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Bibliographie du Rothwelsch ou argot allemand.

Mr. Francisque Michel, professeur de littérature à la Faculté des lettres de Bordeaux et l'un des plus laborieux investigateurs des productions littéraires du moyen âge, vient de publier un ouvrage fort digne de l'attention des érudits, il a pour titre: Etudes de philologie comparée sur l'argot et sur les idiomes analogues parlés en Europe et en Asie. (Paris, Firmin Didot frères, un vol. grand in 8". à 2 colonnes. lv et 516 pages.)

Ce livre, résultat d'un travail immense, contient un dictionnaire complet de l'argot français avec des explications appuyées sur des exemples recueillis avec soigneusement dans une multitude d'auteurs. On trouve à la suite des détails circonstanciés sur l'argot des diverses nations et spécialement sur les ouvrages écrits dans ces dialectes factices. Nous laissons de côté, nous préservant d'y revenir peût-être, ce qui regarde l'Angleterre, l'Espagne et l'Italie, mais les recherches de Mr. Francisque Michel à l'égard de l'Allemagne méritent de nous arrêter. Nous allons en exposer le sommaire.

L'argot le plus ancien qui ait eu cours en Allemagne a fourni la matière d'un article intéressant à Henry Hoffmann, qu'il ne faut pas manquer de consulter sur le Rothwelsch. Lẻ premier ouvrage où il en ait été traité est la Monatschrift von und für Schlesien, 1829. in 8. p. 55-68. (Geschichte und Literatur des Rothwälschen); le second, Die deutsche Philologie im Grundriss, Breslau, 1836. in 8. p. 205. 206. Hoffmann a encore écrit sur le même sujet dans le Weimarisches Jahrbuch für deutsche Sprache, Litteratur und Kunst, Hannover, 1854, vol. I. p. 328. ss.

L'article Rotwalsch du Conversations - Lexicon, publié à Leipzig, chez Brockhaus, n'est pas non plus à dédaigner. Il se trouve dans le tome VIII de la sixième edition, p. 415–417.

Le plus ancien vocabulaire rothwelsch qui soit parvenu à ma connaissance parait avoir été publié à Strasbourg dans la première partie du seizième siècle, je le trouve indiqué dans un catalogue imprimé à Paris en 1837 sous ce titre: Grammaire d'argot et art de mendier (en allemand) Strasbourg, vers 1520.4o.

Je suis possesseur d'une plaquette qui semble être de la même époque. Elle est intitulée: Die Rothwelsch grammatic vnnd burlen der Wanderschafft, Dadurch den Weisshulmen genopt, die Hantzin besefelt, vnnd die horcken vermonet. Damit mann Stetinger vnnd Spelting vberkompt, im Schrefenbofs Joham zu Schöcheren und mit Riblingen zurürn hab. Sans lieu ni date, in 4". 14 feuillets non chiffrés, avec figure en bois sur le titre, reproduite à la onzième page.

Ce livre est devisé en trois parties. La première contient un vocabulaire rothwelsch allemand qui occupe un peu

plus de quatre pages; dans la deuxième se trouve once énumération des divers ordres ou genres de vagabonds, classés en vingt-huit chapitres, cette classification est suivie de quelques renseignements sur les habitudes de ces individus. Dans la troisième partie l'auteur consacre un paragraphe à chacune des classes indiquées dans la seconde.

En 1528. on réimprima un petit livre intitulé Von den falschen Bettlern und ihrer Büberey, mit einer Vorrede Martini Lutheri. Und hinten an ein Rothwelsch Vocabularius, daraus man die Wörter so in diesem Buchlein gebraucht, verstehen kann. Wittemberg. 4".

On en fit encore une edition en 1529, en un volume petit en 4o. de 12 feuillets, indiqué dans le Bibliograph. Lexicon d'Ebert, no. 8765 a, et dans l'edition de Gengenbach, par Gödeke, p. 517.

La préface de Luther a été réimprimée dans l'édition de ses Euvres donnée à lena en 1556, IVe partie, p. 422, et dans le tome IX, folio 540 verso de celle de Wittemberg, 1558 in folio. Le livre entier, avec préface et vocabulaire, a reparu, 1o a Leipzig en 1580, à la suite de trois Sermons de N. Selneccer, 2o, en 1585, sons ce titre: Die rothwelsche grammatic, Frankfurt am Meyn, M.D.LXXXIII 4o. Le livre se compose de 42 pages, plus 2 feuillets de titre et de préliminaire, et un feuillet à la fin portant le nom de l'imprimeur Wendel Humm, et une gravure sur bois. Il est divisé en trois parties. Dans la première est un vocabulaire rothwelsch que Gessner a inséré dans son Mithridates (folio 81 verso, 85 recto) d'où Moscherosch, cité par Grellmann, l'a extrait.

Ce livre fut réimprimé en 1601, in 8". à peu près sous le même titre, en quatre feuilles, en 1616 et en 1755, in 8".

