Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

mension, comme elle s'est cristallisée dans les montagnes primordiales. Elle varie même dans la forme de ses cristaux jusqu'à se rapprocher de la forme rhomboïdale, parce qu'elle est souvent combinée avec la substance cristalline calcaire, qui s'y réunit dans ce cas-là sans doute en plus grande dose, quoique cette cristallisation ait conservé le coup-d'œil et la dureté du quartz. C'est ce que montrent quelques-unes des géodes quartzeuses du Jura, originairement des madrépores, que j'ai décritesdans un précédent mémoire, inséré dans le Journal de physique(tome 47, page 472).

On voit encore la substance quartzeuse se cristalliser en crêtes dans les couches calcaires de Passy près de Paris, mêlée sans doute à l'espèce de spath qui se cristallise sous cette forme.

Un autre cas bien connu où le quartz a sa cristallisation changée, est celui des petits prismes qui sont en si grand nombre dans la mine de fer de l'île d'Elbe, dont la pyramide n'est plus hexaèdre et a pris la forme trièdre.

Il a existé de la matière calcaire primitive, comme des matières vitrescibles et réfractaires. Son mélange intime avec ces matières dans plusieurs roches primordiales en est une preuve évidente. Ainsi les animaux marins, loin d'avoir donné naissance à la matière calcaire et que ce soit d'eux qu'elle tire son origine, tirent au contraire celle dont ils construisent leurs demeures, d'élémens qui existoient avant eux dans la création.

Que sont nos moyens chimiques pour extraire et séparer lessubstances les unes des autres, comparés aux organes des animaux, qui leur ont été donnés par CELUI qui a créé et combiné les élémens de toutes les substances de l'univers! Ainsi les organes des animaux marins extrairont de l'eau de la mer les élé-mens de la matière calcaire dont ils construisent leurs polypiers et leurs coquilles, tandis que nos analyses chimiques pourront à peine les découvrir

Ces élémens calcaires se developpèrent en plus grande abondance au temps, où dans cette succession de jours ou de périodes de la création, les plantes et les animaux marins reçurent l'existence. Alors les couches calcaires se formèrent dans l'ancienne mer, et enveloppèrent dans leurs lits les reliques des animaux qui vivoient dans son sein.

Dans les périodes suivantes, des couches nouvelles reçurent,, mêlés aux corps marins, des végétaux et des dépouilles d'animaux terrestres, mais sans vestiges humains, parce que l'homme,. la dernière et la plus belle créature de notre globe, sortie des

mains de la Divinité, n'avoit pas encore reçu l'être et paru sur la terre. Par tout où l'on a cru reconnoître de tels vestiges, c'étoient des méprises ou dans l'espèce des os, ou dans la nature des couches.

L'observation confirme ainsi l'ordre successif des jours de la création, tel qu'il est rapporté dans la Genèse.

Une pétrification de fragmens d'os me fut donnée avec cette étiquette: «Os humains pétrifiés des environs de Nice; » et ces os n'ont appartenu qu'à de petits quadrupèdes, dont il seroit même impossible de conjecturer l'espèce.

Je citerai encore l'exemple des os fossiles du rocher de Gibraltar. Ces os furent annoncés, au début de leur découverte, comme étant des os humains renfermés dans les couches mêmes du rocher. Mais des observateurs plus attentifs ont reconnu que la matière qui renferme ces os ne fait point partie des couches de cette montagne, qu'elle est une concrétion postérieure de nature très-différente, qui remplit ou tapisse des fentes et des cavités.

Ainsi, lors même qu'on y reconnoîtroit de vrais os humains, ils ne prouveroient rien contre le grand fait géologique, que les couches formées dans l'ancienne mer, n'en contiennent point. Mais (ce qui est plus conforme à l'ordre successif des dépôts terrestres) aucun de ces os, examinés avec attention, ne porte des caractères certains de cette origine, et l'on est persuadé aujourd'hui, qu'ils ont tous appartenu à des quadrupèdes. M. Imrie rapporte qu'il y a trouvé la mâchoire d'une brebis avec toutes ses dents dont l'émail est parfaitement conservé. ( Bibl. Brit. tome X, pag. 147).

