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association avec Daniel était aussi avantageuse à l'un que sous d'autres rapports elle pouvait l'être à l'autre. Je puis m'être trompé en disant que Louis était resté célibataire, parce qu'on peut conclure d'un passage du testament de sa mère qu'il aurait été marié : Cependant j'en doute; nulle part il n'est fait mention ni de la date de ce mariage, ni du nom de sa femme, et comme en tout cas il est bien prouvé qu'il n'a pas eu d'enfants, je n'ai rien à changer aux avantages que j'ai présumé que cette association pouvait éventuellement avoir fait entrevoir à Daniel.

Elle fut convenue en 1654: avec la fin de cette année la signature de Louis 111 cesse de figurer seule au bas des éditions Elseviriennes d'Amsterdam, et à dater de 1655 ces éditions portent ordinairement celle de Ap. Ludov. et Dan. Elsev. ou Amst. ex offic. Elsev. Je dirai dans la notice qui suit quelle fut leur importance jusqu'en 1664 : nous voyons que dès lors Louis 111 avait pris la résolution de se retirer des affaires; des 25 éditions que je cite avec cette date, 9 seulement portent la signature sociale et les 16 autres déjà celle de Daniel seul. En 1665 j'en trouve encore 4 qui appartiennent à l'association et 8 à Daniel : depuis je n'en rencontre plus qu'une seule, datée de 1669; mais c'est le labeur le plus important que les Elsevier aient entrepris. La Sainte Bible en français des Des Marest, en 2 vol. in-fol., imprimée sur quatre différents papiers, peut avoir été commencée dès 1663; nous trouvons qu'elle donna lieu, probablement avec la Bible flamande de Leyde, dans laquelle j'ai dit que les Elsevier d'Amsterdam étaient intéressés, à un décompte particulier pour les Bibles, lors de la liquidation qui eut lieu entre Louis et Daniel, et cette liquidation se trouve mentionnée dans l'acte de partage de sa succession, passé le 1er juin 1671. Ainsi nous pouvons dire que Louis 11 termina sa carrière par un chef-d'œuvre, et l'amour propre qu'il a mis à y attacher encore son nom est complètement justifié par la magnifique exécution de cette Bible.

D'autres actes et la correspondance de Grævius nous apprennent qu'indépendamment de son habitation à Amsterdam, Louis 111

avait une campagne et des terres à S'Graveland; c'est là qu'il se retira, qu'il passa les dernières années de sa vie et nous savons aujourd'hui d'une manière certaine qu'il y est mort dans le courant de mai 1670. Cette campagne, que Grævius désigne sous le nom de Prætorium Elsevirianum agri Comitatensis; in quod condendum et instruendum, ajoute-t-il, Ludovicus impendit plus vicies quinquies mille florenos, doit être la même que le professeur Wolzogen acheta pour 7,000 florins en 1681; mais elle ne provenait pas de la succession de Daniel, comme la lettre de Grævius pourrait le faire croire; elle était échue lors du partage de la succession de Louis 111, en 1671, à sa sœur Marie, cette mème Marie dont il a été question dans la Notice sur Joost Elsevier, pages 35 et 36; qui, veuve et sans enfants, était morte en octobre 1680, quelques jours après Daniel, et dont la succession, entravée peut-être par les prétentions de Pierre d'Utrecht, se liquida presqu'en même temps que la sienne.

S. 2. SUPPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE SUR DANIEL ELSEVIER, DEPUIS SON ASSOCIATION AVEC LOUIS 111, JUSQU'EN 1680.

Nous pouvons présumer que lorsqu'en 1664-65 Louis 111, après plus de 25 ans d'exercice et ayant atteint l'âge de 60 ans, se retira des affaires, l'imprimerie Elsevirienne d'Amsterdam était parvenue au plus haut point de sa splendeur. Daniel, depuis dix ans qu'il était venu s'associer à son parent, y avait amplement contribué, non seulement par le contingent de matériel qu'il avait apporté de l'imprimerie de Leyde, mais aussi par son expérience et ses relations : j'ajouterai même, quant à ces dernières, qu'en examinant avec attention les lettres du Sylloges de Burmann, il me semble que le caractère et l'aménité chez Daniel devaient se prêter davantage que chez les autres Elsevier à lui

concilier la faveur et la considération des gens de lettres; aussi voyons-nous promptement ceux-ci recourir de préférence à leurs presses d'Amsterdam. Nic. Heinsius qui naguère se plaignait avec tant d'amertume de la négligence de Louis III, n'attend même pas sa retraite pour témoigner qu'il est plus satisfait de ceux-ci qu'il ne l'a été de ceux de Leyde; et en 1662, il écrit à un jésuite d'Anvers qn'il a plusieurs preuves de leur bonne foi et de leur exactitude; Multis argumentis, dit-il, Elseviriorum fides et sedulitas mihi perspecta est.

