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fon cœur eft le champ de bataille où elles fe actuellen combattent les unes les autres; il les fatisfaitment avec peine; & s'il y réüffit, ce fuccès ne vaut malheu pas les travaux qu'il a coûté; ceux qui ont été reux. leurs propres bourreaux, ou qui ont péri par les mains de la Juftice, ne fe font d'ordinaire précipitez dans un malheur fi infame, que par quelque Paffion.

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Rien n'eft donc plus raisonnable & plus utile que de s'affranchir d'un joug fi rude. Mais dit-on, la chofe eft impraticable. Il ne dépend pas de nous qu'un objet ne fasse impreffion fur l'organe des Sens, que cette impreffron ne fe communiqué au Cerveau, & que le Cerveau émû n'ébranle l'Ame.

Parmi d'autres réponses de l'Auteur, celle qui tend le plus directement à réfoudre la difficulté eft celle-ci: ni l'impreffion des objets fur les Sens communiquée au Cerveau, ni l'agitation qu'en reçoit l'Ame ne font point ce qu'il y a de criminel dans les Paffions; au contraire, c'eft ce que les Paffions mauvaises & innocentes ont de commun.

Le mal confifte en trois chofes; 1. dans le Ce qu'il y faux jugement que l'on fait de l'objet qui nous a de criémeut; 2. dans le mouvement d'amour ou de minel haine, de defir ou de fuite &c. qu'excite ce dans les faux jugemeut dans l'efprit; 3. dans l'action passions. externe où ce mouvement nous porte: trois chofes qu'ou peut éviter en prenant des précautions néceffaires.

Ces précautions font celles-ci: il faut ta- Précaucher de maitrifer toutes fes Paffions fans ex- tions. ception ni choix; puis qu'il n'y en a point qui ne puiffe former en nous une, ou plufieurs ha

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bitudes

bitudes vicieufes, & incompatibles avec l'état de Grace; il faut pourtant attaquer fur tout fa Paffion dominante, dont il eft utile de rechercher la fource pour en venir à bout avec plus de facilité. 11 eft utile encore d'éviter les Occafions, & de ne fe pas affez confier dans la force de fa vertu pour affronter le peril de propos déliberé. Pour cet effet, c'eft agir prudemment d'éviter le grand Monde l'Ecole, & l'Empire des grandes Paffions, à moins qu'un zélevéritable pour la gloire de Dieu, & l'efpérance de faire du bien à nos Freres ne nous tirât de la retraite. Enfin il ne faut pas fe rebuter du peu de fuccès qu'on a d'abord dans un deffein fi important, il faut faire effort fur effort, & fe perfuader qu'on peut furmonter peu à peu les obftacles qui paroiffent les plus infurmontables.

'Moyens Les moyens qui peuvent nous faire triomde triom-pher des Paffions font de trois fortes; les uns pher des regardent toutes les Paffions en général, les passions. autres les Paffions d'un certain ordre; & les troifiémes chaque Paffion en particulier : comme l'Auteur ne traite ici des Paffions que d'une maniére générale, il ne s'arrête qu'aux moyens des deux premiéres Claffes.

I. Moyen

Le premier & le principal moyen genéral général de vaincre fes Paffions, c'eft de le vouloir férieulement & fortement: fi une telle volonté n'étoit pas efficace, le mauvais fuccès n'en feroit pas criminel.

2. Moyen.

2. Il faut de bonne heure fe former une idée de ce que les Paffions ont de criminel & de ridicule, & entretenir cette idée pas des réflexions continuelles. C'est ainsi qu'un hom

me

me d'honneur, quoique timide naturellement, Le fait fouvent un courage de réflexion, en confidérant la honte qui eft attachée à la poltronnerie.

3. Il faut opofer à des mouvemens vicieux 3. Moyen. des mouvemeus contraires & innocens, & fur monter le mal par le bien. S'exciter à aimer & à craindre Dieu, c'eft un moyen très-propre à étouffer des Paffions criminelles.

4. On doit s'accoûtumer à fe paffer des cho- 4. Moyen. fes qu'on aime le plus tendrement, & à fouffrir ce qui nous repugne le plus; ce moyen demande des éclairciffemens, & l'Auteur en parlera ailleurs plus au long.

