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prouvent qu'une Marie Elseviers, sans doute une sœur de Louis Ier, s'est mariée le 22 mai de l'année suivante. Leur second fils naquit également à Anvers; le troisième doit être né à Wesel, et c'est probablement à Douai que naissent le quatrième et le cinquième. Quant à Bonaventure, le sixième, il est né en Hollande, et un ancien registre de récensement de la population de la ville de Leyde nous donne l'assurance que Louys d'Elsevier, relieur de Louvain, est venu s'y établir au mois de septembre 1580, avec Mayke, sa femme, Thys, Gillis, Louys, Joost, Aernt et Mayken, leurs enfants, et avec Pauls Reyniers, de Louvain, son compagnon. Je fais observer, que de cette traduction littérale du registre de Leyde, il faut inférer que Louis Ier et son compagnon étaient nés à Louvain et non pas qu'ils en étaient venus directement : mais de la circonstance que Louis Ier amena avec lui un compagnon, nous pouvons conclure avec certitude qu'avant son émigration il avait déjà exercé l'état de relieur, auquel d'ailleurs les villes à université, de Louvain, de Wesel et de Douai étaient plus particulièrement favorables; s'il ne nous conste pas qu'il y fut en même temps libraire, nous savons du moins qu'il ne tarda pas de le devenir à Leyde, dont l'université naissante le détermina d'autant plus probablement aussi à s'y fixer, qu'avec les opinions religieuses qu'il avait adoptées, il pouvait le faire d'une manière sûre pour sa personne et avantageuse pour ses intérêts.

Un acte du 15 septembre 1582, par lequel il reconnaît devoir à Christophe Plantin (1), pour livres que celui-ci lui a livrés, une somme de 1,270 florins dont ils règlent les échéances, est le premier document qui nous apprend que dès cette époque il avait joint le commerce des livres à l'industrie de leur reliure, et c'est avec la date de 1583 que son nom parait pour la première fois

(1) Ce célèbre imprimeur d'Anvers était alors à Leyde, où il s'était retiré avec sa famille à cause des troubles des Pays-Bas. Il y avait établi une imprimerie pendant que François Raphelengius, son correcteur, qui depuis 1565 avait épousé sa fille aînée, dirigeait seul celle d'Anvers mais en 1585, Raphelengius vint remplacer son beau-père à Leyde et celui-ci lui légua définitivement l'imprimerie plantinienne qu'il y avait créée.

sur l'ouvrage intitulé: J. Drusii Ebraicarum quæstionum, sive quæstionum ac responsionum Libri duo, videlicet secundus ac tertius. In Academia Lugdunensi, 1585. in-8° de 126 pp. Le frontispice du titre porte une vignette avec la devise Æquabilitate, et après la 126 page se trouve un feuillet contenant l'errata, au bas duquel est imprimé : Veneunt Lugduni Batauorum apud Ludouicum Elseuirium, è regione scholæ novæ.

Le 30 septembre 1586 les Curateurs le nomment appariteur de l'université, aux appointements de 72 florins par an, en remplacement de Joost Halpert, fils d'Augustin; cette nomination, dans laquelle il est qualifié de libraire, n'est que provisoire et pour un an; mais elle devient bientôt définitive et nous trouvons que le 24 avril 1587 il demande au Bourguemestre de la ville et aux Curateurs de l'université, en sa double qualité de libraire et d'appariteur, la cession d'un emplacement situé sur le territoire de l'Académie, pour y construire une boutique sur le même pied et aux mêmes conditions de la concession obtenue quatre ans auparavant par Christophe Plantin.

Cette demande, fondée sur ce que depuis six ans, il a constamment pour l'exercice de son état de libraire et de relieur, ainsi que pour la plus grande commodité des étudiants, habité à proximité de l'université, et qu'au 1er mai suivant il est obligé de quitter cette demeure, lui fut accordée à des conditions très avantageuses; une résolution postérieure prouve qu'il occupa gratuitement cette boutique jusqu'en 1595, et ce n'est qu'à dater de 1596, qu'un loyer de 75 florins par an lui fut imposé.

