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LIVRES POPULAIRES IMPRIMÉS A TROYES DE 1600 A 1800. Hagiographie, Ascétisme, par Alexis SOCARD. Ouvrage orné de 120 grav. tirées avec les bois originaux. Paris, Aubry. Voyez les annonces, page 552.) Nous avons analysé, dans le 171° cahier du Bulletin du Bouquiniste, une publication intéressante qui reçoit un véritable caractère de curiosité de la façon dont elle est illustrée. Nous voulons parler de l'étude consacrée par MM. Socard et Assier aux livres liturgiques du diocèse de Troyes imprimés au xve et au XVIe siècle. Comme un pareil travail tient autant à l'histoire de la gravure sur bois qu'a la bibliographie, il était nécessaire que le texte fût enrichi de figures. Au lieu de faire graver des reproductions en fac-simile plus ou moins exactes, les auteurs ont eu la bonne idée de se servir des vieux bois originaux qui sont venus jusqu'à nous : en sorte que les acheteurs du volume sur les Livres liturgiques de Troyes se trouvent avoir dans les mains, nonseulement un travail neuf, exécuté avec l'amour des détails et la précision qui caractérisent notre époque, mais encore un travail dans le texte duquel sont insérées, et pour amsi dire incrustées, des figures véritablement vieilles de trois ou quatre siècles. Un recueil semblable, où sont rassemblées en un même volume d'un prix facilement abordable une infinité d'images éparses en de rarissimes bouquins, était évidemment un régal friand offert a l'appétit des bibliophiles. Aussi le succes s'est-il manifesté par le rapide écoulement de l'edition.

Mais l'œuvre devait avoir une continuation, et c'est cette suite qui est l'objet du présent article. Quand le temps des beaux livres gothiques à naïves gravures fut passé, apparurent les livres populaires à images de moins haut style; apres l'art aristocratique vint à son tour le métier démocratique et à bon marché. Les splendides livres d'Heures, encore tout pleins de l'imitation des manuscrits enluminés, étaient de trop grand prix pour ètre à la portée de toutes les bourses, et l'on dut songer, dès le xviie siècle, à publier des livres à la fois plus complets et plus abordables pour tous les rangs du peuple chrétien. A

la place du papier solide et sonore et de la peau de vélin qui servaient à imprimer ces Missels et ces Heures, destinés à recevoir de précieuses reliures, commençait à apparaître le méchant papier mou et grisâtre, où le tirage à l'encre rouge eût été peine perdue. Il ne s'agit plus d'habiller ces impressions avec du maroquin ou de la peau de truie, portant de riches gaufrures et des dorures délicates; c'est à peine si les mieux traités recevront une couverture en parchemin de rebut; pour la majorité des exemplaires, une chemise de papier gris ou bleu suffira, et une piqûre de part en part remplacera la solide couture du relieur. L'art du brocheur, si perfectionné de nos jours, n'était pas encore soupçonné. Mais ces livrets rognés de travers, et souvent jusqu'à la lettre, gardés avec peu de soin dans l'échoppe de l'artisan ou dans la chaumière du paysan, ont été promptement détruits, et plusieurs de leurs éditions ont à peu près disparu. Leur rareté eût été déjà un titre suffisant pour mettre en éveil les bibliophiles, si les nombreuses gravures dont ils sont parsemés ne leur eussent pas donné un véritable mérite.

Dans ce second volume, où M. Alexis Socard n'aborde encore ni les Noëls, ni les romans de chevalerie, mais où il se borne à inventorier et à analyser des vies de saints et des livrets de dévotion, cent vingt gravures originales, échappées à mille causes de destruction, excitent la curiosité de l'artiste et de l'antiquaire. De naïfs cantiques, des oraisons rimées, des pièces dialoguées, des poésies mystiques d'auteurs inconnus, assaisonnent les recherches bibliographiques, historiques et légendaires qui composent le texte. Que de traits oubliés des mœurs de nos pères sont ici fixés et conservés au moment où le dernier souvenir allait s'en effacer! Mais je reviens aux vieilles gravures taillées en bois par les dominotiers de la ville de Troyes, pour illustrer ces vies de saint Edme, de sainte Barbe, de sainte Marguerite, des trois Maries, de saint Hubert, de saint Nicolas, de sainte Hélène, de sainte Jule, de saint Savinien et de sainte Savine, de sainte Syre, de saint Parre, etc. Je signalerai aux amateurs les vignettes extraites des éditions de la Danse macabre, imprimées par les Oudot et par les Garnier.

