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novembre 1650, Heinsius écrit à Gronovius: Id moneo, Ludovici Elsevirii opera ut hic parce utaris : nihil enim isto homine negligentius, quod magno meo malo non semel sum expertus. En août 1651, il lui écrit de nouveau: Puto hanc Ludovici Elsevirii negligentiam quam et alias sæpe expertus sum etc. Enfin en 1652 je trouve encore: Gellium tuum negat se accepisse Vossius: hæc Ludovici Elsevirii culpa est, etc. ; mais ces plaintes, où les exigences d'Heinsius surpassaient peut-être les torts de Louis III, cessèrent bientôt, et, je le repète, sous ce rapport-là comme sous celui de l'accroissement de ses relations commerciales, son association avec Daniel était aussi avantageuse à l'un que sous d'autres rapports elle pouvait l'ètre à l'autre. Je puis m'être trompé en disant que Louis était resté célibataire, parce qu'on peut conclure d'un passage du testament de sa mère qu'il aurait été marié : cependant j'en doute; nulle part il n'est fait mention ni de la date de ce mariage, ni du nom de sa femme, et comme en tout cas il est bien prouvé qu'il n'a pas eu d'enfants, je n'ai rien à changer aux avantages que j'ai présumé que cette association pouvait éventuellement avoir fait entrevoir à Daniel.

Elle fut convenue en 1634 : avec la fin de cette année la signature de Louis III cesse de figurer seule au bas des éditions Elseviriennes d'Amsterdam, et à dater de 1655 ces éditions portent ordinairement celle de Ap. Ludov. et Dan. Elsev. ou Amst., ex offic. Elsev. Je dirai dans la notice qui suit quelle fut leur importance jusqu'en 1664: nous voyons que dès lors Louis III avait pris la résolution de se retirer des affaires; des 25 éditions que je cite avec cette date, 9 seulement portent la signature sociale et les 16 autres déjà celle de Daniel seul. En 1665 j'en trouve encore 4 qui appartiennent à l'association et 8 à Daniel depuis je n'en rencontre plus qu'une seule, datée de 1669; mais c'est le labeur le plus important que les Elsevier aient entrepris. La Sainte Bible en français des Des Marest, en 2 vol. in-fol., imprimée sur quatre

différents papiers, peut avoir été commencée dès 1665; nous trouvons qu'elle donna lieu, probablement avec la Bible flamande de Leyde, dans laquelle j'ai dit que les Elsevier d'Amsterdam étaient intéressés, à un décompte particulier pour les Bibles, lors de la liquidation qui eut lieu entre Louis et Daniel, et cette liquidation se trouve mentionnée dans l'acte de partage de sa succession, passé le 1er juin 1671. Ainsi nous pouvons dire que Louis III termina sa carrière par un chef-d'œuvre, et l'amour propre qu'il a mis à y attacher encore son nom est complètement justifié par la magnifique exécution de cette bible.

D'autres actes et la correspondance de Grævius nous apprennent qu'indépendamment de son habitation à Amsterdam, Louis III avait une campagne et des terres à 's Graveland; c'est là qu'il se retira, qu'il passa les dernières années de sa vie et nous savons aujourd'hui d'une manière certaine qu'il y est mort dans le courant de mai 1670. Cette campagne, que Grævius désigne sous le nom de Prætorium Elsevirianum agri Comitatensis; in quod condendum et instruendum, ajoute-t-il, Ludovicus impendit plus vicies quinquies mille florenos, doit être la même que le professeur Wolzogen acheta pour 7,000 florins en 1681; mais elle ne provenait pas de la succession de Daniel, comme la lettre de Grævius pourrait le faire croire; elle était échue lors du partage de la succession de Louis III, en 1671, à sa sœur Marie, cette même Marie dont il a été question dans la notice de Joost Elsevier, qui, veuve et sans enfants, était morte en octobre 1680, quelques jours après Daniel, et dont la succession, entravée peutètre par les prétentions de Pierre Elsevier d'Utrecht, se liquida presque en même temps que la sienne.

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S. 2. SUPPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE A LA NOTICE DE DANIEL ELSEVIER, DEPUIS SON ASSOCIATION AVEC LOUIS III, JUSQU'EN 1681.

Nous pouvons présumer que lorsqu'en 1664-65, Louis III, après plus de 25 ans d'exercice et ayant atteint l'âge de 60 ans, se retira des affaires, l'imprimerie Elsevirienne d'Amsterdam était parvenue au plus haut point de sa splendeur. Daniel, depuis dix ans qu'il était venu s'associer à son parent, y avait amplement contribué, non-seulement par le contingent de matériel qu'il avait apporté de l'imprimerie de Leyde, mais aussi par son expérience et ses relations j'ajouterai même, quant à ces dernières, qu'en examinant avec attention les lettres du Sylloges de Burmann, il me semble que le caractère et l'aménité chez Daniel devaient se prêter davantage que chez les autres Elsevier à lui concilier la faveur et la considération des hommes de lettres, aussi voyons-nous promptement ceux-ci recourir de préférence à leurs presses d'Amsterdam. Nic. Heinsius qui naguère se plaignait avec tant d'amertume de la négligence de Louis III, n'attend même pas sa retraite pour témoigner qu'il est plus satisfait de ceux-ci qu'il ne l'a été de ceux de Leyde; et en 1662, il écrit à un jésuite d'Anvers qu'il a plusieurs preuves de leur bonne foi et de leur exactitude; Multis argumentis, dit-il, Elseviriorum fides et sedulitas mihi perspecta est.