Augmenté sous celui d'Expertus in traphis. Von den falschen Bettlern und ihrer Büberey, etc. il reparut en 1668, en 160 pages in 12. Cette édition est divisée en trois parties; la première comprend les vingt-huit chapitres, la seconde quelques particularités remarquables sur les mendiants; la troisième un vocabulaire. Dans la partie historique sont racontées toutes sortes d'histoires de mauvais mendiants.

4o.

Il existe une édition plus ancienne de ce livre en vers allemands; elle porte ce titre: Liber vagatorum. Das drit Deil ditz Büchlins ist der Vocabularius in Rotwelsch. sans lieu ni date. Ce petit livre a pour auteur Gengenbach, et il est extrêmement rare; il a été réimprimé dans une édition moderne (Pamphilus Gengenbach, herausgegeben von Karl Gödeke, Hannover, Rümpler, 1856. in 8". p. 343-366.)

Sebastian Brant, dans son Narrenschiff, parle du rothwelsch et en emploie quelques mots; plusieurs d'entre eux ne se trouvent plus dans le dictionnaire ci-dessus. Voyez l'édition de F. Zarncke, Leipzig, 1854. 4o. p. 61, 400 et suiv.

Deux ouvrages sont utiles à consulter pour l'argot des étudiants allemands. Le premier est intitulé: Burschenfahrten. Beitrag zur Geschichte des deutschen Studentenwesens. Jena, F. Luden, 1845, in 12. On y trouve nombre de mots de cé jargon dans le chapitre Ier qui est intitulé: De Quomodone s. von dem Burschen-Comment. Ab Renomista rerum bursicosarum experientissimo eodemque intrepido horribili, Martiali Schluck, Raufenfelsensi. (pag. 1-28). Le second ouvrage a pour titre Burschikoses Wörterbuch, oder Erklärung aller im Studenten-Leben vorkommenden Sitten, Ausdrücke, Wörter, Redensarten, u. s. w. Ragaz, 1846.

Mr. Francisque Michel énumére ensuite quinze ouvrages divers qui sont utiles pour la connaissance du Rothwelsch et que nous signalerons volontiers.

1. W. H. B. J. Beytrag zur Rothwelschen Grammatik, Francfurt am Mein, 1704 et 1755. 8o.

2. Verzeichniss vorgekommener Wörter der Spitzbubensprache dans l'Actenmässigen Nachricht von einer zahlreichen Diebs-Bande zu Hildburghausen. (Hildb. 1753. 4. pag. 73. 83.)

3. Praktisch-juristisches Wörterbuch, von A. L. Schott. 4. Auflage, ganz umgearbeitet und vermehrt, nebst angehängtem Wörterbuche über die rothwelsche sogenannte Gauneroder Zigeuner- und Spitzbuben-Sprache, von J. C. F. K. Sommer. Erlangen, 1784. 8".

4. Wahrhafte Entdeckung der Jauner- oder Jenischen Sprache von dem ehemals berüchtigten Jauner Konstanzer Hans. Sulz am Neckar, 1791. 8".

5. Beiträge zur Kenntniss des Rothwelschen dans le Reichsanzeiger, an. 1804. col. 3477-3482; an. 1807 col. 1169. 1178, 1209-1218; an. 1812, col. 1785-1795; 18011804; an. 1815, col. 3169-3175, 3433-3437, 35933596.

6. Actenmässige Geschichte der Räuberbanden an den beiden Ufern des Mains, par L. Pfister. Heidelberg, 1811. 7. Vocabulaire (français, italien, hollandais, allemand) pour apprendre l'argot (allemand) par Schulz, commissaire général de police, Magdeburg, 1813, petit 8". oblong. 8. Beyträge zum Diebs-Idiotikon, par K. D. Christensen, dans l'ouvrage du même auteur intitulé: Alphabetisches Verzeichniss einer Anzahl von Räubern. Hamburg, 1814. 8". pag. 34-54.

9. Wörterbuch der Diebssprache par K. Falkenberg, dans le second volume de son Versuch einer Darstellung der verschiedenen Classen von Dieben. Berlin, 1818. 8". 10. Wörterbuch der in Deutschland üblichen Spitzbubensprache par J. L. A. von Grolmann, vol. I. Giessen, 1822. 8°. 11. Die Kocheme Walddieberei, dans le Martine, oder die Gau

ner und Gaunerarten im Reussischen Voigtlande und der Umgegend, ihre Taktik, ihre Aufenthaltsorte und ihre Sprache. Neustadt an der Orla, 1822. 8o.

12. Chochemer Löschen-Wörterbuch der Gauner- und Diebsvulgo Ienischen Sprache. Meissen, 1833, 8".

13. Handbuch der Gendarmerie und des niedern Polizeidienstes, von Heckel. Weimar, 1841. 8".

14. Wörterbuch der Diebs-Sprache, à la suite de Das Wesen und Treiben der Gauner, Diebe und Betrüger Deutschlands, von Chr. Rochliss, Leipzig, 1846. 8o. p. 141-174. A la suite des details bibliographiques dans les quels il est entré, Mr. Francisque Michel a placé un petit vocabulaire de deux cents mots environ appartenant au Rothwelsch. On y remarque bon nombre d'expressions qui appartiennent au langage des juifs et qui sont de l'hébreu corrompu.