Il y a un intervalle de neuf ans entre la date du premier livre avec son nom et celle du second: celui-ci est l'Eutropius de 1592. Le troisième est l'Oratio M. Antonii Arnoldi, de 1594, avec la souscription Lugd. Batav. ex officina Joan. Paetsii et Ludovici Elsevirii; le quatrième est l'Ennius et le cinquième les H. Boschornii commentariorum de Eucharistica Harmonia Libri tres; tous les deux, datés de 1595, sont souscrits de la même manière que le troisième et nous indiquent, comme celui-ci, une association

avec Jean Paets, qui ne doit guère avoir duré que pendant ces deux années, puisque depuis 1595 on ne trouve plus les noms de Jean Paets et de Louis Elsevier réunis avant 1607 et 1609; mais alors avec cette signature tout à fait différente Lugd. Batav. ex officina Joannes Paetsii, impensis Ludovici ou ap. Lud. Elsevirium, qui indique que Paets était devenu imprimeur et que, sans être l'associé de Louis Ier, il était du nombre de ceux qui, tels que Balduinus, Gujotus, Dorpius, Basson, Haestens et autres, imprimaient à ses frais et pour son compte.

Il n'est pas probable que Paets ait acquis l'officine Plantinienne de Raphelengius à la mort de celui-ci, en 1597, car nous trouvons encore longtemps après quantité d'éditions souscrites: Apud Raphelengium et ex officinâ Plant. Raphelengii : mais il est possible que dès cette époque il ait imprimé et remplacé le gendre de Plantin comme imprimeur de l'université. Scaliger, dans une lettre datée de Leyde, le 7 des ides de juin 1603, parle de l'imprimeur Paets (Typographo Paetsio) sans faire aucune mention de Louis Ier (1); et s'il n'est pas prouvé que l'imprimerie dont Isaac devint l'acquéreur à Leyde, en 1616, fut celle de ce même Paets, il est du moins certain que c'est à Paets qu'il succéda en 1620 comme imprimeur juré de l'université, et que c'est depuis lors que ce privilége est resté dans la famille des Elsevier sans interruption jusqu'en 1712.

Vers 1595, Louis Ier adopte pour marque l'Aigle sur un cippe avec un faisceau de sept flèches, accompagné de la devise: Con

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(1) Mr De Reume dit à la page 8 de son livre : « Lorsqu'en 1597 mourût Raphaleng, imprimeur juré de l'université de Leyde, Louis Ier songea à s'adjoindre un << collaborateur et forma une association avec Jean Paets, alors imprimeur de «<l'académie. L'association a édité plusieurs livres revêtus de leur raison sociale (quels sont-ils?). » Et plus loin : « Louis Ier termina sa mémorable carrière, emportant les regrets, etc., de tous ceux qui purent apprécier ses utiles <«< travaux et les ouvrages qui avaient fondé son impérissable renommée (quels «< ouvrages?). >> Tout cela, comme on le voit, est bien exagéré, bien opposé aux faits que je cite. Il en est ainsi dans maint autre endroit où Mr De Reume amplifie le texte de Mr Rammelman, et je le dis une fois pour toutes, je ne releverai plus ses nombreuses bévues.

