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à moy à la donner, mais bien à l'huyssier, luy pryant de me perdonner. Bien, donc (ce dict-il) puisque ne le me voullez donner. La-dessus ie m'en vins à l'Abbaie à la chambre de la Royne et delivre la couverture à Marguerite, ceste jouer-la de Sabmedy estant ainssy passé, je m'en alloys me coucher.

Le Dymenche matin ie me leve à six heures, et m'en vois pormener dedans le parc, et en ung vallon ie me metz à prier Dieu, et luy demander conseil de ce faict meschant, car ie n'ay sceu trouver aultre moyen que de laisser couller l'eau du russeau qui estoit sy ord, en apres m'estant resolu, ie m'en retourne a l'Abbay, la ou ie trouve troys officiers de la Royne, et m'en allay desieusner quant et eulx, et m'en revins a neufue heures à la chambre de la Royne, la ou l'oye nouvelle que Mons. de Morray venoit prendre son congé de la Royne pour aller veoyr Madame sa femme: moy entendant ceste parolle l'aperseu incontynent qu'il le fasoit pour se destorner de se faict meschant. La-dessus ie m'en allois me pormener Lastarik et m'en vois soubvenir des parolles que j'avoys dietes du dict Seigneur de Morray à Mons. de Bodvel, et aussy ce qu'il m'en avoit respondu. A ceste heure-la ie dis en moy mesme, O Mons. de Morray tu es homme de bien, pleust à Dieu que tu sceus mon cueur, je n'auray pas tant de mal que j'ay; et ayant bien pense je m'en revins à la chambre de la Royne, la ou elle alloit disner auz noces de Bastien; toutes-fois je m'en allay disner à la ville et apres disner me pormener, et estant revenu j'entendis que la Royne alloyt souper chez Mons'. d'Argylle, la ou j'estois derrier elle luy servant desciant, et comme elle lavoyt ses mains apres souper, elle me demande sy i'avoys osté la couverture de maytre de sa chambre au logis du Roy? Je luy dis qu'ouy; lors

les seigneurs se levent de table, donc Mons'. de Bodvel m'appelle, et me mène seul avecques luy au logis de sa mere, la ou il ne fust gueres qu'i s'en alla au logis de Lard d'Ormiston, parler à luy et à son frere Hobe, et nous prend tout troys avecques luy et s'en va à Cougait et parle à Jehan Hay et à Jehan Hepbron, qu'il trouve à la rue. Apres avoir parle à eux, il s'en va tout seul et moy au logis du Roy, et à mye chemin au logis il me dict, or sçais-tu qu'il y a, tu t'en yras à la chambre de la Royne à Kirkefield, et quand Jehan Hepbron, Jehan Hay, et le Lard Ormiston entront, et qu'ilz auront faict ce que ilz ont envie de faire, tu sortyras et t'en viendras à la chambre du Roy, ou tu t'en yras la ou tu vouldras. Helas! Mons'., (ce di-je) vous me commandes ma mort. Et pourquoy (ce dict-il) te commande-je de faire quelque chose? Il est veritable, ce di-je, Mons',mais ie sçay bien que cest ma mort. Mais dis moy pourquoy (ce dict-il) sy ie te commandois de faire ce que les aultres font, tu le pourroys dire, mais ie sçay bien que tu n'as point de cueur; une fois les aultres n'ont que faire de toy, car ilz entront bien sans toy, car ilz ont des clefz asses; il n'y a porte ceans donct ilz n'en ayent les clefz. Bien, Mons'. (ce di-ie) ie m'y en voys. La-dessus il se departe de moy et s'en vais au logis du Roy, et entre en sa chambre, la ou estoyt la Royne et aucuns des Seigneurs, et ie m'en vins à la petite court, entre à la cuisine demandant une chandelle au cuysynier que j'alumis. Sur ces entre faictz voicy Jehan Hebron et Jehan Hay qui entrent en la chambre, la ou l'estois et portoys de la pouldre dedans des sacz qu'ilz misrent au milieu de la dict chambre. En ce faysant voycy Monsr. de Bodvil, qui survient et parle au eulx dysant, mon Dieu que vous faictes de bruyt, on oyt

