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très-facile de mériter par le moindre délit de presse 1.

Quant à la partie bibliographique, M. Gillet a pu corriger les erreurs échappées à ses prédécesseurs, moins occupés que lui d'une bibliographie spéciale. Il a tout cité, il a aussi analysé et quelquefois jugé, quoique son but fût surtout d'appeler l'attention sur l'ouvrage principal de Chevrier, son Histoire générale de Lorraine et de Bar. Nous sera-t-il permis de nous arrêter un instant sur un de ses autres livres un peu moins sérieux? Malgré le peu de cas que M. Gillet semble faire du talent de << serrurier, » je voudrais lui donner la clef d'un pseudonyme qu'il n'a pas deviné.

Il s'agit des «Trois C*, conte métaphysique imité de l'espagnol et ajusté sous des noms français, pour la commodité de ceux qui n'entendent pas le flamand. » Ces trois C, ainsi nommés à cause de la communauté de la première lettre de leurs noms, sont «trois écrivains dont la plume fut toujours trempée dans le fiel. » L'identité du premier de ces écrivains, que Chevrier nomme Chanval m'échappe, comme à M. Gilet ; mais si cela en valait la peine, elle ne serait peut-être pas impossible à constater. Le second, Cosmopole, est, suivant Chevrier lui-même, Maubert de Gouvest. Quant au troisième, Chat-huant, c'est tout simplement Chevrier, «né en Austrasie, la vingt-cinquième année du règne de Vespasien, père bienfaisant de Titus, » ce qui, mis en français pour la commodité de ceux qui n'entendent pas le Chevrier, veut dire né à Nancy sur la fin de 1721; Vespasien et Titus n'étant autres que Léopold et son fils François III, ducs de Lorraine, auxquels il applique les mêmes noms antiques dans son Histoire générale et ailleurs.

En lisant cet ouvrage « incompréhensible, » comme l'auteur le qualifie lui-même, je trouve pour appuyer mon assertion quelques renseignements donnés avec cette sorte de critique mitigée et de contentement timide auxquels on reconnaît facilement l'homme qui joue la

1 A ce propos, nous croyons devoir faire remarquer à M. Gillet que les trois lettres dont devait être marquée l'épaule de Chevrier, GAL., doivent être comprises comme une abréviation de GALERIEN et par suite être écrites ainsi qu'il précède et non séparées par des points. Peut-être, cependant, M. Gillet a-t-il copié textuellement la sentence. Ce qui nous fait faire cette observation, c'est la quantité assez grande d'erreurs typographiques que nous avons relevées dans son ouvrage. Nous n'en signalerons qu'une d'un autre genre, parce qu'elle se répète plusieurs fois. Le sieur d'Hannetaire, auteur d'un livre trèssouvent pillé : l'Art du comédien, ne s'appelait pas, comme l'écrit M. Gillet après Chevrier, d'Hennetaire. Il faut toujours recourir aux sources quand il s'agit des noms propres du xvin siècle. C'est alors qu'a dû prendre naissance ce sot adage qu'ils n'ont pas d'orthographe.»

violette et qui fait tous ses efforts pour que son parfum le trahisse, mais paraisse le trahir malgré lui.

Il s'y représente comme né a avec un cœur bon, mais avec un esprit méchant qui ne pardonnait à aucun ridicule; » on sacrifie en effet plus aisément son esprit que son cœur. Cependant le sacrifice n'est pas héroïque, et si Chat-huant s'avoue méchant, «il veut, avec beaucoup d'honnêtes gens, que ses critiques soient fondées sur l'équité. »

« Chat-huant, ajoute-t-il (je prends les principaux traits de cette peinture), qui était une exacte copie du misanthrope, débuta par de mauvais romans qu'on ne lit plus, et quelques comédies qu'on ne joue pas davantage... voyant qu'il faisait beaucoup de dettes, il se jeta dans la politique: tant de sots y ont réussi qu'il crut ne risquer rien en prenant ce parti. En effet, l'argent lui vint et toute l'Allemagne citait ses écrits comme des oracles. Il fut chargé de faire un Journal militaire, mais le nommé *** * conspira contre lui et le fit priver de ce journal... Il écrivit alors à Bruxelles une feuille périodique", que tous les insectes produits par les exhalaisons des marais belgiques trouvèrent scandaleuse, hérétique, vitupérable et contraire aux progrès du mauvais goût.-Sous des prétextes faux, Chat-huant fut destitué. » J'interromps cette citation au moment où l'énigme se complique de fantaisies. Sancho, Cosmopole, Chat-huant, Dulcinée, Don Quichotte, Sémiramis, je ne sais quel docteur Accarias et la fée Similor s'enchevêtrent d'une telle façon que je conçois pourquoi l'auteur prévient que «trois personnes à peine comprendront ce qu'il va dire. Ces trois » personnes-là sont sans doute Chanval, Cosmopole et Chat-huant. Il me suffit d'y avoir retrouvé les traits principaux de la vie de Chevrier et d'avoir prouvé qu'il était possible, même sans pièces authentiques, de retrouver la date de sa naissance restée en blanc ou fausse dans la plupart des biographies jusqu'au jour de l'apparition du livre de M. Gillet.

