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AVANT-PROPOS.

Frappé, il y a plusieurs années déjà, de l'importance historique du cartulaire de Savigny, je résolus d'en faire l'objet d'une publication particulière. Je copiai dans ce but le seul exemplaire de ce précieuxmonument que j'eusse à ma disposition, celui de la Bibliothèque impériale; puis j'adjoignis à mon manuscrit toutes les pièces que je pus me procurer sur Savigny. Mais je m'aperçus bientôt que ces additions, qui allaient sans cesse grossissant, absorbaient le document essentiel, et que, si je les conservais dans mon livre, la publication perdrait, au point de vue de l'histoire générale, tout l'intérêt qu'elle pourrait gagner sous le rapport de l'histoire particulière de l'abbaye. Or, comme l'histoire de Savigny n'était pas le but principal de mon travail, je me décidai à changer de voie : j'écartai toutes les pièces étrangères au cartulaire que j'avais recueillies déjà, et je rétablis l'économie primitive du manuscrit, que j'avais modifiée pour leur donner place. C'est ce document que je publie aujourd'hui dans la Collection des documents inédits, conformément à une décision de l'ancien Comité des monuments écrits de l'histoire de France, auque je l'ai soumis en 1849. J'ai collationné mon manuscrit sur toutes les copies connues, et je l'ai complété autant qu'il dépendait de moi par des notes et par l'addition d'un document du même genre, du même temps et du même pays, mais beaucoup moins considérable : je veux parler d'un cartulaire de l'abbaye d'Ainay, presque inconnu des historiens. Ce sont les deux plus anciens monuments de l'histoire du Lyonnais à ce titre seul ils mériteraient déjà quelque

a.

intérêt, car le moraliste et le philologue y trouvent leur part comme l'historien; mais on va voir qu'ils ont un intérêt plus spécial, celui de jeter quelque lumière sur des questions historiques encore fort obscures. Toutefois, avant d'aborder ce sujet, je crois convenable d'entrer dans quelques détails préliminaires sur les différentes parties qui composent ce livre.

1° CARTULAIRE DE SAYIGNY.

La première comme la plus considérable et la plus importante portion est certainement celle qui renferme le cartulaire de Savigny. Ce document, compilé, dans la première moitié du xiie siècle, par ordre de l'abbé Ponce, qui gouverna l'abbaye de l'an 1111 à 1140 environ, s'arrêtait primitivement à cette dernière date; mais on y a joint plus tard une vingtaine de pièces, dont quelques-unes vont jusqu'au xive siècle. Je n'ai pas cru devoir retrancher ces pièces1, quoiqu'elles soient en désaccord avec le titre particulier du cartulaire, parce qu'elles font partie de toutes les copies aujourd'hui connues de ce document. Seulement je les ai séparées du livre de Ponce par le mot Appendix placé en forme de titre (page 509), mais entre crochets, pour indiquer qu'il ne se trouve pas dans le manuscrit.

Le manuscrit original de ce cartulaire n'existe plus, ou du moins n'est dans aucun dépôt connu. Il paraît qu'il en restait encore quelques fragments dans l'abbaye au xvIIe siècle, car François de Camps, abbé de Signy, ayant obtenu de Bossuet, alors abbé de Savigny, communication d'une copie plus moderne de ce document que conservait le monastère, nous apprend, dans une longue lettre qu'il écrivit à ce sujet à son confrère, et qui est datée de Paris, le 1er janvier 1703, qu'il y avait au commencement et à la fin du manuscrit deux feuillets d'une écriture plus ancienne. « Il paroît, dit-il, par ces quatre feuillets, qu'il y avoit un cartulaire plus ancien, qui paroît avoir été

1

Elles sont, comme on le verra, inscrites sans aucun ordre, et quoique quelques-unes d'entre elles soient fort longues,

toutes ensemble n'égalent pas en étendue la quinzième partie du cartulaire proprement dit.

usage

écrit près de cent cinquante ans avant celui-ci. » François de Camps, à la vérité, semble croire que ces fragments appartenaient à un cartulaire.plus ancien que celui de Ponce; mais ce n'est là qu'une opinion sans fondement, comme tant d'autres du célèbre abbé1. Ces fragments provenaient évidemment de l'ancienne copie, qu'un fréquent avait détériorée à la longue, et qu'on avait dû renouveler à une époque relativement moderne, mais déjà ancienne au xviiie siècle. J'ai vainement cherché le volume qu'avait eu en mains l'abbé de Camps il se trouve sans doute dans quelque bibliothèque particulière, où le hasard le fera découvrir un jour. En effet, de 1703 à 1791 il n'est survenu aucun événement qui ait pu causer la destruction de ce volume, alors fort connu des érudits, grâce aux extraits qu'en avait donnés J. M. de la Mure dans son Histoire du diocèse de Lyon; et depuis 1791 les archives de l'abbaye ont été conservées dans celles du département du Rhône. On a bien pu le soustraire, ainsi que beaucoup d'autres volumes, à ce dernier dépôt, tenu autrefois avec fort peu de soin; mais on y attachait trop d'importance au XVIIIe siècle pour l'avoir laissé périr.