Le dernier moyen enfin, c'eft la prière; fi 5. Moyen. elle eft ardente, humble, perfévérante, elle nous attire la Grace de Dieu, qui feule eft capable de rendre tous nos autres efforts effi

caces.

moyens

A l'égard des Paffions d'un certain ordre, Deux la nature même des Paffions nous en indique deux. 11 y en a qui tendent vers un objet il-particu légitime, & d'autres qui font criminelles par liers. leur violence exceffive; de quelque nature qu'elles foient, il faut empêcher qu'elles ne nous menent à quelque acte criminel; il faut moderer celles qui ont trop de violence, étouffer les injuftes, ou plûtôt les empêcher de naître, fi l'on peut.

C'est déja un malheur affez grand d'avoir donné entrée en notre Ame aux Paflions; il faut fe garder avec foin que le mal ne parvienne à fon comble, & que des actes crimi nels ne fortent de cette fource impure.

La chofe eft en notre pouvoir: on voit que

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des

left en des brutaux retiennent leur colére par des notre pou- motifs purement humains, & que la préfenwvoir de ce des hommes les plus luxurieux empêche d'accomplir leurs defirs. Pourquoi des motifs infiniment plus forts; la crainte d'un Dieu vangeur, & la préfence de cet Etre, ne fauroient-ils pas produire un effet semblable?

refifter aux paj fons.

Sources

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Les Paffions criminelles, ou par leur véhémence exceffive, ou par leur injuftice natudes paf- relle, viennent d'ordinaire de trois fources; fions cri- d'une erreur de fait, d'une erreur de droit, minelles. & d'un excès d'attache ou d'averfion que l'on fe fent pour certains objets.

Pour prévenir, ou pour moderer, les Paf Source. fions qui viennent d'une erreur de fait, il est néceffaire de füfpendre fon jugement, & de ne jamais croire à la légere, & fans un éxamen ferieux, ce qui peut exciter en nous quelque Paffion. Elle ne fera pas feulement injufte fi le fait eft faux; mais encore fi l'on n'eft pas folidement convaincu qu'il eft vrai. David & d'autres hommes vertueux & éclairez, qui ont été les dupes des faux raports, doivent contribuer à nous rendre prudens & circonfpects.

Source.

Un plus grand nombre de Paffions vient encore d'une erreur de droit; les fauffes idées qu'on fe fait des honneurs, du mépris, & généralement des biens du Monde, nous traînent de defirs en defirs. Pour s'en affranchir, on n'a qu'à diffiper fes préjugez en s'éclairant l'efprit, & en apellant les véritez révélées au fecours de notre raison: fi vous perfiftez en ma parole, dit Jefus Chrift, vous ferez vraiment

mes

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SEPTEMB. & OCTOBRE 1714. mes Difciples, vous connoitrez la vérité, & la vérité vous affranchira.

L'attache ou l'averfion qu'on a pour certains objets eft encore une fource de paffions qu'il faut s'efforcer de tarir. L'Auteur ne

met pas aparemment cette efpéce d'amour ou de haine au nombre des Paffions; parce que confiderée en elle-même comme naturelle ou formée par l'habitude, elle n'a pas cette agitation violente qui fait l'effence de la Paffion; elle ne nous agite fortement, que quand on nous prive de l'objet de notre attache, ou qu'on nous fait fouffrir celui de notre averfion. Comme Dieu demande tout le cœur des hommes, nous fommes dans une obligation indifpenfable de nous défaire de ces attaches déraisonnables: pour y réüffir il faut s'imprimer fortement dans l'efprit la fragilité des biens qui en font les objets, & la légéreté des maux qui y font oppofez; & oppofer l'éternité pour laquelle ces objets font inutiles, au petit efpace de tems dans lequel nous en pouvons tirer quelque plaifir.

On voit facilement par là, comment il faut en agir à l'égard de l'averfion que nous avons pour les maux oppofez aux biens que nous cheriffons: en fe défaifant de l'attache qu'on a pour les uns, on furmontera bientôt l'averfion pour les autres.

3. Source.

Après nous avoir préfcrit ce qu'il faut pour nous mettre dans ce calme heureux que la Vertu feule peut faire naître, l'Auteur finit cet Effai en débrouillant un Probléme problémą fort épineux Jusqu'à quel point faut-il qu'on soit maitre de fes Paffions, pour avoir As

lieu

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