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cordiâ res parvæ crescunt. A° 1595. Mr Adry se borne à dire : <«< que la devise qui accompagne cette marque, convient si bien <«< à une maison de commerce et à toute société humaine. »> Mais l'adoption du faisceau de sept flèches, qui signifie l'union des Sept Provinces qui venaient de se constituer en République sous cet emblème et avec la même devise, ne devrait-elle pas être considérée comme un adroit et flatteur hommage de Louis Ier au nouveau Gouvernement, sous la protection duquel il était venu se réfugier, plutôt que comme une allusion personnelle? On a dit que le millésime de 1595 et en même temps la devise faisaient allusion à son association avec Jean Paets et au développement qu'elle lui permit de donner à ses relations commerciales mais nous venons de voir par l'Oratio Arnoldi, que cette association existait déjà en 1594; nous n'en trouvons mème plus de traces après 1595, et dans sa Notice imprimée, Mr Adry nous dit avec raison que c'est depuis 1597 seulement jusqu'en 1617, qu'on trouve le nom de Louis Ier au bas d'un très grand nombre de livres. Il me semble donc probable que ce millésime de 1595 doit avoir une autre signification, et je pense qu'il pourrait fort bien indiquer l'époque de l'admission de Louis Ier dans la Corporation des Libraires de Leyde, admission qu'il devait ambitionner et considérer comme un des événements les plus marquants de sa carrière. Or, il nous conste par document authentique que ce fut seulement le 8 août 1594, après quatorze années d'habitation et quoiqu'il fut appariteur de l'université depuis 1586, qu'il obtint le droit de bourgeoisie (het Poorters regt); et comme à Leyde il fallait être Poorter avant de pouvoir être admis dans une corporation quelconque (1), il est à peu près certain que Louis Ier ne peut avoir fait partie de celle des libraires de cette ville, ou du

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(1) Orlers, dans la Description de Leyde (édit. de 1781, p. 769), s'exprime ainsi : Lugduni Batavorum reperimus complures Gildas, conditas ante annum 1512 quo

<< Guillelmus III comes decrevit, nemini licere Gildis se inserere nisi qui simul « civis (Poorter) esset ejus urbis. » Je trouve ailleurs l'article même du réglement ainsi conçu: « Nequis Gildæ socius fieri posset, priusquam civis urbis (Poorter) « esset factus. »>

moins avoir joui des prérogatives qui y étaient attachées, avant l'année 1595.

Quant à l'accroissement de ses relations, son association avec Paets peut y avoir contribué; mais puisqu'à cette époque quatre de ses fils avaient déjà de 20 à 30 ans, on peut supposer qu'il les intéressa successivement dans ses affaires, et je pense que ce serait dans cette bonne intelligence, entre le père et ses enfants, qu'il faudrait en tout cas trouver la seule et véritable allusion personnelle de la devise. On peut supposer aussi que c'est vers la même époque, ou peu de temps après, qu'il établit une succursale de sa librairie à La Haye, op de Zaal: nous la voyons gérée d'abord par Gilles et puis par Louis 11; un de ses petits-fils l'exploita ensuite, et elle resta dans la famille jusqu'à la mort de Daniel en 1680. Le premier indice de l'existence de cette succursale est la souscription de la Navigatio ac Itinerarium Joh. Hugonis, Linschotani, qui porte Hage Comitis, ex officina Alberti Henrici, impensis authoris et Cornelii Nicolai, prostantque apud Egidium Elsevirium, 4° 1699.

Il ne m'est pas prouvé, qu'indépendamment de son établissement à Leyde, où l'aîné et le plus jeune de ses fils, Mathieu et Bonaventure, l'ont constamment secondé, il ait eu d'autres boutiques que la succursale, je dirai l'étalage de La Haye; il eut de nombreux correspondants sans aucun doute et peut-être dans quelques villes des livres en consignation ou en dépôt. Nous savons qu'il fit des voyages à Paris et qu'il fréquentait les foires de Francfort; ceci résulte entre autres d'une lettre de Janus Gruterus à Adrien Vander Meer du 19 novembre 1601, où il est dit: Literæ mihi tradentur si commiseris Bibliopolæ, viro Elsevirio, quotannis bis commeanti ad Francofurdenses nundinas; et à la page 4 de sa Notice, Mr Adry cite un fragment de la partie restée inédite du Journal de l'Étoile, qui nous apprend sa présence à Paris au mois d'août 1609 et qui indique que ce n'était pas son premier voyage. Enfin, l'étendue de ses relations nous est prouvée et par les livres qu'il fit imprimer à Leyde, et par ceux imprimés dans

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