Il y a plusieurs années que mon frère m'envoya quelques morceaux de cette concrétion qu'il s'étoit procurée de Gibraltar; la pâte en est rougeâtre couleur de brique; elle a plusieurs petites cavités tapissées d'une incrustation cristalline calcaire mamellonnée. Elle contient, outre les os et de petits fragmens de pierre calcaire, quelques coquilles de limaçons terrestres. L'un des morceaux que j'ai reçus en a une très-caractérisée; c'est le moule en creux d'une de ces vis de la grosseur d'une plume d'oie, constamment tronquée, qui se trouve dans presque tous les pays méridionaux de l'Europe.

La cause de cette troncature est celle-ci. L'animal en grandissant, abandonne les premières révolutions de sa coquille et forme une cloison qui l'en sépare, et c'est toujours à cette cloison, qui est en spirale, que sa coquille est rompue.

Les

1

Les coquilles que renferme la concrétion, ne sont pas ainsi des fragmens de coquilles de colimaçons du rocher calcaire de la montagne, comme l'a pensé M. Imrie (dont les observations sont d'ailleurs bien faites et très-instructives); mais ce sont des coquilles de limaçons terrestres indigènes dans leur entier, , qui n'ont pas même été remplies par la concrétion. Ce fait est très important, parce qu'il détermine l'époque où les os y furent enveloppés.

des

Cette concrétion a été formée sans nul doute, par les eaux pluviales, entraînant avec elles dans les cavités du rocher, avec les particules des substances calcaires décomposées, des os, coquilles de limaçons terrestres, et quelques fragmens de pierre calcaire. Alors le rocher de Gibraltar étoit plus étendu qu'il ne l'est aujourd'hui; son sommet n'étoit pas en arête, mais devoit former une grande esplanade d'un accès facile, couverte de terre et de végétaux, qui faisoient la nourriture de quelques quadrupèdes. Les escarpemens qui environnent ce promontoire isolé, indiquent avec évidence qu'il s'y est fait de grands ébou

lemens.

Partant de cette explication, qui paroît la plus naturelle, on peut mieux concevoir, comment les fentes et les cavités de ce rocher, formant autrefois une grande montagne, ont pu devenir les dépositaires des os des animaux qui vivoient de ses productions.

Quand on réfléchit à la multitude d'os qui composent le squelette d'un quadrupède, et qu'on se représente l'espace qu'ils peuvent occuper, étant brisés et séparés, on conçoit aisément qu'il n'a pas fallu un bien grand nombre d'individus pour fournir les os disséminés dans ces concrétions.

Lorsque des observations de physique terrestre, ne sont dirigées vers aucun but géologique, et qu'elles restent dans le cercle étroit d'observations, locales sans considérer quelles sont les liaisons des objets observés avec ceux qui les environnent, et leurs, rapports avec ce que présentent d'autres lieux, on s'en tient à l'ordinaire à un premier apperçu et à l'idée qu'il fait naître, sans vérifier si elle est ou si clle n'est pas fondée.

On a dit souvent, il faut étendre la connoissance des faits, il faut en réunir un grand nombre avant de prononcer et de former des ssytêmes. Sans doute il faut observer les faits, et en avoir vu beaucoup, et il est très-vrai que, sans ces conuoissances acquises, on peut tomber dans de grandes erreurs. Les exemples en sont fréquens. Mais il est une condition tout aussi nécessaire et qui l'est plus encore, c'est de bien voir les faits Tome LV. VENDEMIAIRE an 11.

Kk

et de les bien juger; sans quoi, loin de conduire à la vérité ils deviennent autant de pas qui en écartent. J'ai déja eu occasion de faire sur ce sujet bien des remarques et des applications.

Lorsque l'abbé Spalianzani a vu dans l'île de Cérigo, autrefois Cythère, (1) une couche renfermant des os pétrifiés, formant dans une grande grande épaisseur le sommet d'une montagne escarpée, appelée dans l'île la montagne des os, il a conclu d'après, à ce qu'il paroît, l'opinion vulgaire des habitans de l'île, que la plus grande partie de ces os étoient humains, quoiqu'il y en ait, ajoute-t-il, qui semblent appartenir à des quadrupèdes. Mais il ne dit point à quel signe il a reconnu que ces os étoient humains. S'il a vu des crânes, des mâchoires avec les dents, qui sont les seules parties du squelette de l'homme où l'on ne puisse se méprendre, dans de pareils amas d'os brisés et séparés, et qu'on ne peut tirer de la couche sans les briser

encore..