Nous pensons que cette analyse, nécessairement incomplète, du savant travail que nous indiquons, suffira toutefois pour faire connaître tout l'intêret qu'il offre aux bibliographes et aux philologues. Nous ne doutons pas que le suffrage des personnes en état d'apprecier ce qu' exige de temps et d'efforts la redaction d'un pareil livre, ne dédommage Mr. Francisque Michel de toutes les peines qu'il s'est données. Son volume est d'ailleurs le développement d'un mémoire auquel l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres à Paris avait accordé un prix.

Bordeaux.

G. Brunet.

La Zafetta, poème italien fort peu connu.

Nous avons sous les yeux une dissertation intéressante d'un bibliographe instruit et zélé relative à un petit poème italien très peu connu et à l'égard duquel plus d'une erreur a été commise. La notice de Mr. Hubeaud, imprimée à Marseille en 1854, n'a passé sous les yeux que de fort peu de bibliophiles; nous croyons donc que les détails qu'elle renferme seront chose nouvelle pour les lecteurs du Serapeum.

Cet opuscule de 114 stances de huit vers chaque attribué à l'Arétin et fort digne d'être sorti de sa plume contient le recit d'une vengeance perfide et brutale qu'un gentilhomme venetien prit d'une courtisanne nommée Zafetta laquelle, après lui avoir promis de le recevoir, lui manqua de parole en faveur d'un autre amant. Il ne se donne pas pour l'amant dedaigné, puisque Angela Zafetta se lamentant de l'injure soufferte par elle, s'écrie qu'aussitôt que le Venier le saura, il ne manquera pas d'en faire le conte.

Come il Venier lo sà fara novella

Perche aprir non li volsi un di le porte (Stanza 67).

Par là il a voulu se ménager la faculté de tracer de lui un portrait avantageux.

Hauea un amante, ch'è si gentil cosa

Pieno di gentilezza, e cortesia,

E se non fusse il ver, non lo diria [St. 12).

La vengeance qu'il tire de la Zaffeta est vile à tous égards et temoigne d'une lâcheté honteuse. Il dissimule son ressentiment contre celle qu'il veut punir, il redouble de soins et d'empressement pour la mieux tromper, il l'invite quelque temps après à une partie de divertissement, et la tenant en son pouvoir, sans être touché de ses supplications et de ses larmes, il la livre à la brutalité de la canaille. C'est là ce qu'on entend par dare il Trent' uno 1). Au reste, il est vraisemblable que cette aventure est sans réalité et supposée, mais, soit le guet-apens, s'il a été éxécuté, soit le poème lui-même fait la honte de l'auteur.

Cette production n'est point datée, mais elle ne put voir le jour avant 1541, car la 5e Stance fait mention de l'Orlando inamorato de Bojardo refait par Francesco Berni 2) qui ne vit le-jour, pour la première fois qu'au mois d'octobre 1541.

La Zaffetta est mentionnée plusieurs fois dans la correspondance de l'Arétin; le célèbre satirique lui adresse des lettres dans lesquelles il la traite honorablement et la comble de louanges 3). Au mois de juin 1548 il la cite pour sa beauté qu'elle avait dans ses six lustres (la natura stampa la bellezza ne i sei lustri d'Angela Zaffetta; Lettere, Parigi, 1609, t. IV, p. 204). Dans une autre lettre du mois de mars 1552, il l'appelle la divina giovane (t. VI, fol. 71). Il est donc à croire qu'elle naquit vers l'an 1518, il parait qu'elle était fille naturelle du procureur ou chargé des affaires de la famille Grimani; sa mère eut ensuite pour mari ou pour amant un certain Borrino, sbirre (Zaffo) de profession, qui devint le père adoptif d'Angela d'où celle-ci reçut le surnom ou sobriquet de Zaffetta. Elle tint le haut bout parmi les cour

1) Au dix-septième siècle on se servait en France d'une expression correspondante que Tallemont des Reaux a conservée: faire passer par les piques.

2)

Com' e il ladron prosontuoso Berna

Che per hauer l'Orlando scancacato.....

3) Dans une lettre datée de 1552, il la nomme comme convive d'un diner où assistaient l'ambassadeur de Mantoue, monseigneur Torquato Bembo, le Sansovino et le Titien. I la représente comme la piu bella, la piu dolce e la piu costumata madonna che habbia Cupido in sua corte. Dans son Ragionamento nel quale si parla del gioco, 1559, p. 147, il exalte sa loyauté au jeu contre l'usage des courtisanes. Le 15. decembre 1537, il lui écrivait pratiche honoreuoli godono de la gentil bellezza che vi fa splender rarissimamente. Il lui addressait des vers dans les quels il allait jusqu'à dire que la voir serait pour les réprouvés un nuovo paradiso (Ragionamenti, seconde partie, 3 journée, Cosmopoli, 1660, p. 400.)

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