d'enhault tout ce que vous faictez, et ainsy me regarde et me demande ce que ie faysoys, et que ie m'en allasse à la chambre du Roy apres luy, ce que je feis, et me trouve aupres de Mons'. d'Argylle, avec qui Mons', de Bodvel parloit, et le dict Seigneur d'Argylle m'acaroyssoyt et me touche sur le dos sanz me dire mot Et n'estant en la chambre du Roy la longueur d'une pater noster que la Royne s'en va vers l'Abbaye et monte là ou estoit les nopces, et moy ie m'en vois en ung coing la ou Mons". de Bodvel me vint trouver, me demandant ce que j'avoys d'ainsy faire la myne, et que sy ie la faysoys ainsy devant la Royne, qu'il m'accoustroit en telle façon que ie ne fus iamais. le ne m'en soucye pas (ce di-ie) que vous faictes de moy à ceste heure-cy, vous priant me donner congé de m'aller coucher, car ie suis mallade. Non, ce dit-il, veulx que vous veniez avecques moy; voullez vous, laisser ces deux gentilhommes-là Jehan Hay et Jehan Hepbron? Helas! Mons'., ce di-ie, que feres vous davantage pour moy, car mon cueur ne me peult servir à telle chose? Je veulx que vous venies (ce dict-il), or bien donc Mons'. (ce di-ie) allons. La-dessus il s'en va à sa chambre changer d'habillementz et prend le tailler et moy avecques luy, et se'n va au jardin du logis du Roy, la ou le tailleur demeure à la muraille. Et moy aupres, le dict Seigneur de Bodvel s'en va à la porte du jardin, et puis revint vers nous, la ou Jehan Hepbron et Jehan Hay s'en veindrent et incontynent comme ilz avoyent parlé à luy, voyla comme ung tempeste ou ung tonnoyre qui va eslever, de la peur que j'eu ie cheus en terre les cheveulx dressés comme allaines dysant, helas! Mons'., qu'est ce cecy? Il me dicte, je me suis trouve à des enterprises grandes, mais iamais entreprise ne me feit sy grand peur que cestycy.

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Je luy di, per ma foy, Mons'., de telle chose que cecy il n'en viendra iamais bien, et vous le voyres. O beste (ce dit-il) me menacent de me fraper de sa dague, mais ne la tire point. Là-dessus il commence à s'en aller bien viste, et nous apres luy, et s'en cuydoit aller per Leyth Wynd, mais il ne sceut. Il envoya donc Hepbron parler à portier pour ouvrir la porte, et qu'aussy le monde comencoyt à venir, il s'en va per derrier le Cannongait, et Jehan Hay et moy nous en allasmes la grand rue. Ie disoys à Jehan Hay à telle chose que cecy n'en adviendra iamais bien. Il est vray (ce dit-il) nous avons bien offencé Dieu, mais il n'y a remede, il se faulte monstrer verteux et prier Dieu. Helas! (ce di-je) Mons'. m'a menacé de me frapper de sa daguemals je vouldroys bien qu'il l'eust faict pour mon honneur. Paris, ce dict-il, prenes en patience, car vous congnoysses bien l'homme. La-dessus ie m'en allay coucher dans mon lict et luy au sien, mais je ne sçay ou, moy estant levé le Lundy matin envyron sept ou huyt heures, je n'en vins à la chambre du dit Seigneur de Bodvel, et incontynent qu'il me voyt il me demande que i'avoys à faire la mine? Je luy dis que j'avoys que jamais or n'y argent ne me remettroyt en point que i'estoys. Pourquoy? (ce dict-il) Porce, Mons'. que ie scay bien que je sera pris pour le principall de ce faictcy. Ha! ouy (ce dit-il) tu es bien homme que ie vouldroys bien prendre pour ung tel faict. La-dessus il s'en va en bas en une chambre et m'envoye querir par le dit tailler la ou il avoit en la chambre le Lard Ormeston, Hobe Ormiston, Jehan Hepbron, Daglische, Porrey et moy.

Mons'. de Bodvel me demande que j'avoys à faire telle mine, et sy i'avoys promis quelque chose au Roy, et s'il estoit mon maistre? Non, Mons'. (ce di-ie). Et

voye-tu point (ce dict-il) ces gentilhommes qui ont terres, rentes et revenues, femmes et enfans, et ont tout vollu abandonner pour me faire service, et si tu pense avoir offencé Dieu, le poche n'est en toy, cest à moy, car je t'ay commandé, et tu ne seroys estre repris de ce faict, car ce sont les Seigneurs mesmes de ce pais, avec moy, qu'avont commis le cyrme, et vouldroys qu'il meust coste oo---escus et ne t'en avoyr iamais parlé. Per ma foy, Mons'. (ce di-ie) ie la vouldrois bien, or bien Paris il se fault monstrer verteux, et pour toutes les irheues du monde, il ne fault rien dire, et s'y vous avez envie de vous en aller, vous vous en yres bientost, et du depuis ie l'ay demandé congé plus d'vne demye dousaine de fois, et ne le scue iamais avoyer; et voyla tout ce que ie say touchant ce faict.

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