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perfection typographique fera rechercher cette édition, sans le moindre doute; seulement nous pensons que l'éditeur aurait pu enrichir son édition d'une préface dans laquelle le lecteur trouverait avec satisfaction les renseignemens bibliographiques propres à faire connaître l'œuvre de S. Thomas, tels que ceux que nous venons de recueillir dans le présent article, et que nous avons puisés dans Echard.

Pastoralblatt des Bisthmum Eichstatt, ou SEMAINE ECCLÉSIASTIQUE pour les curés du diocèse d'Eystatt publiée par l'ordre et l'autorité du Révérendissime Ordinaire. Eystatt, imprimerie de C. Broenner. Années 1854-1858. Cinq volumes in-4°.

Mgr l'Evêque d'Eystatt a donné à son clergé une savante Instruction pastorale dont nous avons déjà entretenu nos lecteurs, 3 série des Analecta, col. 236 et suivantes. Peu de temps avant la publication de cette Instruction, il avait entrepris la feuille hebdomadaire indiquée plus haut.

Cette feuille publie les édits et les mandemens épiscopaux concernant le ministère des âmes et l'administration spirituelle et temporelle des paroisses. On y annonce les visites épiscopales, les noms des candidats reçus au séminaire, les proclamations pour les saints ordres, les concours pour les paroisses, les nominations; et enfin les noms des ecclésiastiques décédés afin qu'on prie pour eux, les aumônes recueillies dans le diocése pour des œuvres pies, et autres choses de ce genre.

Outre la chronique diocésaine dont nous venons de parler, la Semaine ecclésiastique d'Eystatt renferme des choses du plus grand intérêt soit pour la science sacrée, soit pour la pratique du ministère. Nous croyons devoir les ranger en plusieurs classes.

La première contient les décrets récents du Saint-Siége Apostolique et les décisions des SS. Congrégations Romaines, qu'il importe grandement aux prêtres catholiques de bien connaître. Non seulement le clergé d'Eystatt en est instruit presque dès leur apparition, mais la collection de la Semaine devant être conservée dans les bibliothèques paroissiales avec le plus grand soin, il les a continuellement sous sa main et il peut les consulter lorsqu'il en a besoin. Il arrive quelquefois que les décrets sont accompagnés de notes explicatives, que l'on prend dans les meilleurs auteurs anciens et modernes.

Dans la seconde classe se trouvent les décisions émanées de l'évêque d'Eystatt sur les questions douteuses qui lui sont déférées. Elles concernent le ministère des âmes, le gouvernement des paroisses etc. Ce sont les conférences cantonales ou des ecclésiastiques en particulier qui les soumettent à l'évêque pour obtenir son avis et sa décision. Ces consultations donnent lieu aux profondes études qu'exige la résolution des questions proposées; on y recueille les constitutions apostoliques, les dé

crets des SS. Congrégations, canons des conciles, statuts synodaux, ainsi que les faits puisés aux sources de l'histoire.

Nous rangeons dans la troisième classe les dissertations sur divers sujets des sciences sacrées, choisies parmi celles que rédigent les membres des conférences et qui sont toutes adressées à l'évêque. Nous énumérons quelques-uns des sujets qui ont été traités dans les conférences et qui ont été insérés ensuite dans la feuille hebdomadaire. On y a parlé du triple effet du Saint Sacrifice, de la messe paroissiale, des congrégations de garçon et de filles, de la fréquentation des sacremens et des moyens de l'encourager, du serment et des remèdes du parjure, de la direction des écoles, du culte de la Sainte Eucharistie, de celui de la Sainte-Vierge, de la fréquentation des cabarets par les ecclésiastiques etc. Ces sujets et d'autres 'qu'on a également traités tendent à expliquer et à développer certains points de l'Instruction pastorale, et à exciter dans le clergé une sainte ardeur pour l'étude des sciences sacrées.

Enfin on remarque dans la feuille épiscopale des travaux qui n'ont pas été faits pour les conférences, et sont le fruit de certaines études spéciales. Ce sont principalement des recherches historiques, des études sur l'antiquité ecclésiastique. Ainsi, l'his toire des conciles et des synodes auxquels assistèrent ou que présidèrent les évêques d'Eystatt à partir de l'établissement de diocèse; l'histoire et le rit de Semaine Sainte, la discipline de l'Eglise touchant le baptême, la pénitence et les indulgences; on examine l'antiquité et la forme du culte du Sacré-Cœur de Jésus, de la Sainte Eucharistie; on recherche l'ancienneté des traditions d'Eystatt sur l'Immaculée-Conception de la SainteVierge; vie de quelques saints et serviteurs de Dieu qui ont fleuri dans le diocèse.

Le volume de 1858 renferme la première partie d'une chronique dans laquelle on fait l'histoire du culte de la SainteVierge dans le diocèse d'Eystatt; c'est une histoire de toutes les églises construites sous l'invocation de la Mère de Dieu dans le diocèse, par laquelle on prouve jusqu'à l'évidence que la religion catholique s'est introduite, s'est propagée et s'est rétablie après la destruction des hérésies dans le diocèse sous les auspices de la Sainte-Vierge. Pour élever ce beau monument à la gloire de Marie, Mgr l'évêque en a fait recueillir les matériaux par son clergé pendant trois années.

Nous remarquons enfin certaines pièces, qui ont été insérées dans le recueil, parce qu'elles se rapportent à l'histoire du diocèse. Ainsi, la collection des hymnes en l'honneur de S. Willibald patron d'Eystat qui remontent au 9e siècle; de même le voyage de S. Willibald à Rome et en Terre-Sainte, dont le clergé a offert une nouvelle édition enrichie de notes à Mgr l'évêque l'an dernier, au moment de son retour de Rome.

