Page images
PDF
EPUB

NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE

SUR L'ASSOCIATION

DE BONAVENTURE ET ABRAHAM ELSEVIER A LEYDE,

DEPUIS L'ACQUISITION

QU'ILS FONT EN DÉCEMBRE 1625, DE L'IMPRIMERIE D'ISAAC,

JUSQU'A LEUR DÉCÈS, EN 1652.

Bonaventure et Abraham, après avoir acquis l'imprimerie de leur neveu et frère Isaac, lui succédèrent le 9 mai 1626 comme typographes jurés de l'Université de Leyde, avec un traitement. annuel de 100 florins et avec la clause spéciale que l'imprimerie orientale d'Erpenius resterait à Leyde au service de l'université. Ce traitement de 100 florins fut doublé en 1628 et porté à 300 florins en 1631, à cause de la charge résultant de l'entretien du correcteur des livres en langues orientales, qui était cet Eusèbe Meisnerus de Bâle, dont il est question à la page XXXV de l'Introduction.

Cet état de choses dura jusqu'en 1649 : alors surgirent quelques plaintes relativement à des comptes d'impression; la question

de réduire le traitement des imprimeurs jurés fut soulevée et ce traitement supprimé en entier par résolution des Curateurs du 14 février 1650.

Bonaventure et Abraham réclamèrent à plusieurs reprises le maintien de leurs anciens honoraires et même leur augmentation, motivée sur l'onéreux entretien de l'imprimerie orientale : plusieurs résolutions transitoires furent prises à ce sujet en 1651; mais à la mort de Bonaventure et d'Abraham, en 1652, rien n'était encore décidé.

Pour compléter les relations des Elsevier de Leyde avec l'université, j'ajouterai qu'en février 1653, Jean et Daniel refusèrent les conditions nouvelles que les Curateurs voulaient leur imposer; toutefois, le 26 août de la même année, ils sont admis comme successeurs de leurs parents aux mêmes conditions qu'Isaac le fut en 1620, avec 300 florins de traitement annuel et, en outre, avec la jouissance pour eux et leur chef d'atelier ou principal correcteur, de toutes les franchises d'accises et d'impôts qui étaient accordées aux membres de l'université.

:

En 1655, il y eut de nouvelles plaintes les Curateurs trouvent un compte de Jean et Daniel exorbitant. En 1658, ils refusent à Jean l'autorisation d'agrandir son imprimerie (1): ils admettent cependant, en 1661, sa veuve Eva Van Alphen et ses héritiers à lui succéder; ils admettent ensuite Abraham II, quand il reprend l'imprimerie en 1681, et enfin le 8 août 1712, le Sénat académique tout entier se plaint amèrement de la négligence de cet Abraham, de son inaptitude, etc., mais ces plaintes tardives ne pouvaient plus avoir d'autre but que de fixer l'attention des Curateurs sur le choix d'un typographe plus habile et sur la nécessité de mieux stipuler ses conditions; car Abraham II était décédé le 30 juillet précédent et par-là toutes les relations

(1) Ce refus n'était point absolu: des convenances, que nous ignorons, s'opposant à ce que l'agrandissement demandé eut lieu du côté où les Elsevier en avaient besoin, les Curateurs ne se montrèrent disposés à l'accorder que du côté où cette augmentation ne leur était pas nécessaire.

à

entre l'université et les Elsevier avaient cessé ces relations, partir de la nomination de Louis Ier, comme appariteur en 1586, avaient duré 126 ans ; il y en avait 92 que sa famille était en possession du privilége d'imprimeur juré.

La première entreprise à laquelle Bonaventure et Abraham se livrèrent fut la publication de ces petits traités de statistique, si connus sous le nom de Républiques, et qui pendant quelque temps furent fort en vogue. Le 15 mai 1626 ils en obtiennent des Etats le premier privilége pour dix ans, et c'est par-là, comme le remarque M. Adry, qu'ils préludent pour ainsi dire, aux chefs-d'œuvre typographiques qui les ont immortalisé.

Ce privilége avait un effet rétroactif; c'est-à-dire qu'outre la permission d'imprimer actuellement l'ouvrage : Respublica Galliæ et pour l'avenir celles Scotia, Poloniæ, Hispania, Daniæ, Norvegiæ, Sueciæ, Græciæ, Turcia, Hungariæ, Germaniæ, Bojemorum, Helvetiorum, paulo post edendos tractatus; il comprenait aussi les editos ante hunc (Tractatum Galliæ); savoir : Respublica Angliæ, Venetiarum et Romana, qui en effet avaient déjà paru; la première à la fin de 1625, et les deux autres au commencement de 1626; mais sans privilége. On voit par-là dans quel ordre à peu près ces républiques ont été données, et sous la date de 1621 j'en ai indiqué la première, celle des Athéniens, qui est due aux presses d'Isaac. Dans le principe leur débit était tel, qu'elles ont eu presque toutes plusieurs éditions et souvent deux et trois dans la même année mais soit que cette vogue se fut ralentie, soit, peut-être, à cause de l'expiration de leur privilége, les Elsevier n'ont pas complété cette collection, qui, aujourd'hui presque sans intérêt, n'est plus guère recherchée. Sous le rapport de l'exécution typographique ce délaissement est peut-être injuste, et, comme je l'ai dit dans l'introduction, j'indiquerai dans ces Annales les titres en entier de tous les traités de ce genre, qui appartiennent aux presses des Elsevier, en me référant pour la collection complète aux Mémoires de Sallengre, ou à la jolie petite édition Elsevirienne de M. Jules Chenu.