Quant à sa mort, lorsque la nouvelle en arriva à Paris, on eut quelque peine à la croire naturelle. Favart en accuse les États de Hollande

Recueil de ces œuvres :-Bi-Bi, Minakalis;-Cela est singulier, Maga kou;-Mémoires d'une honnéte femme;-le Colporteur, etc.

2 La Revue des théâtres, le Retour du Goût, la Campagne, l'Épouse suivante, les Fêtes parisiennes, etc.

* Histoire de la campagne de 1757; l'Invasion en Saxe, Observations sur les intérêts présents des puissances; le Point d'appui; le Testament du marėchal de Belle-Isle, etc., etc.

Peut-être Froment de Garrigues qui fit aussi vers 1758 un journal mili

taire.

5 Le Gazetin de Bruxelles.

1

tourmentés par une demande d'extradition. Les Mémoires secrets disent: << Chevrier est décidément mort emprisonné. C'est assez ordinairement le sort des chiens enragés. » M. Gillet éclaircit cette fin et en enlève le dramatique. La condamnation contre Chevrier ayant été rapporté, il pouvait vivre tranquille à l'étranger. Il n'est mort, à la suite d'excès. de toutes sortes, que d'une indigestion. Il avait 42 ans.

Je ne voudrais pas donner ici une appréciation même écourtée du talent de Chevrier. La plupart de nos lecteurs ont lu au moins le Colporteur et doivent avoir une opinion faite à ce sujet. Je dirai seulement qu'en mettant de côté toute pruderie, défaut assez peu commun, du reste, chez les bibliophiles, on trouvera de fort agréables passages dans bon nombre de ses productions; d'autant plus que, si l'on est un chercheur, on se sent un certain faible pour ces gens qui, au mépris de leur tranquillité, croient devoir ne pas trop envelopper d'hypocrisie ni euxmêmes, ni leur temps, et nous font ressouvenir de ne pas toujours regarder nos aïeux au travers des voiles trop épais des panégyriques, des oraisons funèbres et des épitaphes.

J. ASSEZAT.

MADAME DE MAINTENON.

On a souvent établi entre madame de Sévigné et madame de Maintenon un parallèle suffisamment justifié dans son principe, si l'on veut tenir compte d'une distinction nécessaire entre deux facultés que l'imperfection humaine ne permet pas de concilier dans une égale mesure, l'imagination et la raison. Cette distinction étant admise, il est facile de reconnaître que madame de Sévigné et madame de Maintenon ont l'une et l'autre les défauts de leurs qualités et les qualités de leurs défauts. L'une a le naturel, la légèreté, la grâce; l'autre, avec plus de sûreté dans le jugement, a incomparablement moins de finesse dans l'esprit, une grande discrétion sur sa situation personnelle, qui la rend très-sobre d'anecdotes, et le ton d'austérité sur lequel un certain nombre de ses lettres sont écrites, impriment souvent à l'expression un caractère de monotonie. Quelle différence avec l'agréable badinage de madame de Sévigné, et le mouvement qui anime toutes les parties de sa correspondance! Voltaire remarque avec raison qu'un grand nombre des lettres de madame de Maintenon pourrait être aisément supprimé; il ne reproduit pas cette observation à propos de celles de madame de Sévigné, et il a ainsi deux fois raison.

Cependant il serait injuste de prétendre que, telle qu'elle nous est parvenue, la correspondance de madame de Maintenon fût dénuée d'intérêt, et qu'elle ne se recommandât pas à notre attention par des qualités essentielles. La plus remarquable assurément, c'est la parfaite

sincérité des sentiments qui y sont exprimés; ce n'est pas ainsi que parlent l'intrigue et la duplicité. A ce seul point de vue, les lettres de madame de Maintenon n'auraient pas rendu un médiocre service à l'histoire du XVIIe siècle en permettant d'apprécier le véritable caractère d'une femme si étroitement associée aux événements de cette mémorable époque, et de mesurer sa part de responsabilité. Sans prétendre aborder ici la discussion des reproches qui lui ont été adressés, on peut affirmer que la lecture de ses lettres pénètre l'âme de la plus respectueuse sympathie pour sa personne; si le ton en est trop uniforme, et le style généralement froid, la pensée y est toujours élevée et le sens droit. Jamais conseils ne furent plus sages que ceux qu'elle adresse à la duchesse de Bourgogne à l'occasion du mariage de cette princesse ; ce sont ceux d'une âme éclairée par les lumières d'une longue expérience, et en même temps inspirée par les plus généreux sentiments.

