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soin, et l'on reconnut alors que celui qui avoit été cuit dans le rôtissoir étoit plus pesant que l'autre, dans un rapport de six pour cent, ou de six livres sur cent. Mais ceci n'est pas encore tout, ce n'est pas même le résultat le plus important de l'expérience. Ces deux gigots de mouton furent servis à la fois sur la même table, et une compagnie nombreuse, et absolument sans prévention sur ce point, fut réunie pour en manger. On les trouva très-bons l'un et l'autre, mais on préféra unanimement celui qui avoit été cuit dans le rôtissoir; il parut être beaucoup plus plein de jus, et avoir un meilleur goût. Ils furent au reste achevés l'un et l'autre, et il n'en resta rien qui pût être mangé. Les restes que l'on avoit soigneusement conservés étant alors recueillis, et mis dans leurs plats respectifs, ce fut la comparaison de ces restes entre eux, qui offrit la preuve la plus frappante du mérite relatif de ces deux méthodes de rôtir la viande, sous le rapport de l'économie des alimens. Il ne restoit presque rien que l'os tout nu du gigot de mouton rôti dans la machine, tandis que l'on avoit formé un tas assez considérable de débris non mangeables, fournis par celui qui avoit été rôti à la broche.

Je crois pouvoir dire que le résultat de cette expérience mérite l'attention la plus sérieuse, particulièrement dans ce pays où l'on mange tant de viande rôtie, et où l'économie de tout ce qui sert de nourriture devient de plus en plus, chaque jour, un objet d'intérêt public.

Je pourrois citer plusieurs autres expériences semblables à celles que je viens de décrire, et qui ont eu les mêmes résultats; inais il seroit superflu d'entasser des exemples pour confirmer un fait si bien établi par un seul.

Il est encore une particularité dont je dois faire mention, relativement à la viande cuite dans un rôtissoir; c'est la délicatesse extraordinaire de la graisse de la viande ainsi rôtie, spécialement lorsqu'elle l'a été à un feu très-lent. Lorsque de bon mouton est rôti de cette manière, sa graisse est exquisement douce et d'un fort bon goût, et si on la mange avec de la gelée de groseilles, on peut à peine la distinguer de la graisse du meilleur gibier. Les parties graisseuses des autres espèces de viande sont aussi singulièrement délicates, lorsqu'on les apprête de cette manière, et il y a des motifs de croire qu'elles sont beaucoup moins malsaines que lorsqu'elles sont rôties devant un feu ouvert.

La chaleur produite par les rayons qui partent d'un foyer allumé, est fréquemment très-intense; de là vient que la superficie d'un morceau de viande rôti à la broche, est souvent toute

brûlée, ce qui la rend non-seulement dure et de mauvais goût, mais encore très-malsaine. On ne regarde pas la graisse du gibier comme insalubre; mais lorsque l'on fait rôtir le gibier, on doit avoir soin de le recouvrir, dans la crainte qu'il ne soit brûlé par les rayons du feu. Avec la machine, les mauvais effets de ces rayons directs sont toujours empêchés par les parois du rôtissoir, lesquelles les interceptent, et garantissent la superficie de la viande de la violence excessive de leur action; et même lorsqu'à la fin de la cuisson, l'intensité de la chaleur dans le rôtissoir est augmentée au point de roussir la superficie de la viande, cette chaleur cependant étant communiquée par le milieu d'un fluide échauffé (l'air), est beaucoup plus modérée plus uniforme, et plus certaine dans ses effets, que des rayons directs qui partent d'un foyer allumé, ou de corps chauffés jusqu'au point de l'incandescence.

De la manière de poser les rôtissoirs.

Les maçons, en posant ces rôtissoirs, doivent faire attention à deux points, dont l'omission empêcheroit la réussite de cette machine; les foyers doivent être extrêmement petits, et les tuyaux doivent être disposés de manière que l'on puisse les nettoyer de temps en temps, lorsqu'ils s'engorgent de suie.

Quand je fis connoître ici ces rôtissoirs, il y a cinq ans, je n'étois pas entièrement instruit de la propension irrésistible qu'ont les cuisiniers à faire de trop grands feux dans toutes les occasions; mais une triste expérience m'a appris depuis, que je ne pouvois empêcher mes rôtissoirs d'être détruits par le feu, qu'en rendant cette destruction absolument impossible. La connoissance de ce fait m'a mis sur mes gardes, et je prends aujourd'hui des mesures efficaces pour prévenir cet inconvénient. J'ai soin que les foyers des rôtissoirs soient faits très-petits, et qu'ils soient placés à une distance considérable au-dessous du fond de la machine.

