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sot, le plus impertinent et le plus ridicule ouvrage qui ayt jamais esté faict, « et qu'il ne sçauroit sortir que de la main de quelque misérable cuistre de collége qui ne nous connoist ni l'un ni l'autre. Le misérable m'y attribue ⚫ une satire où il me fait rimer épargner avec dernier. » (Voir Correspondance entre Boileau Despréaux et Brossette... Paris, Techener, 1858, in-8, p. 237 et 240.)

a

Le prétendu billet de Boileau à son frère l'abbé ne prouve rien; il est, comme le remarque M. de Saint-Marc dans une note, « artificieusement feint ⚫ pour amener la pièce de vers, qui doit couronner l'œuvre. »

Je crois donc que cette satire n'est pas de Boileau; ou bien il faut récuser le témoignage de ce poëte qui, en général, ne doit pas être soupçonné de restrictions mentales. D'ailleurs, sa gloire ne perdra rien si, « après avoir examiné cette pièce, on « ne l'expose point. Tous les amateurs de la bonne littérature regretteraient certainement « le temps que Boileau eût mis à la faire. »

Agréez, monsieur, etc.

PIERRE CLAUER.

Malgré les dénégations de Boileau, malgré les protestations de Brossette, malgré même la mauvaise rime : épargner et dernier, je ne jurerais pas que l'auteur de l'épigramme aux Jésuites du Journal de Trévoux fût tout à fait innocent de la satire qu'on a publiée, en 1706, avec un billet d'envoi à son frère l'abbé. Boileau et ses amis composèrent ensemble, à l'occasion de leur querelle avec les jésuites, quantité de vers satiriques qui n'étaient pas destinés à la publicité et qui furent improvisés à table, comme l'avait été précédemment la parodie des vers du Cid sur la perruque de Chapelain.

Au reste, on ne se faisait pas faute de fabriquer des vers et de la prose sous le nom de Boileau, qui eut souvent à se défendre d'être l'auteur des satires et des épigrammes qu'on lui attribuait. Il crut devoir dresser lui-même le catalogue des œuvres qu'il reconnaissait comme siennes, et fit suivre ce catalogue d'une note trouvée dans ses papiers après sa mort : « Voilà au vrai, disait-il, tous les ouvrages que j'ai faits. Car, pour tous les autres ouvrages qu'on m'attribue et qu'on s'opiniâtre de mettre dans les éditions étrangères, il n'y a que les ridicules qui m'en puissent soupçonner l'auteur. Dans ce rang on doit mettre une satire très-fade contre les frais d'enterrements; une autre, encore plus plate, contre le mariage, etc. » Ces deux satires se trouvent, avec plusieurs autres, dans une édition des OEuvres diverses du sieur Boileau-Despréaux, augmentée de diverses satires et autres pieces nouvelles (Rotterdam, Abraham Wolfgang, 1720, in-12), édition peu connue et vraiment digne d'examen, où l'on a interpolé l'avertissement au lecteur, en y ajoutant ce paragraphe : « Tout ce que j'ai

ici à dire au Lecteur, c'est que je lui donne dans cette nouvelle édition, outré mes anciens ouvrages exactement revus, mes satires contre les gens d'église et celles contre les femmes, l'ode sur Namur; et l'on a ajouté à la fin de l'ouvrage plusieurs satires nouvelles et autres pièces de différents auteurs, qui ont beaucoup de rapport aux précédentes. » Enfin, je ferai observer à M. Pierre Clauer, que l'édition originale de Boileau aux prises avec les Jésuites est extrêmement rare, et que cette pièce n'a été réimprimée que dans l'édition des œuvres complètes, de 1772 ou 1775, 5 vol. in-8° ou in-12. Cette édition, qui porte, il est vrai, le nom de Saint-Marc, diffère entièrement de celle que le savant bibliographe avait publiée à Paris en 1747, 5 vol. in-8°, et qui ne contient pas la brochure en question ni les autres poésies contre les jésuites. Saint-Marc était mort en 1769.

Je ne puis me dispenser de citer une lettre qui m'est adressée par le savant et excellent abbé Dufour, au sujet du sonnet que j'ai mis, peut-être à la légère, sur le compte de Pierre Corneille, qui mourut, comme on sait, le 1er octobre 1685.

