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,, mystères les jours de fête, autant pour ,, l'inftruction du Peuple, que pour fon ❞ divertiffement...." [Ceci arriva fur la fin du quatorzième fiécle. ] Le quinzième & le fuivant virent naître de toutes parts en Europe des Spectacles qui étoient à-peu-près dans le même goût. Je remarquerai toutefois que l'Angleterre paroît avoir devancé la France même à cet égard, comme l'a fait voir Mr. Riccoboni, p. 154. de fes Refléxions. Finiffons. Mais que ce ne foit pourtant pas fans dire un mot de la Piéce de Mr. Lockman, à l'occafion de laquelle nous avons parlé de tant d'autres chofes.

§. V.

ROSALINDE eft une Piéce d'un feul Acte, & ne contient que cent foixantehuit vers. Ce feroit peut-être trop peu pour un Opéra dans les formes. Mais, outre qu'il s'agit ici d'une Piéce qui n'eft annoncée que fous le nom vague de Poème dramatique en Mufique, celle d'Acis & Galatée, qui porte le nom d'Opéra, & qui eft de trois Actes, n'a pas deux-cens vers; encore font-ils, à tout prendre, plus petits que ceux de Rofalinde. D'ailleurs Mr. Lockman n'a proprement pas écrit pour le Théâtre. Sa Piéce étoit deftinée à la Salle de Hickford. Cette Salle eft publique, à cela près qu'il n'y a que E 3

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les gens d'une certaine façon qui y en trent: Et avec cela elle eft grande, puifque fans galeries, & fans compter l'efpace deftiné aux Muficiens, elle a des places pour quatre-cens. perfonnes. Mais après-tout, ce n'eft point une Salle de Comédie ni d'Opéra. La Piéce de Rofalinde n'y devoit être exécutée qu'à la manière des Oratorios, moins comme une Piéce de Théâtre que comme une Piéce de Concert, Mr. Lockman enfin a fuivi la régle qu'il propofe dans fa Differtation; où il eft d'avis, qu'en général les Drames compofez pour la Mufique, doivent être plutôt courts que longs.

Il n'a pas péché non plus contre la régle qui regarde le choix des fujets. Il veut que le Poète prenne un fujet fertile en chofes propres à être heureufe ment exprimées par l'art du Muficien; & il entend principalement par-là un fujet fertile en fentimens tendres & paffionnez. Point d'Opéra fans amour. Au moins l'Amour & l'Opéra s'accordent-ils fi bien, qu'ils femblent avoir été faits l'un pour l'autre : c'eft l'opinion commune. Et pourquoi Mr. Lockman ne s'y conformeroit-il pas ? On pourroit affez bien, je penfe, appliquer aux Poètes ce qu'on a dit aux Amans:

Ce n'eft pas l'Amour qui vous perd,
C'est la manière de le faire.

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Le grand art, c'eft de traiter l'Amour d'une manière qui n'ait rien de choquant pour les honnêtes gens qui font raifonnables. Il n'eft pas aifé, je l'avoue, de bien fixer les bornes dans lesquelles le Poète doit fe renfermer. Je doute au moins qu'elles foient exactement les mêmes dans tous les Païs. Mr. Lockman fait dire à fa Rofalinde certaines chofes qui ne font, à la vérité, ni groffieres, ni obfcenes, ni libertines; mais telles néanmoins, que la délicateffe des oreilles Françoises les trou veroit peut-être un peu trop libres ou trop naïves dans un ouvrage dramatique: & je ne vois pourtant pas que les oreilles Angloifes en ayent été choquées le moins du monde. Quoi qu'il en foit, fans perdre plus de tems en refléxions, voici le fujet & le plan de la Piéce.

Rofalinde, fille unique de Ferdinand Roi de Castille, eft aimée en fecret de Dona Garcie, Seigneur Caftillan & Officier des Gardes du Roi. Il aime & il eft aimé. Mais la difparité des conditions fembloit avoir condamné les deux Amans à ne jamais voir leurs vœux accomplis. Dom Garcie cependant, en recompenfe de fes grands fervices, ayant été fait Généralisfime des Troupes de fon Maître, a remporté une victoire éclatante & décifive, mais qui coûte la vie au Vainqueur, fi les premières nouvelles qu'on en a reçues font véritables comme le croit

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Rofalinde, à qui il ne refte d'autre confolation que les fonges flateurs qu'elle peut faire dans les momens où fa douleur lui permettra de fommeiller. Elle s'eft retirée dans un petit Bois, où elle vient de trouver un de ces momens heureux fur un lit de fleurs où elle s'eft endormie. Elle fe réveille, fe leve, & pleine encore d'un fonge agréable, elle en parle avec un tranfport qui exprime une joye bientôt fuivie de regrets. C'est par-là que l'action commence: & c'eft le fujet de la première Scene, terminée par cet Air, que chante Rofalinde.

The Maid who waking pin'd
For Love, with ceafele fighs,
In fleep, Redress may find,
For fleep no Blifs denies.
Why, Vifions, do ye gleam
Thus, tranfiently, delight?
Happy, could fuch a Dream
For years fufpend its flight!
C'est-à-dire, au moins à-peu-près:

Une tendre & fidèle Amante
Dont l'Amour a trahi les vœux,
Triomphe dans un fonge heureux
Du fort cruel qui la tourmente.
Hélas! d'une erreur fi charmante
F'éprouvois le puissant secours!
Faut-il, Erreur trop féduifante,
Que vous ne duriez pas toujours?

Dans

Dans la feconde Scene paroît un Page qui eft de la confidence, qui a entendu Rofalinde, & qui tâche de lui perfuader, que le fonge qu'elle vient de faire eft un heureux préfage. Elle n'ofe accepter l'augure: elle fe croit trop infortunée, & déplore en termes naturels & touchans, le fort de celles qui, avec un cœur capable d'aimer, ont le malheur d'être nées filles de Roi. Le Page efpère pour elle; & après l'avoir recommandée à la Déeffe des Bois, il part, impatient d'apprendre des nouvelles qui répondent à fes efpérances. Il y a dans cette Scene un Air, où Rofalinde, occupée de l'image de Dom Garcie, l'apoftrophe en présence du Page en ces mots; My Garcia!

To my Lips thun Nectar sweeter!
Wherefoe'er I turn my Eyes,
Thee I only view, dear Creature,
Every other Object dies, &c,

Comme qui diroit:

Charmant & doux Objet, que mes levres fenfibles

Trouvoient plus doux cent fois que le Nectar des Dieux!

Ton image fans ceffe eft préfente à mes yeux! Et pour tout autre objet mes fens inacceffibles, C'est toi feul que je vois, en tout tems, en tous lieux!

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