Le succès de ces deux volumes sur les anciennes impressions troyennes doit engager M. Socard à continuer son œuvre en étudiant dans un troisième volume les romans de chevalerie et leurs vieilles gravures.

Déjà son exemple trouve des imitateurs et des émules. Un recueil belge, le Journal des Beaux-Arts, annonçait dernièrement que l'on projetait de publier, avec un texte, les anciennes tailles de bois con

servées à la Bibliothèque royale de Bruxelles. Dans plusieurs de nos vieilles villes on retrouve encore des figures gravées sur bois qui ont servi à la librairie de colportage. A Rouen, par exemple, la société des Bibliophiles normands, récemment fondée, ferait bien de réunir les images de confrérie, les vignettes de livres dévots dont les planches existent encore. 'Il serait curieux de comparer les gravures des tableaux de la messe, employés par nos anciens imprimeurs normands, avec la collection de figures des actions du prêtre, par lesquelles M. Socard termine son volume. Mais, je le répète, il ne faut pas s'arrêter en si beau chemin : l'œuvre entreprise par M. Socard n'est pas définitivement achevée, il doit nécessairement compléter ce qu'il a si bien commencé, en faisant maintenant des recherches sur les Noëls, sur les romans de chevalerie et sur la bibliothèque bleue. Les vignettes qui garnissent les pages de l'Histoire des quatre fils Aymon ou de la Patience de Griselidis ne doivent pas être négligées. Notre auteur nous a révélé de curieux détails sur les diverses éditions de la Vie de sainte Reine; il serait juste de dire aussi un mot des gravures et de la versification du « Martyre de la glorieuse sainte Reine d'Alyse, tragédie composée par maitre Claude Ternet, professeur ès-mathématiques et arpenteur juré pour le Roi au Chálonnois, dédiée à Mgr l'évêque d'Autun, et imprimée à Troyes, chez P. Garnier, rue du Temple. » J'y trouve que celles des gravures faisant évidemment partie de la même série reproduites par M. Socard à l'article des Vies de sainte Reine, si souvent réimprimées à Troyes.

par la Je ne puis omettre de dire que, si le livre est édité à Paris librairie Aubry, on a eu l'attention de le faire imprimer à Troyes même, en sorte qu'en feuilletant ces pages consacrées aux antiquités typographiques de Troyes, on a sous les yeux un spécimen sincère de l'état actuel de l'imprimerie dans cette même ville. Il me semble qu'on ne peut qu'approuver ces publications vigoureusement empreintes du parfum du terroir: la faveur que le public leur accorde réveille de toutes parts la séve provinciale. Des livres comme ceux dont je viens de rendre compte attestent que la ville de Troyes sent circuler en elle la vie intellectuelle. Puisse le congrès scientifique de France qui y a siégé du 1or au 8 août 1864 donner une activité nouvelle à de si louables efforts.

Raymond BORDEAUX.

HISTOIRE DU LIVRE EN FRANCE, depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789, par Edmond WERDET, ancien libraire-éditeur. Troisième partie (tome II).-Études bibliographiques sur les imprimeurs et libraires de Paris les plus célèbres. Les Didot, leurs devanciers et contemporains (1500 à 1789). Paris, Aug. Aubry, 1864, gr. in-18 de xxvIII et 368 pag.

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En 1689, Jean de la Caille mettait au jour un un volume in-4, composé de 2 ff., 322 pp. et 13 ff. de tables, le tout intitulé: Histoire de l'imprimerie et de la librairie, où l'on voit son origine et son progrès jusqu'en 1689.