En lisant, dans le Bulletin du Bouquiniste, le sonnet sur le crime de lèzcmajesté divine, je me suis rappelé un fait qui a une certaine analogie : je vous le soumets sous toutes réserves. Il est tiré d'une Notice sur les rites de l'Eglise de Paris (1846); son auteur, M. Carron, de Saint-Sulpice, l'a extrait du Journal de la vie de Claude Chastelain, l'auteur du Martyrologe universel. Ce journal ayant péri dans le sac de l'Archevêché, on ne peut ni vérifier les dates, ni trouver l'explication que vous demandez. Je penche à croire que la date donnée par l'abbé Carron pourrait être inexacte. En tout cas, voici le fait :

En 4685, un homme tira son épée dans l'église de Notre-Dame, s'approcha « d'un prêtre qui disait la messe à l'autel de la Sainte-Vierge, et le perça de << plusieurs coups. Le prêtre tomba nageant dans son sang. Aussitôt tout le monde s'émeut et poursuit l'assassin qui s'enfuyait: mais comme il brandis« sait son épée, on n'osait l'approcher. Il avait déjà gagné le parvis, lorsqu'un « laquais s'avisa de tirer son habit et de le lui jeter entre les jambes, ce qui le fit tomber à plat ventre. Ainsi on put se saisir de lui, on le mena au parle«ment, où il fut jugé, séance tenante, et condamné au dernier supplice.

< Un fanatisme d'impiété l'avait porté à cet attentat, et il ne se reconnut ◄ point. Le prêtre, ayant été porté à l'Hôtel-Dieu, fut pansé, et guérit de ses « blessures. >

Le reste parle des cérémonies faites pour la réconciliation de l'église. L'assassin n'est nullement désigné, il tire son épée :

Il est fanatique:

Ozes-tu faire agir la pointe de ton fer.

...L'autheur dès longtemps fut repris de folie, circonstance atténuante, mais dont le bénéfice n'était pas souvent appliqué alors.

La grande difficulté, c'est la date; j'aime mieux la croire peu exacte dans la Notice, copiée vingt ans avant, que de croire deux crimes identiques commis dans la même église à quinze ans de distance, et dont il est peu probable que les gazetiers n'aient pas eu à s'entretenir. Prenez le tout sous bénéfice d'inventaire et veuillez ne voir en tout ceci, monsieur, que le désir de vous être agréable. L'abbé V. DUFOUR.

C'est dans les débris des manuscrits de Trallage que j'ai trouvé le sonnet sur le crime de François Sarrazin, et ce sonnet avait été placé originairement, par le collecteur, à côté d'une autre pièce de P. Corneille. La date du dimanche 3 août 1670 est donc certaine. Que deux faits analogues aient eu lieu à Notre-Dame, dans un intervalle de quinze ans, cela ne paraît pas impossible, le dernier surtout coïncidant avec la révocation de l'édit de Nantes. Ces actes de monstrueuse folie se reproduisaient souvent par imitation, Dès l'année 1503, on voit un fou s'attaquer, comme Sarrazin, au sacrement de l'autel, dans l'église de Notre-Dame. (Chroniques de Jean d'Auton, publiées par P. L. Jacob, bibliophile. Paris, Silvestre, 1834, 4 vol. in-8°,.tome III, p. 33 et suivantes.) On peut supposer que Corneille, qui se reprochait d'avoir, dans Polyeucte, exalté un attentat du même genre, voulut plaider en vers la cause de François Sarrazin, en invoquant pour ce malheureux les circonstances atténuantes qui pouvaient le sauver du bûcher.

Je ne terminerai pas cette lettre sans vous donner encore quelques vers de Corneille, non pas inédits, mais omis dans toutes les éditions des œuvres complètes, puisqu'on ne les trouve pas dans la dernière, qui fait partie de la Collection des principaux Écrivains français, publiée par M. Ch. Lahure, imprimeur à Paris. Aussi bien, faut-il se presser, si l'on veut être utile à l'éditeur de la grande édition qui paraît à la librairie de MM. Hachette, et qui est arrivé au neuvième volume. Ce volume doit comprendre les poésies diverses et les lettres, et M. Marty-Laveaux a l'oreille ouverte à tous les renseignements qu'on voudra bien lui communiquer. Je lui conseille donc de lire attentivement l'Ode sur la paix et le mariage (Paris, Guillaume de Luyne, 1660, in-4 de 27 p.). Cette ode anonyme pourrait être signée Corneille, sans faire tort à l'auteur du Cid et de Cinna; j'ajouterai qu'elle a été imprimée à Rouen par Laurent Maurry, et mise en vente chez Guillaume de Luyne, le libraire et l'imprimeur ordinaires de P. Corneille. Voici deux pièces traduites de Santeul :