S'il avoit mieux connu les faits, il auroit senti la nécessité de donner à son observation la plus grande exactitude; il auroit observé l'espèce de stratification de cet amas d'os et ses rapports avec les couches de la montagne et les autres couches de l'île, il auroit observé encore si la couche osseuse renfermoit quelqu'autre corps, et si elle en renfermoit, il en auroit déterminé l'espèce avec certitude. Mais pour de telles observations, il faut des connoissances et une expérience que l'abbé Spallanzani n'avoit point.

On sait seulement d'après son récit, que la matière qui enveloppe ces os, est un composé de marne dure, de couleur rouge-jaune, et que les cavités de ces os, renferment souvent de petits cristaux de spath.

Aucune conséquence géologique ne peut être tirée de cet exposé. Aussi l'abbé Spallanzani n'en tire-t-il point; mais d'autres peuvent le faire et fonder une hypothèse sur son récit, sans faire attention qu'il ne réunit aucune des conditions nécessaires pour porter un jugement avec quelque assurance de ne pas se tromper.

[ocr errors]

Quel agent physique, dit-il ensuite, a pu apporter sur cette montagne une aussi grande quantité d'ossemens? et comment et d'où ont pu être recueillis en cet endroit tant d'individus de notre espèce?. car il n'est pas permis de douter que

(1) Journal de physique, tom. 47, pag. 278 à 283. Observations faites daus l'ile de Cythère en 1785, par Spallanzani.

ces os n'y ayent été apportés tous à-la-fois par quelque cause violente et extraordinaire. Mais dans quel temps et comment cela a-t-il pu arriver? C'est un de ces secrets de la nature qu'il n'est pas donné à expliquer.

כל

Un observateur attentif et exercé, n'eût pas proposé cette question, parce que le cas qu'elle suppose est impossible. Aucun agent physique n'a pu placer ces ossemens sur cette montagne dans son état présent d'éminence isolée. Il auroit conclu que cette éminence est un fragment resté debout de couches, dont les parties qui faisoient suite se sont rompues et affaissées, laissant au sommet un fragment de la couche qui contient les os. Et quant à l'espèce de ces os, on vient de voir quel fondement on peut faire sur ce qu'en rapporte l'abbé Spallanzani.

Mais à en juger d'après sa description de cette île, il étoit bien éloigné de faire des observations utiles aux progrès de la géologie. Il entremêle d'une manière inintelligible des produits volcaniques avec des roches calcaires coquillières. Il croit que cette île a été soulevée par les feux souterreins, apportant au jour des coquillages qui vivoient sur le fond de la mer, quoiqu'il remarque ailleurs que cette mer n'en nourrit plus de semblables. Partant de l'exemple, constamment mal jugé, et qu'il appelle frappant de l'apparition de l'ile nouvelle dans l'Archipel, sur laquelle on trouva des huîtres qui n'avoient point été endommagées par le feu. Comme si des huîtres récentes, élevées par un volcan du fond de la mer, avoient aucun rapport avec des coquilles pétrifiées renfermées dans des rochers?

[ocr errors]

« Ces coquilles, ajoute-t-il, sont diversement placées sur les montagnes; les unes sont attachées à la surface des rochers, qui se présentent tout de suite à la vue, les autres sont dans l'intérieur, qu'ou ne peut extraire qu'en brisant la pierre.

כג

Les coquilles qui lui ont paru attachées à la surface des rochers, y avoient été renfermées comme les autres. Ces surfaces ayant été exposées aux injures de l'air pendant une longue suite d'années, se sont décomposées et dissipées, laissant en relief les corps marins, dont la pétrification est ordinairement plus dure que la pierre qui les enveloppe.

J'ai vu un rocher pareil à ceux de Cérigo, en traversant près de Réquéna une chaîne de rochers calcaires, qui sépare le royaume de Valence de la Castille-nouvelle. Je remarquai dans cette route, qui suit le lit d'un torrent, un rocher, dont la face fort inclinée, étoit couverte de grands pectinites posés de plat comme s'ils eussent été cimentés.

« PreviousContinue »