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Pour étudier l'influence de la quantité de substances azotées, j'ai fait une gamme de liqueurs sucrées peptonisées et dans lesquelles la quantité de peptones croissait comme 1.2.3. 4.5.6.7.8.9.101.

La composition de la liqueur la moins azotée était celle de la saccharose peptonisée acide.

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Après stérilisation, les dix liqueurs ont été infectées avec une goutte de liqueur filante, placée dans une pipette parfaitement flambée, afin que la répartition des germes fût la même pour tous; puis elles ont été abandonnées à la température du laboratoire. Voici ce que je constatai :

Au bout de quarante-huit heures, les termes les plus riches en peptones ont commencé par se troubler, puis les termes inférieurs ont subi des altérations les jours suivants, à tel point qu'au bout de quatre jours tous filaient.

De plus, la substance glaireuse dont j'ai parlé plusieurs fois et qui ne se formait pas sur la saccharose peptonisée à 1%, prenait parfaitement naissance sur les liquides plus riches et en quantité d'autant plus grande que la teneur en peptones était plus élevée.

4 Un fait remarquable que je constatai après la stérilisation des dix liqueurs placées toutes dans des Erlenmeyers de même forme et de même capacité, c'est que la coloration était d'autant plus foncée que la quantité de peptones était plus grande, et les différences entre deux termes consécutifs de la gamme étaient assez sensibles pour que je pusse reconstituer celle-ci sans avoir recours aux marques. La coloration variait du jaune ambré au brun marron intense. Ce fait démontre que les moûts non houblonnés (et par suite les bières) ont une teinte d'autant plus foncée que leur teneur en peptones est plus élevée. C'est peut-être là un moyen de doser assez approximativement la quantité de peptones contenues dans un moût non houblonné par voie colorimétrique.

On s'explique aussi facilement par ce fait la décoloration que subissent les vieilles bières, pendant la fermentation complémentaire.

En effet, la liqueur à 1% en était dépourvue, la liqueur à 2% avait à sa surface quelques rares îlots, plus nombreux dans la liqueur à 3 %. La surface de la liqueur à 4 % était entourée en outre d'une légère couronne, nettement visible dans la liqueur à 5%. Enfin, les liqueurs suivantes avaient toutes leur surface couverte de ce mucus, dont l'épaisseur croissait avec la teneur en peptones.

Ces caractères étaient encore plus saillants après un mois, car alors la liqueur à 1 % possédait aussi à sa surface une légère couronne de substance glaireuse.

De plus, le trouble était d'autant plus accentué que la richesse en substances azotées était plus grande.

A partir de la liqueur à 4 % inclusivement, la couleur était celle du café au lait, dans lequel il y aurait de moins en moins de lait et de plus en plus de café.

J'ai aussi à cette époque pris la viscosité des liquides et voici ce que je trouvai :

Degrés viscométriques pour 50 c. c. de liquide à 17° C.

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Ce tableau est concluant et je n'ai pas besoin de discuter ses résultats pour montrer combien la teneur en substances albuminoïdes, même peptonisées, a d'influence sur la fermentation. visqueuse.

Une conséquence pratique que l'on peut tirer de cette expérience, c'est que les bières auront d'autant moins de tendance à devenir visqueuses, que leur teneur en substances azotées assimilables sera plus faible.

On sait que les moûts de bières renferment, outre des peptones, des substances albuminoïdes non transformées. Or, c'est une idée très commune chez les brasseurs de croire que parmi ces éléments, les plus redoutables pour la conservation des bières soient les substances albuminoïdes non peptonisées. On voit, d'après ce qui précède, combien cette idée est fausse. Du reste, il est démontré que si les peptones constituent un bon aliment azoté pour la levûre, elles jouissent des mêmes propriétés vis-à-vis des microbes de maladie des bières.

Influence des proportions de sucre. On sait dès maintenant que le sucre n'est pas indispensable pour que la fermentation visqueuse naisse dans un liquide. Le filage des liqueurs Pasteur, Mayer, ainsi que du milieu exempt de sucre dont j'ai donné la composition plus haut, le montre d'une façon frappante. Au contraire, les liqueurs exemptes de sucre deviennent beaucoup plus gluantes que les milieux sucrés, sans doute parce qu'elles ne dégagent pas d'anhydride carbonique. J'ai pourtant recherché quelle était l'influence du sucre à différentes. doses, sur les transformations qui nous occupent. Je me suis servi d'une gamme de liqueurs renfermant une quantité constante de peptones et des quantités croissantes de sucre candi chimiquement pur.

