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Et celles-ci enfin en ont introduit quelques-unes fur la Mufique même, fur fon Origine, fur les Progrès, fur fon Pouvoir, fur fes différentes efpeces.

Ces dernieres Remarques étant les plus générales, commençons par elles.

§. I.

[1.] Quelque opinion que l'on embraffe touchant l'ORIGINE de la MUSIQUE parmi les Hommes, on ne fçauroit nier que cette Origine ne foit très-ancienne. On eft prefque tenté de conjecturer, fur le récit de la Genèfe, qu'Adam même vit naître ce Jubal, qui eft appellé le Pere de ceux qui touchent le Violon & les Orgues, ou tels autres Inftrumens. Encore ne s'enfuit-il pas de-là que cet Homme fi ancien ait été à la lettre le pre-mier Inventeur de la Mufique inftrumentale. La vocale au moins doit être cenfée beaucoup plus ancienne que lui: Et je ne doute pas que tout ce qu'on pour-roit dire là-deffus ne fe trouve dans cer-tains Livres. Je me fouviens même d'en avoir vu un autrefois, imprimé à Halle, fi je ne me trompe, qui avoit pour titre, ou dont une partie étoit intitulée, De Muficâ Ante-Diluviana. Mais ce n'eft pas de quoi il s'agit. Mr. Lockman n'étoit point obligé de s'engager dans ces détails. Peut-être même ne les a-t-il évitez que

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par un effet de fon bon goût, qui aura craint jufqu'à l'apparence de la pédanterie. Et quoique la remarque par laquelle je viens d'indiquer ces détails, foit un peu mieux à fa place dans un Journal Littéraire que dans la Préface d'un Opéra, je la fupprimerois vraifemblablement, fi elle ne me paroiffoit propre à faire naître une refléxion plus importante: c'eft que lorfqu'on veut remonter à l'origine des chofes, & en parler férieusement, la vraye Philofophie & la bonne Critique, indépendamment du Chriftianifme, exigeroient que l'on ne negligeât point, comme on le fait tous les jours, le plus ancien & à tous égards le plus refpectable monument qui nous refte touchant l'Hiftoire des premiers fiécles du monde.

On feroit fort fâché de paffer pour mauvais Critique, pour mauvais Philcfophe, pour mauvais Chrétien: on fera profeffion de croire, non feulement que le Livre de la Genèfe eft un morceau d'Hiftoire fort curieux & affez autentique, mais que c'eft l'Ouvrage de Dieu. même, ou d'un Homme au moins dirigé par l'Esprit de Dieu; & cependant, quel ufage en fera-t-on dans l'occafion? Pour une perfonne qui s'attachera à régler fes idées & fes expreffions fur les éclairciffemens qu'on peut tirer de Moyfe par rapport à l'origine de la Societé, des Loix,

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Loix, de la Religion, de la Parole; il s'en trouvera dix qui fembleront n'avoir confulté que leur imagination, ou leur métaphyfique, ou les fictions, peut-être encore mal entendues, de quelques Auteurs Payens, qu'on pourroit appeller modernes en comparaifon de Moyfe. Cela foit dit en paflant. Je reviens à Mr. Lockman & à la Mufique.

[2] Si fon deffein l'avoit demandé, il n'auroit pas manqué fans doute de nous donner quelque lumiere fur ce que l'Hiftoire nous indique, par exemple, au fujet des PROGRES de ce bel Art parmi les Egyptiens & parmi les Hébreux, dès le tems que ceux-ci fortirent d'Egypte. Leur · Poéfie étoit affez belle dès ce tems-là pour faire juger que leur Mutique ne devoit pas être méprifable. Mais Mr. Lockman ne voulant pas faire une Differtation dans les formes fur les Progrès de la Mufique dans tous les Siécles & chez tous les Peuples, rien n'empêchoit qu'il ne defcendit par le chemin le plus court aux Grecs & aux Romains: noms toûjours agréables, & qui, par une espece de charme prefque magique, font aifément oublier au commun des Lecteurs les autres noms les plus fameux de l'Antiquité. Il y a peu de traits auffi glorieux pour la Mutique dans l'Hiftoire ancienne, que ce qu'elle nous apprend du goût & des talens de David pour cet Art, &

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de l'établissement que fit ce Prince pour entretenir quatre-cens Lévites Muficiens, confacrez aux exercices publics de la Religion. Mais ce triomphe de la Mufique n'eft pas aujourd'hui ce qui flate le plus la multitude de fes Admirateurs; & la gloire de ce triomphe semble s'anéantir, dès qu'on voit la Mufique briller du nouveau luftre qu'elle acquit dans la Grèce, où elle parut effectivement avec un fuccès admirable. ]

,, De tous les Peuples qui la cultive,, rent, dit Mr. Lockman, il n'y en a au,, cun qui l'ait honorée autant que firent ,, les Grecs, ou qui l'ait portée par ce ,, moyen à un auffi haut degré de perfection. Cette fcience étoit parmi eux ,, une partie effentielle de la belle édu

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cation .... On eft fot aujourd'hui dans ,, une compagnie de beau monde, fi l'on ,, ne fait pas jouer à Quadrille: on l'au,, roit été autrefois chez les Grecs, fi l'on ,, n'avoit pas fçû jouer de quelque Inftru,, ment. Vous allez faire une vifite, & ,, l'on vous préfente des cartes. Chez les ,, Grecs on vous eût préfenté une Lyre. Leurs Héros, leurs Philofophes, leurs ,, Législateurs, étoient Muficiens ". Leurs Poètes l'étoient. La Poéfie étoit regardée comme une branche de la Mufique. Elles étoient encouragées également, & même en commun, par des prix de fondation dans les Jeux folemnels. Point de Spec

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Spectacles, point de Nôces, point de Fétes, point de Sacrifices, où la Mufique ne tînt un rang confiderable: & fi vous la prenez dans fon ufage le plus ancien, rien de plus noble. Deitinée principalement au fervice ou à la louange des Dieux, elle étoit grave; fon_caractère étoit une fublime fimplicité. Elle imprimoit un refpect religieux; calmoit le trouble des paffions; adouciffoit les mœurs; animoit aux belles actions; allumoit dans les armées une ardeur martiale. [Et fi dans la fuite elle perdit quelque chofe de l'eftime des gens fages, ce fut en un fens pour s'être trop perfectionnée. Les rafinemens d'expreffion dans le Chant commencerent apparemment le défordre; ou s'il commença par les Inftrumens, il y a lieu de croire que ce fut par la Flute. On pourroit en alléguer des preuves de droit & des preuves de fait. La Lyre fuivit. Les trous de la Flute s'étoient multipliez. ] Les cordes de la Lyre se multiplierent: elle enfanta des Accens nouveaux, des Airs [ plus variez, moins fimples que les anciens, mais auffi] moins majeftueux, plus délicats, mais dont la délicateffe [ portée à l'excès ou mal employée ] fervit à infpirer des fentimens dangereux, à corrompre l'ame, & à exeiter les paffions les plus vicieuses. Ce fut pour avoir ainfi perfectionné la Mufique, que le fameux Timothée fut þanni

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