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rent bien-tôt comme le démon de S. Cr la bravoure , parce qu'il ne fe paf-RANO. foit prefque point de jour, qu'il ne fe battît en duel : ce qui étoit dans ce temps le plus prompt & prefque l'unique moyen de faire connoître fon courage.

,

Ce qu'il y a de louable dans Cyrano c'eft qu'il n'avoit point de querelle de fon chef, & qu'il ne fit tant de combats qu'en qualité de fecond étant naturellement très-brave, & ardent à fervir fes amis. C'est du moins ce qu'en dit M. le Bret dans fon éloge; mais cela eft contredit par ces paroles du Menagiana. Tom. 3. p. 240. » Bergerac étoit un grand ferrailleur. » Son nez, qu'il avoit tour defigu» ré, lui a fait tuer plus de dix perfonnes. Il ne pouvoit fouffrir qu'on le regardât, & il faifoit » mettre auffi-tôt l'epée à la main. Quoiqu'il en foit, il donna une marque éclatante de fon courage un jour que cent hommes s'étant attroupés fur le foffé de la porte de Nefle, pour infulter un de fes amis, il les difperfa lui feul, en

رو

دو

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RANO.

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,

S. Cr- ayant tué deux fur la place, & bleffé fept dangereufement. M. le Bret, qui rapporte ce combat, qui paroît incroyable & dont les circonftances font vraisemblablement un peu trop chargées, dit que plufieurs perfonnes de diftinction en furent témoins entr'autres M. de Bourgogne, Mestre de Camp du Régiment d'Infanterie de Conty, qui donna à Cyrano le nom d'Intrepide. Cyrano fe trouva au fiége de Mouzon, où il reçut un coup de moufquet au travers du corps ; & enfuite étant au fiége d'Arras en 1640. il y reçut un coup d'epée dans la gorge.

Les incommodités que lui laifferent ces deux bleffures, le peu d'efperance qu'il avoit d'être avancé ; faute d'un patron, auprès duquel fon génie libre le rendoit incapable de s'affujettir, & l'amour qu'il avoit pour les Lettres, le firent entierement renoncer au métier de la Guerre.

Il compofa depuis plufieurs Ouvrages, où l'on découvre beaucoup de feu & d'imagination. Le Maré

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gens

S. Cra

chal de Gaffion, qui aimoit les
d'efprit & de cœur fouhaita l'a. RANO.
voir auprès de lui; mais fon hu-
meur libre & independante l'em-
pêcha d'accepter ce parti. Cepen-
dant à la fin, pour plaire à fes
amis, qui le preffoient de fe faire
un patron à la Cour, il fe mit au-
près de M. le Duc d'Arpajon en
1653.

Se retirant un foir, il reçut par mégarde à la tête un coup d'une piéce de bois; & ce coup lui caufa une maladie qui dura quinze ou feize mois, & le conduifit à la fin au tombeau.

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Abandonné dans cet état par le Duc d'Arpajon, il fut fecouru par le Grand Prevôt de Breffe nommé Regnault des Bois Clairs, qui le garda quatorze mois dans fa maifon, d'où s'étant fait transporter à la Campagne dans celle de fon coufin de Cyrano, il y mourut cinq jours après, l'an 1655. à l'âge de

35 ans.

Il s'étoit defabufé, quelque temps avant fa mort, de plufieurs maximes dangereufes fur la Religion;

RANO.

S. Cr- & il avoit renoncé au libertinage dont il avoit été foupçonné, pour mener une vie plus Chrétienne. Comme une de fes parentes, Religieufe aux filles de la Croix dans le Fauxbourg Saint Antoine, avoit beaucoup contribué à sa conversion, il voulut être enterré dans leur Eglife, & fon corps y fut tranfporté.

Il étoit fort fobre en fon manger, & ne buvoit que rarement du vin. Il avoit un extrême refpect pour le beau fexe, & fon bien n'étoit pas moins à fes amis qu'à lui; c'est la louange que M. le. Bret & Richelet lui donnent.

Il n'eft rien de plus faux que ce qu'on lit dans le Menagiana,tom. 2. p. 22. en ces termes. » Il eft mort fou. La premiere marque qu'il » donna au public de fa folie, fut d'aller à la Meffe à la Mercy à midy en haut de chauffes & bon» net de nuit, fans pourpoint. Il » n'avoit pas le fou, quand il tomba dans une grande maladie, & fans M. de Sainte-Marthe, qui eut la charité de lui faire fournir toutes ses neceffités, il auroit été

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obligé d'aller à l'Hôtel-Dieu. Il S. CY» eft mort à l'Hôtel d'Arpajon, où RANO. > le Duc de ce nom lui avoit don» né retraite. On a vû, par ce que j'ai dit ci-dessus, que Menage étoit fort mal inftruit fur tous ces faits. Ce qu'il dit ailleurs, tom. 3. p. 240. du même livre, mérite d'être rapporté, & fait bien connoître le caractere de Cyrano. » Il avoit cu » du bruit avec Montfleury le Comédien, & lui avoit défendu de fa pleine autorité de monter fur le Théatre. Je t'interdis, lui dit"il, pour un mois. A deux jours "de-là Bergerac fe trouvant à la » Comédie, Montfleury parut, & vint faire fon rolle à fon ordinaire. Bergerac du milieu du Parterre lui cria de fe retirer en le » menaçant, & il fallut que Montfleury, crainte de pis, fe retirât. Bergerac difoit, (Lettre ro.) en "parlant de Monfleury: A caufe que »ce Coquin eft fi gros, qu'on ne peut le bâtonner tout entier en » un jour, il fait le fier.

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Il ne faut chercher ni de la jufteffe, ni du jugement dans les ou

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