rondet. C'est pendant ce second syndicat que son frère Joseph fut reçu imprimeur, en même temps que Nicolas Gosselin, Claude Robustel et Christophe David. Le 2 juillet 1723, les quatre candidats se présentèrent devant les syndic et adjoints et produisirent un arrêt du (1) Le 20 janvier 1718, les frères Barbou achetèrent à Robustel son pri. vilège pour vingt-cinq ans sur l'Horatius Juvencii et deux ans après, tous les exemplaires étaient à leur nom. En 1746, Jean Barbou acheta à Marc Bordelet, son privilège sur le Prædium rusticum du P. Vanière, et la même année le nom du premier libraire était remplacé par celui de Barbou. Conseil d'Etat du 22 juin précédent, les autorisant « à lever une imprimerie >> conformément au règlement du 28 février 1723. La Chambre leur ayant donné son approbation, ils payèrent d'avance la somme de 600 1. pour les droits de leur réception. Cette somme venait affirmer qu'ils s'empresseraient de former leur établissement; mais dans le cas où ils ne se seraient pas mis en état d'être reçus, ils ne pouvaient réclamer la somme donnée à la Communauté (1). La réception de Joseph Barbou comme imprimeur à Paris dut certainement contrarier la maison de Limoges, qui pouvait craindre de se voir fermer, à un moment donné, l'important débouché de la capitale. Cependant la maison de Paris continua toujours à demander des livres à Limoges. A dater de 1723, on remarque sur les titres de plusieurs ouvrages imprimés par Jean Barbou de Limoges pour le compte de ses frères de Paris, le mot: Lemovicis en petites italiques précédant le mot: PARISIIS en capitales. D'autre part Joseph Barbou a soin de mettre à la fin des ouvrages sortant de ses presses Ex typis Josephi Barbou ou De l'imprimerie de Joseph Barbou. En 1723, les Barbou sont parvenus à réunir dans leur librairie une collection de onze ouvrages de poésie des PP. Jésuites, dont on relève les titres sur les OŒuvres du P. du Cerceau. Ces ouvrages, formaient dix-sept volumes dont deux avec figures (ceux des PP. de La Rue et Vanière). Il y avait là une tentative de leur part, qui peut-être ne fut pas aussi fructueuse qu'ils le pensaient, car la collection s'augmenta peu par la suite. Dans tous les cas, en éditant les œuvres poétiques des Jésuites, ils eurent avec ceux-ci des relations plus intimes encore qui se traduisirent par l'impression d'une quantité de petits ouvrages pour le Collège Louis-le-Grand (tragédies, ballets, éloges, etc.). Le privilège qui termine les OŒuvres du P. du Cerceau comprend sept ouvrages: Cornelius Nepos, Erasmi colloquia, Virgilius, Aurelius Victor, Justinus, Cæsaris Commentaria, Maximes tirées de l'Ecriture sainte, ce qui indique une grande activité dans la librairie Barbou. Les OŒuvres sont imprimées par J.-B. Christophe Ballard; c'est à la veuve de celui-ci que Joseph-Gérard Barbou achètera plus tard son imprimerie. Ici se place une critique des Barbou, dans laquelle l'auteur anonyme, qui n'est autre que l'abbé Pierre-Jacques Blondel, nous parait avoir forcé la note : Les Mémoires sur les vexations qu'exercent les libraires et impri (1) Bibliothèque nationale, Ms. fonds français, 21857, No 63 va. meurs de Paris (1) présentent les Barbou comme vendant leurs livres trop cher par rapport au prix de revient. Ils s'adressent surtout à Joseph Barbou qu'ils traitent, avec plusieurs autres imprimeurs du reste, de « corsaires impitoyables ». Nous en extrayons les passages suivants : << ARTICLE Ier. Vexations exercées sur le public ... >> Qu'on fasse un peu attention aux éditions de Barbou, comment sont conditionnées celles des livres classiques et des poëtes latins modernes, quoyqu'il les vende trop cher et qu'il en fasse un grand débit (2). >> Il est associé avec Despréz (3) pour l'Edition de St-Chrisostome du R. P.D. Bernard; on scait qu'il n'y emploie que du papier de Limoges, et que les caractères grecs dont il se sert sont si usez qu'à peine peut-on distinguer les esprits et les accents (4). Le même (1) Publiés d'après l'imprimé de 1725 et le ms. de la Bibliothèque de la ville de Paris, par Lucien Faucou. (Paris, 1879, in-4°.) - Bibliothèque, nationale, Ms. fonds français 21833. « (2) Nous avons voulu nous rendre compte du bien fondé de cette critique. En prenant les bases données par l'auteur des Mémoires: pour la composition, le tirage et le papier. Les compagnons » compositeurs étaient payés de 3 à 4 livres, soit