Pour un rôtissoir qui a 18 pouces de large et 24 pouces de long, le foyer ne doit pas être de plus de 7 pouces de large et de 9 pouces de long, et les parois latérales du foyer doivent être absolument verticales jusqu'à la hauteur de 6 à 7 pouces. Quelque petit que ce foyer puisse paroître, il contiendra bien assez de charbon pour chauffer le rôtissoir, et beaucoup plus qu'il ne sera nécessaire pour l'entretenir chaud, lorsqu'il sera une fois échauffé. En effet, la quantité de feu requise pour rôtir la viande par ce

procédé, est extraordinairement foible; elle ne paroît monter, d'après des expériences faites avec soin à l'hôpital des EnfansTrouvés, qu'à environ la seizième partie de ce qui seroit nécessaire pour rôtir la même quantité de viande à la manière ordinaire devant un feu ouvert. Mais ce n'est pas uniquement dans la vue d'économiser le combustible que je recommande de faire les foyers très-petits, c'est pour empêcher que les rôtissoirs ne soient détruits, que la viande ne soit perdue, et qu'une invention utile ne soit discréditée.

De la manière de se servir d'un rôtissoir.

On aura soin de tenir le rôtissoir très-propre, et sur-tout d'empêcher que la viande ne touche à ses parois, et que le jus ne coule dans son fond. S'il devient gras dans quelque partie exposée à l'action du feu lorsque le métal s'échauffera, cette graisse s'évaporera, ainsi qu'on l'a déja observé, et elle remplira le rôtissoir de la vapeur la plus désagréable. S'il paroît des taches de graisse, on aura soin de laver l'intérieur du rôtissoir, d'abord avec du savon et de l'eau pour faire disparoître la graisse, et ensuite avec de l'eau pure pour enlever le savon, après quoi on l'essuiera avec un linge jusqu'à ce qu'il soit bien sec.

Le feu doit être modéré, et l'on donnera à la cuisson le temps de s'opérer par la chaleur la plus douce. Il seroit nécessaire pour rôtir de la viande dans le rôtissoir, de consacrer un tiers plus de temps que n'en exigeroit la cuisson à la manière ordinaire, à la broche devant un feu.

On tiendra les tuyaux d'air constamment fermés, depuis le moment auquel on met la viande dans le rôtissoir, jusqu'à 12 ou 15 minutes avant qu'elle soit suffisamment cuite pour être servie, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elle soit propre à être roussie.

Voici de quelle manière on roussit la viande : on fait un feu vif et clair durant quelques minutes, jusqu'à ce que les tuyaux à vapeur commencent à être chauffés au rouge, (ce que l'on peut voir en retirant un moment leurs tampons, et en regardant dans l'intérieur); alors l'obturateur du tuyau à vapeur du rôtissoir étant ouvert, et les tampons des tuyaux d'air retirés laisse passer dans le rôtissoir, par ces tuyaux échauffés, une certaine quantité d'air qui le traverse.

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Je dis qu'on laisse pénétrer une certaine quantité d'air par les tuyaux dans le rôtissoir. Si l'on ouvroit entièrement le tuyau à vapeur et les tuyaux d'air, il est très-possible qu'il entrât trop

d'air, et que l'intérieur du rôtissoir et ce qu'il contiendroit en fut refroidi, au lieu d'être élevé à une température plus chaude. Comme la vitesse avec laquelle l'air froid de l'atmosphère pénètre dans les tuyaux d'air d'un rôtissoir, dépend d'une infinité de circonstances, et qu'elle peut même être très-différente dans des rôtissoirs pareils par leur grandeur et leur construction, on ne peut, lorsqu'il s'agit de roussir la viande, donner de règles générales sur le degré d'ouverture des tampons des tuyaux d'air et de l'obturateur du tuyau à vapeur; cela sera déterminé par ce que l'on nomme le coup de feu du rôtissoir, que le cuisinier aura bientôt reconnu.