Les solutions sont devenues d'autant plus vite filantes et d'autant plus troubles que leur teneur en sucre était plus faible. Comme la quantité de peptones contenues dans ces liqueurs n'était que de 1 %, je n'ai constaté sur aucune une formation de matière glaireuse. Pour ce qui regarde le degré de viscosité, il est évident que la teneur en sucre influe fortement sur elle, mais cette viscosité, qu'on devrait plutôt appeler moelleux, n'a rien à voir avec ce gluant malsain, produit par les Bacillus viscosus.

La forte teneur en sucre semble donc être un obstacle à la production du filage et du trouble qui en est une conséquence. Ce fait est en rapport avec ce que l'on constate en pratique. Tous les brasseurs savent que moins leurs bières sont atténuées, plus elles peuvent se conserver.

Influence des proportions de dextrines. On a vu plus haut que la fermentation visqueuse se produisait très bien dans une solution dextrineuse, renfermant un peu de peptones.

J'ai refait des expériences sur des solutions dextrinées renfermant, pour une quantité constante de peptones, des proportions croissantes de dextrines jusqu'à 10 %, les solutions plus riches n'étant pas utilisables à cause de la difficulté avec laquelle elles se clarifient et, par suite, du peu de certitude qu'elles donnent aux résultats. Comme pour le sucre, on ne peut donner de conclusions pour ce qui regarde le degré de viscosité, attendu que celle-ci croît déjà avec la proportion de dextrines; toutefois, ce qu'il y a de certain, c'est que la fermentation visqueuse se déclare aussi d'autant plus rapidement que la proportion de dextrines contenue dans le moit est plus faible. En résumé, on peut, des trois dernières catégories d'expériences, tirer les conclusions suivantes :

Une bière a d'autant plus de tendance à devenir filante et le filage est d'autant plus dangereux que la quantité de substances azotées, surtout peptonisées, qu'elle renferme est plus élevée.

Ces résultats sont conformes, à ce que l'on constate depuis longtemps en pratique.

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Influence de l'acidité. Nous avons vu précédemment que le Bacillus viscosus no 2 ne rend pas filante la saccharose peptonisée acide, alors qu'il ne faut que 1,4 c. c. de potasse caustique pour en neutraliser 10 c. c. (ce qui représente 05,126 d'acide lactique pour 100 c. c. de liqueur). L'acidité du moût, que cette bactérie rendait filant, était seulement représentée par 0,102 d'acide lactique pour 100 c. c. Les expériences que je fis dans la suite me montrèrent que la résistance à l'acidité

du Bacillus viscosus no 2 (et certainement aussi celle du Bacillus viscosus no 1), est d'autant plus forte que la teneur en matières azotées du milieu dans lequel on opère est plus élevée.

En effet, la saccharose peptonisée acide et le moût dont je me servais renfermaient à peu près la même quantité de substances azotées (1 % pour la saccharose, 0,96 % pour le moût), mais la teneur en acide de la saccharose était représentée par 0,126 d'acide lactique et celle du moût par 0,102 seulement. La différence est appréciable car, lorsque j'augmentais la tencur en acide lactique du moût de 0,05 %, le filage ne se produisait plus. De plus, le Bacillus viscosus no 2 rendait parfaitement filantes des saccharoses peptonisées, dont 10 c. c. avaient une acidité correspondant à 1 c. c. de potasse caustique ; mais la teneur en peptones de ces solutions était dix fois plus forte que celle dont je me servais habituellement.

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Donc, de très faibles traces d'acidité constituent un obstacle aux fermentations visqueuses, quand la proportion de substances azotées n'est pas trop élevée.

Il résulte de là que le brasseur pourrait, en augmentant légèrement l'acidité de ses bières et d'autant moins que leur teneur en substances azotées serait plus faible, empêcher très souvent le filage de se produire. En effet, comme on l'a vu plus haut, une augmentation de la teneur en acide lactique de 0,05% seulement a complètement empêché le filage dans un moût renfermant 0,96 % de substances azotées.

Influence de l'alcool. La fermentation visqueuse se déclare encore dans des moûts renfermant jusqu'à 6% d'alcool en volume et avec d'autant plus de rapidité que la teneur est plus faible. Dans la saccharose peptonisée acide, à 1 % de peptones et 1% d'alcool en volume, la fermentation visqueuse ne se déclare pas; mais si l'on neutralise les solutions, le filage ne tarde pas à se produire, d'abord dans les solutions faiblement alcoolisées, puis dans les solutions renfermant jusqu'à 7 % d'alcool en volume. Le filage en présence de l'alcool dépend donc de la quantité d'acide libre dans le milieu de culture, et

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