La vertu un peu austère de madame de Maintenon ne fut ni sans gloire, ni sans profit pour la société au milieu de laquelle elle a vécu, et on lui a adressé un éloge mérité lorsqu'on a dit qu'à la cour de Louis XIV, sa vertu lui fut pardonnée par ceux qu'elle ne réussit pas à entraîner par son exemple; mais combien fut plus heureusement douée madame de Sévigné, qui a une piété sincère, et, à une pureté aussi irréprochable dans la pensée que dans l'expression, sut unir tous les agréments de l'esprit et les plus exquises délicatesses du sentiment! Tel est le secret de l'invincible préférence qui, entre deux femmes également illustres par leur talent et par leur vertu, nous attire vers celle qui, même en dépit de notre volonté, saurait élever notre âme et orner notre esprit, en le captivant sous le charme de sa grâce légère et de son inaltérable sérénité.

J. BONIFACE-DELCRO.

ÉLECTIONS DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE 1789 DANS LA FLANDRE MARITIME, par E. de COUSSEMAKER. 1 vol. in-8. Aubry, 1864. 5,

M. de Coussemaker publie tout ce qui concerne les élections de sa province pour les États généraux de 1789 à l'égard des trois ordres, clergé, noblesse et tiers. Outre les noms des électeurs, il donne toutes les pièces relatives à ces importantes opérations et le cahier de doléances. Ce volume est curieux et intéressant, et il serait grandement utile d'en voir éditer un analogue dans chacune de nos anciennes provinces. M. de Coussemaker fait précéder ce recueil d'une courte introduction dans laquelle il résume très-clairement le mécanisme électoral de l'époque et remarque que dans la Flandre maritime «comme dans la très-grande majorité de la France,» on ne voulait que de sages et utiles réformes « sans secousse et sans désordre. >>

Edouard de BARTHELEMY.

ANCIENS ET MODERNES, RARES ET CURIEUX.

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A la librairie d'AUGUSTE AUBRY.

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(Suite.)

10.100. PICHON. De la constitution de la dette publique de France et de l'influence qu'elle exerce sur son extinction par le remboursement. Paris, 1824, in-8. 1 10.101. PICQUÉ (J. P.). Moyens de détruire la mendicité, ou morale du pauvre. Paris, 1802, in-8. 1 50 10.102. PIE VI. Mémoires sur Pie VI. Paris, an VII, in-8. 12.50 10.103. PIÈCES OFFICIELLES concernant l'assassinat commis sur les ministres français au Congrès de paix à Rastadt, le 19 floréal an VII. Paris, an VII, in-8. 1 50 10.104. PIERQUIN DE GEMBLOUX. La fille d'Young enterrée à Mont» 75 pellier, in-12. 10.105 PINCHINAT (P.). Sonthonax réfuté par lui-même ou Réponse à son écrit du Ier thermidor an VI. Paris, in-8. » 75 10.106. PINIEVÉ (C. A. B.). Considérations sur le mérite des femmes lettrées. Paris, 1801, in-8. I 50 10.107. PIPELET (Constance D. T.). Rapport sur un ouvrage du citoyen Théremin intitulé: De la condition des femmes dans une République. Paris, an VIII, in-8. 1 10.108. PONCHON (F.). Essai sur la nécessité d'une régénération morale en France et sur quelques moyens de l'opérer. Paris, 1814,

in-8.

«

1 25

10.109. PORT-DE-GUY. Éloge de très-haut, très-puissant et très-excellent prince Louis XVI. Toulouse, 1815, in-8, br. 1 25 10.110. POUGENS. Doutes et con

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10.112. PROCÈS du Miroir. Paris, 1821, in-8.

1 »

10.113. QUATREMÈRE (A.). Rapport fait au directoire du dépar tement de Paris sur les travaux entrepris, continués ou achevés au Panthéon français depuis le dernier compte rendu, le 17 novembe 1792, et sur l'état actuel du monument. Paris, an II, in-8. 1 50 10.114. QUELQUES MOTS à M. le vicomte de Chateaubriand, pair de France et à M. Benjamin Constant, ancien tribun, par le marquis de... Paris, 1818, in-8. » 75 10.115. REAGGER. Sur la confédération suisse et les prétentions de Berne, 1814, in-8. » 75 10.116. RÉAL (P. F.). Essais sur les journées des 13 et 14 vendémiaire. Paris, an IV, in-8. 1 50 10.117. REBOUL SENEBIER. Moyen unique de sauver la France ou création d'une banque nationale. Paris, 1789, in-8. 1 » 10,118. RECUEIL des victimes de la loi du 19 fructidor sous le Directoire, déportées en 1798 et 1799 à Sinamari, Cayenne, aux îles de Rhé et d'Oléron au nombre d'environ deux mille, ecclésiastiques et quelques laïcs; par B. T. Paris, 1823, in-8. 2 10.119. RÉFLEXIONS d'un cosmo

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