Quoi qu'il en soit, on ne connaît plus aujourd'hui que quatre copies intégrales du cartulaire de Savigny : celle des bibliothèques publiques de Paris (Bibl. imp.), de Lyon (Bibl. de la ville), de Montpellier (Bibl. de la faculté de médecine), et la plus intéressante de toutes, celle qui provient de l'abbaye, et qui est devenue une propriété particulière par une circonstance déplorable. Il y en a eu sans doute un bien plus grand nombre, car il paraît que Samuel Guichenon et le conseiller Aubret en ont eu chacun une à leur disposition. Il pourrait donc se faire qu'on en retrouvât d'autres que celles que je viens de mentionner, et sur lesquelles seulement mon texte a été

1 J'en citerai une bien plus étrange. Dominé par les idées nationales de son époque, il prétend trouver dans le cartulaire de Savigny la preuve que la domination bourguignonne n'était pas reconnue dans le Lyonnais aux siècle! Il est inutile de

combattre cette erreur, qui est contredite par presque tous les actes du cartulaire. Il suffira au lecteur de comparer dans la table les articles des rois de France à ceux des rois de Bourgogne, à celui de Conrad particulièrement.

collationné; mais elles n'offriraient évidemment aucune variante importante.

par

Voici quelques renseignements sur les manuscrits qui m'ont servi à restituer le texte du cartulaire de Savigny. Je range ces manuscrits dans l'ordre de leur importance relative à mes yeux, en les indiquant la lettre abréviative qui sert à les désigner dans les notes du livre. 1° Ms. C. Je l'ai indiqué ainsi parce qu'il a été acheté en 1834 aux héritiers de M. Cochard : c'est la copie du monastère. Elle forme un volume petit in-folio en papier, de cent cinquante-cinq feuillets de texte, d'une écriture qu'on peut à la rigueur faire remonter à la fin du xvre siècle ou au commencement du XVII. Outre les cent cinquantecinq feuillets de texte, on trouve en tête une table des pièces composée de vingt-neuf feuillets non paginés, et quelques observations à la fin du volume, également non paginées. A l'époque de la Révolution, ce manuscrit fut déposé dans les archives du département de Rhône-et-Loire, avec tous les autres papiers de l'abbaye; mais quelques années après, M. Cochard, qui réunissait au titre de conseiller de préfecture celui de garde des archives du département, emporta ce volume chez lui, ainsi que quelques autres qui lui étaient nécessaires pour les publications historiques et statistiques dont il s'occupait; ce savant eut ensuite la négligence de garder ces volumes après sa destitution, en 1815, et ils restèrent chez lui jusqu'à sa mort, arrivée en 1834. Ils furent alors vendus avec les autres livres de sa bibliothèque par ses héritiers, qui eurent le tort de ne pas s'enquérir de la provenance de ces manuscrits. Voilà comment ce volume et beaucoup d'autres du même genre1 sont devenus propriété particulière, de propriété publique qu'ils étaient 2. Cette circonstance m'a empêché de tirer de ce manuscrit tout le parti qu'il

1

Entre autres, le Liber consuetudinum de l'abbaye, précieux manuscrit fort souvent cité par Benoît Mailliard, qui fut acheté par M. de Verna père.

2 Les héritiers Cochard ne purent l'i

gnorer, car le fait était connu de tout le monde à Lyon. (Voyez ce qu'a écrit à ce sujet M. l'abbé Roux, dans une notice sur Savigny insérée dans l'Album du Lyonnais pour 1844, p. 174.)

était naturellement possible d'en tirer, le détenteur n'ayant autorisé qu'une collation sur les lieux. Cette collation a été faite avec beaucoup de soin, sur ma copie, par M. F. Z. Collombet, bien connu pour ses travaux d'érudition; mais on sait combien il y a loin d'une collation préparatoire sur manuscrit à une collation définitive sur l'imprimé 1.

2o Ms. M. Je désigne ainsi la copie qui se trouve dans la bibliothèque de la faculté de médecine de Montpellier. Elle provient de Laurent Planelli de la Valette, pour qui elle avait été exécutée, comme le prouve une note inscrite sur le premier feuillet, et qui est ainsi conçue : « Cartulaire de l'abbaye de Savigny en Lyonnois, qu'on nomme vulgairement la pancarte de Savigny. Copiée pour M. de la Valette, sur l'original', qui est dans ladite abbaye, en 17003. » Cette note est de la main du secrétaire habituel de ce savant, car elle est d'une écriture identique à celle qu'on voit sur les gardes des manuscrits de la bibliothèque de Montbrison qui proviennent du même M. de la Valette. C'est donc à tort qu'à la bibliothèque de la faculté de Montpellier on a classé ce volume parmi ceux qui proviennent de Guichenon, avec le n° xxxIII. L'historien de la Savoie, qui paraît avoir eu en effet à sa disposition une copie du cartulaire de Savigny, n'a pu posséder celle faite en 1700, puisqu'il est mort en 1664 : il faut au contraire ranger les manuscrits de Guichenon parmi les papiers de M. de la Valette, car ils proviennent de la bibliothèque de ce savant, qui s'en était rendu acquéreur.

1 Mes craintes n'étaient malheureusement que trop fondées. Une nouvelle collation de ce manuscrit, faite par M. Collombet, sur les feuilles imprimées du cartulaire de Savigny, nous a fourni un nombre considérable de variantes; quoique elles soient généralement peu importantes, j'ai cru devoir les relever à la fin de l'ouvrage, afin de mettre le lecteur à même de juger du mérite de ce manuscrit, que je re

grette vivement de n'avoir pu étudier de mes propres yeux.

2 Il s'agit sans doute de la copie confiée trois ans plus tard à l'abbé de Camps, et qui avait remplacé l'original.

3 On voit au-dessous de cette note un sceau en cire rouge portant les armes de M. de la Valette.

4

Voyez mon Histoire du Forez, t. II; Bibliographie forésienne, p. 62.

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