L'importance de leurs éditions devient aussi beaucoup plus grande pendant ces dix années d'association, nous voyons successivement paraître, in-8°, une série de classiques latins, сит notis variorum, à savoir : Lucain, Justin, Quinte-Curce, Florus, Sulpice-Sévère, César, Claudien et Tite-Live; le Cicéron in-4o, l'Etymologicon linguæ latinæ, le magnifique Corpus Juris, in-folio, et l'on peut également compter dans cette période, la Sainte Bible

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des Des Marest, qui fut commencée bien antérieurement à sa date mais bientot après que Daniel se vit chargé seul de tout le travail de son important établissement, les temps ne furent plus aussi favorables, et « si dans les commencements, » dit Adry, « il << avait eu lieu de se promettre les plus heureux succès, dans la « suite les guerres qui ravagèrent la Hollande, les malheurs de toute espèce et les fleaux de tout genre qui vinrent accabler sa malheureuse patrie, lui firent bientot perdre courage. En 1678, il se plaignait de ce que la misère du temps et la rareté du papier ne lui permettaient pas de se charger de quelques ouvrages très importants, ni d'achever l'oeuvre d'Holstenius sur Etienne de Byzance, ni le Tite Live de Gronovius, ni le Cice«ron de Grævius. Cependant tout le monde s'adressait à lui « comme à un imprimeur majorem gentium, pour me servir de T'expression de Munckerus, et il était vraiment affligé de ne pouvoir répondre à la confiance des savants et à l'attente du public. Il aurait bien voulu surtout compléter le Cicéron variorum dont il avait donné les épitres familières dès 1677. Les «facheuses circonstances où l'on se trouvait, l'empêchèrent de ⚫ mettre la dernière main à cette grande entreprise. Il ne négligeait cependant rien pour se procurer des pays étrangers ce qu'il ne pouvait trouver alors dans son propre pays. Il alla en Angleterre en 1674, 1678 et 1679; en France en 1662, 1669, 1679 et sans doute à d'autres époques. Il fit plusieurs voyages en Danemark et vers la fin de 1659, étant encore l'associé de Louis, il s'adressa à Heinsius pour avoir des infor⚫mations sur Curion, qui se proposait pour être le correspondant des Elsevier dans ce royaume. Heinsius en écrivit au « célèbre antiquaire Scheffer, qui demeurait à Upsal ainsi que Curion. Scheffer fit réponse qu'il connaissait Curion depuis 15 ans, que c'était un homme intelligent qui avait beaucoup

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de conduite, diligens in rebus, et qui maximè sobrius, nec

additus aleæ nec veneri deditus, que l'université d'Upsal lui avait confié ses presses et ses livres; et en conséquence de a ces renseignements, les Elsevier lui accordèrent toute leur « confiance. »

C'est avec le mème Scheffer que Daniel eut en 1671 un procès dont Adry rend également compte. Comme avec Fabricius, il s'agissait encore une fois d'une seconde édition (du livre de Militia veterum navali) que Daniel avait promise, peut-être un peu légèrement, avant de savoir qu'il restait encore beaucoup d'exemplaires de la première que les Jansson avaient tirée à 1500. Entre-temps Daniel avait gardé le manuscrit de Scheffer, et comme dans cet intervalle N. Wetsenius publia un ouvrage de Architectura navali novantiqua, Scheffer accusa l'auteur de plagiat et Daniel d'infidélité: mais il fut prouvé qu'ayant puisé dans les mêmes sources, il n'était pas surprenant que les deux auteurs se fussent souvent rencontrés et on finit par rendre à Wetsenius et à Daniel la justice qui leur était due.

Mr Rammelman s'est donné la peine d'examiner la correspondance de Daniel avec N. Heinsius, dont j'ai parlé en 1845 sur la recommandation de Mr Jacob; mais ces lettres, parait-il, n'ajoutent rien à ce que nous savons, et le seul passage qu'en cite Mr Rammelman est relatif à la grande répugnance que Daniel manifeste pour les éditions en langue flamande, qui n'offrent, écrit-il, qu'un débit très lent et beaucoup trop restreint.

Daniel eut plusieurs autres correspondances; mais il n'en reste plus que par-ci par-là quelques fragments épars dans les cabinets d'un petit nombre de curieux : l'Isographie des hommes célèbres nous fait connaître une de ses lettres au père Poisson, qui lui avait demandé des renseignements pour la vie de R. Des Cartes pendant le séjour que ce célèbre philosophe avait fait en Hollande, et auquel Daniel répond en très bons termes.

Il était aussi l'ami et le correspondant du docteur de Sorbonne

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