En même temps qu'ils publiaient ces républiques, Bonaventure et Abraham éditèrent plusieurs jolis volumes dans le même format Je citerai les Gerhardi meditationes sacræ et les Cardani Proxeneta de 1627; les Buchanani poemata et deux éditions en grec et latin des Aphorismi Hippocratis de 1628, et le Laus Asini de 1629, etc. Dans le courant de cette dernière année, ils publièrent encore les belles éditions d'Horatius et d'Ovidius, in-16, et les Picherelli opuscula Theologica ainsi que les Baudii induciæ belli Belgici dans ce commode format pet. in-12, qu'ils adoptèrent dèslors de préférence et dans lequel ils donnèrent successivement pendant plus de vingt ans ces éditions, aujourd'hui si recherchées, des principaux classiques latins et de quelques auteurs modernes, qui de l'aveu de tous les bibliophiles, sont les joyaux les plus précieux de cette collection d'Elseviers en petit format, qui contribua principalement à leur célébrité et qui, renfermée dans les limites du goût et des convenances, a fait en tout temps l'ornement des plus belles bibliothèques.

Je ne veux pas toutefois borner la collection des petits Elseviers aux seules productions de Bonaventure et Abraham : j'ai répété dans mon introduction ce que M. Adry dit à ce sujet dans la sienne et cité plusieurs des principales éditions de Jean et de Daniel, de Leyde et d'Amsterdam, qui certes doivent en faire partie; mais je voudrais la réduire à sa pureté primitive, en la dégageant non seulement de tout ce qu'on y a introduit d'étranger à leurs presses, mais aussi de ce que leurs presses, sous le rapport de l'art typographique ont quelquefois produit de médiocre; et comme il me faudra ajouter plusieurs tables à la fin de ces Annales, j'essaierai d'en consacrer une à cette charmante suite, en la resserrant dans les strictes limites que je viens de tracer.

Ce n'est pas qu'indépendamment de ces petites éditions, Bonaventure et Abraham n'en ayent donné de fort belles en plus grands formats. Les Opuscula en quatre langues d'Annæ Mariæ à Schurman, in-8°, les Emblemata Schoonhovii, l'Histoire de la vie de Ph. de Mornay, in-4°, et surtout le Scapula Lexicon græco-la

tinum, in-folio, sont là pour le témoigner. Ils ont aussi publié quelques ouvrages d'une exécution três-remarquable en langues orientales; je n'en citerai que le beau Golii Lexicon Arabico-Latinum, in-folio, par lequel ils terminèrent leur brillante carrière et qui porte encore leur nom, quoiqu'avec la date de 1653, postérieure d'une année à leur décès.

Après avoir transcrit dans l'analyse que j'ai faite de son manuscrit le paragraphe de Mr Adry, relatif au mérite des Éditions des Elsevier, je puis me dispenser, je pense, de revenir sur cette prétendue incorrection dont on a principalement accusé celles données par Bonaventure et Abraham : on y a vu combien cette accusation était injuste, sauf peut-être pour le seul Virgile de 1636, dont l'exécution typographique est d'ailleurs si admirable. Je ne saurais pas non plus mieux que ce savant bibliothécaire dans sa Notice imprimée, défendre ces deux Elsevier des épithètes d'Astutissimi mortales, d'Homines avari, que l'exigence, poussée trop loin d'un petit nombre de savants leur a attirées, et dont celles de Suavissimi Elsevirii et de Diligentissimi Typographorum sont du reste une flatteuse et juste compensation.

Voici un exemple de ces exigences, tiré de la correspondance de Gronovius, qui nous prouve combien les plaintes de ces quelques savants étaient peu fondées : En 1633, les Elsevier avaient publié une fort jolie édition des Poemata Juvenilia de Vincent Fabricius; dès 1637, celui-ci insista pour que ces mêmes imprimeurs en publiassent une nouvelle; Gronovius, dans une lettre du mois de juillet 1637, écrit à Heinsius, qu'à cet effet Fabricius l'avait déjà prié de changer quelques-unes de ses préfaces; mais il ajoute : << mihi Senior Elsevirius (c'est Bonaventure),

[ocr errors]

cum hic esset, sine circuitione loquebatur, esse sibi adhuc << per multa Exemplaria prioris editionis, quæ priusquam de«< vendita sint, non posse se auspicari aliam. » Après ce fait sans replique, ne faut-il pas dire: Ab uno disce omnes, et absoudre complètement les Elsevier? Nous voyons que d'un autre côté Bonaventure et Abraham étaient obsédés par Gronovius lui

« PreviousContinue »