Dans sa préface, l'auteur, qui était imprimeur et libraire, dit : «Si « j'ai osé entreprendre de faire revivre tant d'illustres morts, c'est « seulement pour fournir des matériaux aux savants pour la compo«sition d'un aussi grand ouvrage. Ce sera assez pour moy si je puis «les exciter à rendre parfait ce que j'ay seulement ébauché. » M. Werdet, qui a joué à cette loterie si séduisante que l'on nomme librairie, et qui, lui aussi, n'a pas gagné le gros lot, vient, sur ses vieux jours, de répondre à l'appel de Jean de la Caille. Il a repris son histoire, l'a complétée dans certaines parties, et, en lui donnant le sentiment moderne, il lui a donné la vie. Jean de la Caille avait pour enseigne: A la prudence, et cette vertu a grandement sa part dans son Histoire de l'imprimerie. Ses personnages sont des plus honnêtes gens, tous marguilliers ou à peu près. La raison qu'il y avait alors pour rechercher cette corvée clérico-laïque, M. Werdet nous promet de nous la révéler dans son sixième volume; nous saurons alors pourquoi les libraires et les imprimeurs se faisaient nommer avec tant d'empressement marguilliers de Saint-Benoît ou ailleurs. Autre temps, autres abus. En voici un qui n'est plus de nos jours. Guillaume Desprez avait obtenu un privilége de trente ans pour imprimer la Bible de Silvestre de Sacy, et, comme cette publication se composait d'un grand nombre de volumes, et que le privilége porte qu'il ne courra qu'après l'impression du dernier volume, G. Desprez laissa languir la publication pendant plus de vingt ans avant que de lui donner la satisfaction d'avoir cet ouvrage entier1.

1 Nous avons vu mieux que cela, mais en Allemagne. L'Encyclopédie de Krunitz, commencée à Berlin en 4773. n'a été terminée que 85 ans plus tard, en 1858, et forme la bagatelle de 242 vol. (je dis deux cent quarante-deux volumes) in -8, qui ont coûté plus de 2,800 fr. - A tout seigneur tout bonneur!- Les Allemands ont été nos maîtres pour tout ce qui tient à l'impri

Le prudent la Caille nous dit, p. 107, que « Jean André était l'é«missaire du président Lizet pour lui descouvrir les nouveaux calvi« nistes et les faire tomber en ses mains. » Traduisez émissaire par mouchard, nous dit M. Werdet, qui saisit cette occasion pour nous faire connaître le président Lizet d'une manière plus intime, en ajoutant que «c'est lui qui fit brûler vif l'infortuné Estienne Dolet sur la place Maubert, le 3 août 1548. » Les émissaires paraissent être peu du goût de M. Werdet; aussi à l'article Guillaume Nyvert, p. 27, nous renvoie-t-il au t. Ier de sa troisième partie pour nous édifier sur le rôle infâme que joua ce libraire dans les persécutions qu'éprouvèrent les Estienne pour le fait d'opinions religieuses.

Martin Lhomme est, pour la Caille, le plus ordinaire des libraires qui doit avoir fini ses jours de la manière la plus vulgaire. Détrompezvous, cher lecteur : ce malheureux Martin Lhomme fut condamné par arrêt du Parlement, en date du 13 juillet 1560, à être pendu pour avoir imprimé les Epistres, livres et cartels diffamatoires plains de sédition, schisme et scandalės. Pas un mot de cela dans la Caille; mais si M. Werdet avait consulté la 5e édition du Manuel du libraire, à l'article Epistre envoiée au tigre de la France, ce qu'il nous dit de l'ouvrage publié par Martin Lhomme aurait été un peu plus exact.

M. Werdet nous annonce aussi comme devant être comprise dans son sixième volume la réimpression d'un Mémoire sur les vexations qu'exercent les libraires et imprimeurs, 1725, in-4. L'extrait qu'il nous en donne pp. 197-200 promet. L'auteur inconnu est, comme dit M. Werdet, un impitoyable flagelleur des turpitudes et de l'âpreté au gain de quelques-uns de ces gros bonnets de libraires et d'imprimeurs, si vantés pour leur sévère probité.

Il est arrivé quelquefois à M. Werdet de suivre trop servilement le texte de la Caille: c'est ainsi que, p. 71, nous lisons, comme dans la Caille, Fuschio au lieu de Fuchs ou Fuchsius; p. 73, Joudimel au lieu de Goudimel; p. 116, Gabriel Mudé au lieu de Gabriel Naudé. La Caille a bien pu dire que Casaubon était un des auteurs de Jean Crespin, mais c'est une erreur qui a été relevée par Bayle; Casaubon n'avait pas encore quatorze ans quand Jean Crespin mourut. (Voy. Maittaire, Annales III, p. 541, note 4.) Enfin les vers cités p. 6, lignes 4 et 5, ont besoin d'être remis sur leurs pieds.

Dans la Caille, les membres d'une même famille sont dispersés, et il faut les chercher à la place que leur assigne leur entrée en fonctions.

merie et à la librairie, et nous n'aurions que la menue monnaie de Krunitz à leur offrir, en ce genre.

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