à peu près 35 centimes le mille de lettres levées; les « compagnons >> imprimeurs touchaient 2 livres 10 sols par jour, soit environ 1 livre 5 sols le mille de feuilles tirées ou la rame. Le papier carré du poids de 18 livres coûtait 4 livres la rame, comme on l'a vu dans les comptes des Barbou de Limoges. Ceci posé, à combien revenait au libraire un ouvrage classique in-12 de 24 feuilles (soit 576 pages) ce qui était la grosseur habituelle, tiré à quinze cents exemplaires (trois rames) avec une reliure pleine basane. En chiffres ronds, la composition était de 2401, les tirage 360 1., le papier 300 1,, les étoffes 300 1. et la reliure 600 1. Au total 1,800 1. soit par exempl. 1 1. 5 sols. Les Barbou vendaient ces ouvrages 21. 10 sols. Mais comme aujourd'hui, il leur fallait ajouter au prix coûtant, une foule de choses difficiles à apprécier les frais de publicité, les remises aux libraires, les dons de livres, etc., etc. Le prix de vente n'était donc pas aussi exagéré que l'auteur des Mémoires veut bien le dire. (3) Guillaume II Desprez, fils de Guillaume I, reçu libraire le 23 novembre 1706, imprimeur le 5 juillet 1708, devenu le 25 août 1740 imprimeur du roi et mort le 31 octobre 1753, retiré de la librairie depuis le 10 déc. 1743. (LOTTIN). (4) Dans le chapitre : Les Barbou de Limoges (p. 393) nous disions que le carré fin de 251. et de 17 1. dont Jean-Joseph Barbou achetait une quantité à Limoges, était pour Robustel, l'éditeur des œuvres de saint Jean-Chrysostome. Les Mémoires sur les vexations, de 1725, nous apprennent l'association de Barbou avec Guillaume II Desprez, pour ce même ouvrage. On Despréz a donné au public une Edition in-24 de l'Imitation de J. C. du Sr de Beuil, beaucoup plus mal conditionnée que les almanachs qui s'impriment à Troyes en Champagne... >> ARTICLE III. Vexations contre les compagnons imprimeurs )) ... Ils (les maitres imprimeurs) les ont fait passer depuis peu pour des séditieux à cause que huit compagnons imprimeurs qu'ils avoient fait venir d'Allemagne, mécontens de leur procédé, s'en sont retournez dans leur pays. >> On ne peut trop éclaircir ce fait pour montrer la lacheté et la mauvaise foy des libraires dans ce trait de calomnie qu'ils ont lancé contre les compagnons. Barbou et David (1), deux imprimeurs aussi avides et aussi malfaisants qu'il y en ait dans le corps, prièrent Montalan, libraire, qui a ses correspondances dans tous les pays étrangers, de leur faire venir d'Allemagne des compagnons imprimeurs, à qui ils s'engagèrent de donner trois livres par jour, nourris, blanchis et couchez. Ils vinrent au nombre de huit sur la foi qu'ils avaient prise en la lettre de Montalan, que par malheur ils avaient laissée à Francfort. Etant arrivez, on en conduisit six chez Barbou et deux chez David. >> Ils travaillèrent pendant trois jours chez ces imprimeurs. Barbou ne fut pas content de leur besogne, parce que ces Allemands ne connaissoient rien en François. D'ailleurs comme chacun a ses usages, ils n'étoient pas faits à la manière de travailler de Paris. Cet imprimeur ne trouvant pas son compte à payer ces étrangers sur le pied énoncé et stipulé dans la lettre de Montalan, voulut les obliger à rompre le marché et à se contenter de 40 sols par jour pour tout, à condition qu'ils resteroient chez lui pendant trois ans. Les Allemands ayant appris ce manque de foy par la bouche d'un relieur qui servoit d'interprète à Barbou, parce que ces pauvres gens n'entendoient pas un mot de François, ils répondirent qu'ils n'y consentiroient pas, d'autant qu'il faisoit trop cher vivre à Paris pour des Allemands qui ne sont pas accoustumés à se contenter de peu et à se passer de vin. L'impri s'explique mieux alors le nom de « St Chrysostome » donné au papier quiservait à l'impression de cet ouvrage, et le chiffre des commandes : « 1714, 100 rames double carré Saint-Chrysostome pesant 25 livres à 61. 10 s. la rame, de Mile Leblois de Saint-Léonard, pour MM. Robustel (Claude), Desprez (Guillaume II) et Desessarts (Jean), imprimeurs à Paris, et 267 rames même papier pesant 17 livres à 4 1. 15 s.; 1725, 28 rames SaintChrysostome pesant 25 livres à 6 1. 10 s.; - 1726, 80 rames même papier; - 1727, 615 rames; - 1729, 444 rames; - 1731, 200 rames, etc. (1) Christophe II David, second fils de Michel, reçu libraire le 27 octobre 1713; imprimeur le 2 juillet 1723, mort en 1742. (LOTTIN.) |