SUR LES PAROLES DE SAINT AUGUSTIN, au 1er livre de ses Confessions,

chapitre 5: «Qui me fera la grâce, Seigneur, de me reposer en vous ? Qui me fera la grâce de vous voir venir dans mon cœur et l'enivrer du vin céleste de votre amour? afin que je perde le souvenir de mes maux et que je vous embrasse de toutes les puissances de mon âme, comme mon seul et unique bien. »>

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Mon nom par la victoire est si bien affermi,
Qu'on me croit dans la paix un lion endormi ;
Mon réveil incertain du monde fait l'étude,
Mon repos en tous lieux jette l'inquiétude :
Et tandis qu'en ina cour les aimables loisirs
Ménagent l'heureux choix des jeux et des plaisirs,
Pour envoyer l'effroi sur l'un et l'autre pôle,

Je n'ai qu'à faire un pas et hausser la parole.

Ce ne sont pas les seules traductions de Corneille qui aient été négligées par les éditeurs de ses œuvres complètes, car ces traductions avaient paru sans nom d'auteur avec le texte latin de Santeul. Quant aux deux pièces précédentes, elles sont imprimées avec le nom de P. Corneille, dans une édition des œuvres de Santeul, publiée par Pinel de la Martellière ou par A. F. Bilhard (Parisiis, Barbou, 1729, 3 vol. in-12), édition citée par tous les bibliographes, mais presque introuvable, car elle à été soigneusement retirée du commerce par les Jésuites, et les exemplaires échappés à cette proscription de la confrérie de l'Index sont fort rares; celui de la bibliothèque de l'Arsenal a toujours été incomplet du second volume, lorsqu'il figurait dans la célèbre bibliothèque du duc de la Vallière.

P. L. JACOB, bibliophile.

NOTICE HISTORIQUE ET BIBLIOGRAPHIQUE SUR CHEVRIER, par M. GILLET, associé correspondant de l'Académie de Stanislas. Nancy, 1864.

« Il y a grande apparence que la Pucelle va paraître; un je ne sais quel Chevrier se vante d'avoir eu ses faveurs, de l'avoir tenue dans ses vilaines mains, et prétend qu'elle sera bientôt prostituée au public. » «Il est trop certain qu'il y en a des copies à Paris, un Chevrier l'a lue, un Chevrier, mon ange!» «Un polisson, nommé Chevrier, a lu tout l'ouvrage. » Voilà en quels termes Voltaire présente à M. d'Argental et à nous l'écrivain que M. Gillet vient d'étudier. Et Voltaire, si l'on consulte les contemporains, paraît modéré dans son appréciation. Estce là une recommandation qui doive pousser à tourner un peu de lumière sur cette figure perdue dans l'ombre? Un polisson de plus ou de moins dans la littérature du xvIe siècle, est-ce une si grave affaire qu'il faille employer son temps à retrouver ses écrits devenus rares, à les lire, à en tirer de quoi reconstituer une personnalité? Et puis, qu'est Chevrier de plus que tant d'autres littérateurs de café, indiscrets et libertins, dont le nombre a toujours été si grand, le tapage si insupportable et la renommée si peu consistante pour mériter une exhumation ?

Chevrier n'est rien de plus, c'est vrai; mais est-ce à dire que cette classe intime de libellistes et de gazetiers bavards doive être tout entière ensevelie dans l'oubli, et quelques exemples choisis dans la foule, parmi ceux qui ont acquis le plus de notoriété, ne peuvent-ils pas atteindre à la hauteur d'un enseignement?

C'est surtout à ce point de vue d'enseignement moral qu'il convient d'étudier les pamphlétaires. C'est, suivant une expression de Chevrier luimême, une suite de « modèles à fuir. » Ce qu'il disait de Maubert et du P. Norbert, on peut le dire avec plus de raison de lui-même : il s'agissait pour lui de haine à satisfaire; il ne s'agit pour nous que de justice à rendre. C'est ce qu'a fait et bien fait M. Gillet. Il a su recueillir une trèsgrande quantité de documents sur l'auteur du Colporteur, et la partie biographique de son étude est aussi complète qu'on peut le désirer. Il a surtout éclairé d'une façon définitive l'histoire des démêlés de Chevrier avec Thibault. Ce lieutenant de police qui n'oubliait pas les injures adressées à l'auteur de la Femme jalouse, et dont l'influence réussit à faire condamner Chevrier aux galères à perpétuité, est un personnage qu'il était bon de faire connaître, ne fut-ce que pour diminuer un peu l'horreur éveillée par ce nom de galérien qu'il était alors

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