L'importance de leurs éditions devient aussi beaucoup plus grande pendant ces dix années d'association, nous voyons successivement paraître, in-8°, une série de classiques latins, cum notis variorum, à savoir: Lucain, Justin, Quint-Curce, Florus, Sulpice-Sévère, César, Claudien et Tite-Live; le Cicéron in-4°, l'Etymologicon linguæ latinæ, le magnifique Corpus Juris, infolio, et l'on peut également compter dans cette période, la Sainte Bible des Des Marest, qui fut commencée bien antérieurement à sa date : mais bientôt après que Daniel se vit chargé seul de tout le travail de son important établissement, les temps ne furent plus si favorables, et «< si dans les commencements, » dit Adry, « il avait « eu lieu de se promettre les plus heureux succès, dans la suite <«<les guerres qui ravagèrent la Hollande, les malheurs de toute espèce et les fléaux de tout genre qui vinrent accabler sa mal<«< heureuse patrie, lui firent bientôt perdre courage. En 1678, <«< il se plaignait de ce que la misère du temps et la rareté du «< papier ne lui permettaient pas de se charger de quelques ou«< vrages très importants, ni d'achever l'œuvre d'Holstenius sur << Etienne de Byzance, ni le Tite Live de Gronovius, ni le Cicéron de Grævius. Cependant tout le monde s'adressait à lui comme à un imprimeur majorum gentium, pour me servir de l'expression de Munckerus, et il était vraiment affligé de ne « pouvoir répondre à la confiance des savants et à l'attente du « public. Il aurait bien voulu surtout compléter le Cicéron vario« rum dont il avait donné les épitres familières dès 1677. Les

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<«< fâcheuses circonstances où l'on se trouvait, l'empêchèrent de << mettre la dernière main à cette grande entreprise. Il ne négli<< geait cependant rien pour se procurer des pays étrangers ce

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qu'il ne pouvait trouver alors dans son propre pays. Il alla en Angleterre en 1674, 1678 et 1679; en France en 1662, « 1669, 1679 et sans doute à d'autres époques. Il fit plusieurs « voyages en Danemark et vers la fin de 1659, étant encore <«<l'associé de Louis, il s'adressa à Heinsius pour avoir des infor<<mations sur Curion, qui se proposait pour être le correspon<«<dant des Elsevier dans ce royaume. Heinsius en écrivit au «< célèbre antiquaire Scheffer, qui demeurait à Upsal ainsi que << Curion. Scheffer fit réponse qu'il connaissait Curion depuis <«< 13 ans, que c'était un homme intelligent qui avait beaucoup « de conduite, diligens in rebus, et qui maximè sobrius, nec « additus aleæ nec veneri deditus, que l'université d'Upsal lui << avait confié ses presses et ses livres; et en conséquence de << ces renseignements, les Elsevier lui accordèrent toute leur <<< confiance. >>

C'est avec le même Scheffer que Daniel eut en 1671 un procès dont Adry rend également compte. Comme avec Fabricius, il s'agissait encore une fois d'une seconde édition (du livre de Militia veterum navali) que Daniel avait promise, peutêtre un peu légèrement, avant de savoir qu'il restait encore beaucoup d'exemplaires de la première que les Jansson avaient tirée à 1500. Entretemps Daniel avait gardé le manuscrit de Scheffer, et comme dans cet intervalle N. Wetsenius publia un ouvrage de Architectura navali novantiqua, Scheffer accusa l'auteur de plagiat et Daniel d'infidélité; mais il fut prouvé qu'ayant puisé dans les mêmes sources, il n'était pas surprenant que les deux auteurs se fussent souvent rencontrés, et on finit par rendre à Wetsenius et à Daniel la justice qui leur était due.

Mr Rammelman s'est donné la peine d'examiner la correspondance de Daniel avec N. Heinsius, dont j'ai parlé en 1843 sur la recommandation de Mr Jacob; mais ces lettres, paraît-il,

n'ajoutent rien à ce que nous savons, et le seul passage qu'en cite Mr Rammelman est relatif à la grande répugnance que Daniel manifeste pour les éditions en langue flamande, qui n'offrent, écrit-il, qu'un débit très lent et beaucoup trop restreint.

Daniel eut plusieurs autres correspondances; mais il n'en reste plus que par-ci par-là quelques fragments épars dans les cabinets d'un petit nombre de curieux : l'Isographie des hommes célèbres nous fait connaître une de ses lettres au père Poisson, qui lui avait demandé des renseignements pour la vie de Des Cartes pendant le séjour que ce célèbre philosophe avait fait en Hollande, et auquel Daniel répond en très bons termes. Mr Brunet a eu l'obligeance de m'informer qu'il n'avait trouvé que deux lettres de Daniel dans la vaste correspondance de Thoynard qu'il possède, et qui cependant constate que le commerce de lettres entre Thoynard et lui datait au moins de 1669. Dans la première, du 15 février 1680, Daniel prie Thoynard de voir Mr Varillas pour avoir son Histoire des Hérésies pour être imprimée à Paris, et celle de François Ier pour être imprimée ici. Dans la seconde il revient sur ce sujet en ces termes : « A l'égard de l'auteur que savez, <«< si on pouvait avoir d'autres mains la première histoire que << vous m'avez dit avoir été copiée...... j'en donnerais des exem« plaires ou de l'argent, comme on l'entendrait. >> Dans ces mèmes lettres il est aussi question des inventions typographiques de Thoynard de poinçons à deux lettres, de tirage de deux formes à la fois; à quoi Daniel oppose les objections de son fondeur qui est un homme habile en son état, et il ajoute, que pour imprimer deux formes à la fois, c'est une folie impossible de pratiquer; au moins inutile.

Mr Brunet m'informe encore que dans une lettre (écrite en français) du philosophe anglais Locke à Thoynard, en date du 15 décembre 1680, il a remarqué ce passage: « La mort de «Mr Elsevier est une perte publique, et je le regrette encore << davantage depuis que vous me fites savoir qu'elle peut appor<< ter quelque retardement à la publication de votre Harmonie. »

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