Il y a une règle infaillible pour déterminer la conduite de l'obturateur du tuyau à vapeur, durant le temps que la viande rôtit à une douce chaleur; on doit de tenir ouvert au point où Ja vapeur qui s'élève de la viande et de l'évaporation de l'ean contenue dans la lèchefrite, ne puisse pas être vue sortant du rôtissoir par les fentes de sa porte; car s'il l'étoit davantage, l'air froid de l'atmosphère pénétreroit dans le rôtissoir par ces fentes, et il dérangeroit l'opération en le refroidissant en partie; et s'il étoit moins ouvert, il rempliroit l'appartement de vapeur.

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Pour exciter le feu, afin, de roussir la viande, le registre de la porte du cendrier, et l'obturateur du canal par lequel la fumée se rend dans la cheminée, doivent être ouverts tous les deux, et il seroit bon de ranimer le feu avec un fagot; mais il ne seroit pas du tout à propos de jeter une quantité de nouveau charbon dans le foyer, car cela le refroidiroit, et ralentiroit le feu pour un temps considérable, La meilleure manière de ranimer le feu pour cet objet, seroit de jeter un petit fagot au feu ou une petite poignée de bois sec coupé en petits morceaux d'environ 6 ou 7 pouces de long; cela donneroit une flamme vive et claire, qui échaufferoit promptement les tuyaux d'air sans les détériorer. On devroit en effet employer toujours le bois de préférence au charbon, pour chauffer les rôtissoirs, par-tout où l'on pourroit s'en procurer; et la quantité qu'il en faut est tellement petite, que la différence dans la dépense seroit de fort peu de conséquence, même à Londres, où le prix du bois de chauffage est si haut. Et, si, ce qui est très-juste, l'on fait entrer en compte la durée de la machine, je suis persuadé que le charbon se trouveroit être un combustible plus cher que le bois, pour chauffer les rôtissoirs et les fours construits en tôle.

J'ai déja tellement insisté sur la nécessité de tenir une certaine quantité d'eau sous la viande qui rôtit, afin d'empêcher la graisse

fondue de tomber sur un métal très-chaud, que je ne m'étendrai davantage sur cet objet, que pour répéter que c'est une circonstance à laquelle il est indispensablement nécessaire de faire

attention.

Lorsque l'on fait rôtir la viande à un feu très-doux, elle ne demande presque jamais à être tournée ou arrosée; mais lorsque la chaleur du rôtissoir est plus forte, il sera également utile de la retourner et de l'arroser deux ou trois fois durant la cuisson. La raison de cette différence dans la manière de procéder, est évidente pour ceux qui considèrent cet objet avec attention.

On peut faire rôtir en même temps plusieurs sortes de viande dans les rôtissoirs, quand ils sont dans de grandes dimensions. Si l'on a soin de conserver leurs graisses séparées, ce que l'on peut faire aisément, en plaçant sous chacune d'elles un plat séparé, ou une lèchefrite posée dans l'eau contenue dans une lechefrite plus grande, il n'y aura point de mélange de goût; et ce qui paroîtra sans doute plus extraordinaire, tout un dîner composé de différens mets rôtis, étuvés, cuits au four et bouillis peut être préparé à-la-fois dans le même rôtissoir, sans que l'on observe le moindre mélange de goûts. Un homme respectable de mes amis qui a fait le premier cette expérience, et qui l'a depuis répétée plusieurs fois, in'a assuré ce fait curieux. Il pourra peut-être avec le temps donner lieu à une découverte importante. Une invention simple et économique, au moyen de laquelle tous les procédés de l'art seroient exécutés à-la-fois, deviendroit sans doute une acquisition précieuse.

Il est très-certain que les rôtissoirs cuisent comme au four, ou rôtissent, séparément, au plus haut degré de perfection, et il n'est pas douteux qu'avec certaines précautions dans la façon de les conduire, on ne puisse leur faire exécuter ces deux opérations à la fois, de manière à satisfaire généralement. Lorsqu'on veut que les rôtissoirs cuisent au four et rôtissent en même temps, on les fera suffisamment grands pour contenir au-dessus de la viande une plaque sur laquelle on placera ce que l'on vou-. dra cuire au four. On m'a dit que plus de la moitié des rôtissoirs construits depuis peu à Londres, le sont de cette manière, et qu'ils servent fréqueminent pour rôtir et pour cuire au four en même temps.

Il y a une précaution que l'on ne doit jamais négliger pour ouvrir la porte du rôtissoir, lorsqu'il y rôtit de la viande, c'est d'ouvrir le tuyau à vapeur et les deux tuyaux d'air, pendant environ un quart de minute ou l'espace de temps que l'on mettra

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