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ANALECTA JURIS PONTIFICII.

TRENTE-TROISIÈME LIVRAISON.

LE B. ODON DE NOVARE

CHARTREUX.

Confirmation du culte.

L'Eglise de Jésus-Christ toujours fidèle à la mission qu'elle a reçue de son divin fondateur annonce aujourd'hui comme elle l'a fait depuis l'origine, la doctrine de salut dont elle est dépositaire et gardienne; elle l'annonce dans toute sa pureté et dans toute son intégrité; elle la défend contre les attaques incessantes de l'esprit d'erreur qui emploie contre elle tous les moyens possibles ou de violence ou de séduction; elle poursuit en un mot son glorieux et saint ministère avec l'assistance de l'Esprit Saint qui lui a été promise et sera toujours avec elle jusqu'à la consommation des siècles. Notre pensée n'est pas de rappeler ici les preuves irréfutables qui établissent de la manière la plus évidente la divinité du ministère dont l'Eglise est investie. Qu'il nous suffise de dire un mot au sujet d'un privilége qu'elle seule possède et qui constitue l'un des caractères distinctifs de son enseignement, nous voulons parler de sa merveilleuse fécondité.

L'enseignement de l'Eglise est fécond, c'est à dire que la parole évangélique annoncée au monde par le sacerdoce catholique est comme une semence qui produit dans les âmes qui la reçoivent des fruits de justice et de sainteté. Une force vivifiante et toute divine accompagne cette semence, la fait germer dans les cœurs et c'est ainsi que se forment ici-bas, pour la glorification de Jésus-Christ et la consolation de l'Eglise, des justes et des saints.

Les annales de l'histoire sacrée nous montrent qu'à toutes les époques, dans tous les pays et dans tous les rangs il y eut une infinité d'âmes qui dociles à recevoir les enseignements de l'Eglise et à suivre sa direction, toujours infaillible, ont fait revivre en elles l'esprit de Jésus-Christ et ont été dans leur conduite des images vivantes de la morale évangélique. Mais audessus de cette masse imposante de fidèles nous voyons, comme dans une région supérieure, s'élever certaines figures qui brillent d'un éclat tout particulier; une auréole lumineuse les entoure et leurs noms bénis, répétés d'âge en âge par toutes les bouches catholiques, sont entourés de respect, de confiance, et d'amour. Ces grandes et belles figures ce sont celles des apôtres, des martyrs, des vierges, des pontifes, des confesseurs, des solitaires, des fondateurs d'ordres religieux avec le cortége

de leurs imitateurs, en un mot ce sont toutes ces âmes généreuses qui ont poussé la pratique de toutes les vertus chrétiennes jusqu'à l'héroïsme, que Dieu s'est plu à orner des dons les plus merveilleux et dont on peut résumer la vie, comme celle de leur maître, par ce mot à la fois si simple et si profond. Ils ont passé en faisant le bien, ce sont des saints.

Dès l'origine l'Eglise vit avec joie les transports d'admiration et les témoignages de piété dont les peuples aimèrent à entourer la mémoire de tous ces héros du christianisme: elle vit dans ces élans populaires la source d'une sainte émulation en même temps qu'un gage des bénédictions d'en haut. Mais en même temps elle veilla avec la plus grande sollicitude en vue de prévenir les abus que le zèle indiscret des fidèles aurait pu occasionner.

Les Souverains Pontifes ont érigé un tribunal chargé de discuter et de juger les affaires de béatification et de canonisation des Saints avec toute la maturité qu'elles méritent. La Congrégation des rites, établie comme l'on sait par Sixte V est particulièrement occupée de ce grand objet. Les procédures que l'on est tenu de suivre pour arriver à un jugement de béatification et de canonisation sont longues et rigoureuses. Pour en avoir une idée exacte et complète comme aussi pour toucher du doigt la profonde sagesse des lois de l'Eglise à cet égard, l'on doit étudier l'immortel ouvrage de Benoît XIV intitulé de beatificatione et canonizatione Servorum Dei.

Ce sont surtout les célèbres décrets du pape Urbain VIII, rendus en 1625 et confirmés le 5 juillet 1634 qui ont tracé la marche à suivre dans toutes les causes de béatifications et de canonisations; mais en établissant ces règles, le pape déclara en même temps: Se nolle ullum praejudicium inferre iis (servis Dei) qui aut per communem Ecclesiae consensum, vel immemorabilem temporis cursum, aut per patrum, virorumque sanctorum scripta, vel longissimi temporis scientia ac tolerantia Sedis Apostolicae, vel ordinarii coluntur. Ainsi la bulle d'Urbain VIII a reconnu des cas privilégiés. Lorsque les serviteurs de Dieu sont en possession d'un culte public par un indult du Pape, par une permission de la Congrégation des Rites, par le consentement de l'Eglise universelle, par l'autorité des pères et des écrivains ecclésiastiques, ou enfin par une tradition immémoriale, cet usage forme en leur faveur un titre de prescription qui s'appelle béatification équipollente.

Conformément au décret général de la S. C. des Rites, en date du 16 décembre 1826, confirmé par le pape Léon XII le 20 du même mois, on commence par proposer en congrégation ordinaire et l'on discute le Dubium suivant: An constet de casu excepto a decretis sa. me. Urbani PP. VIII. Le promoteur de la foi, auquel on communique toutes les pièces ori

ginales et tous les documents officiels est admis à faire ses animadversions, puis les postulateurs de la cause peuvent y répondre. Si les Emes Cardinaux se prononcent pour l'affirmative on introduit en second lieu, dans une nouvelle congrégation l'instance pour la concession de l'office et de la messe et le promoteur de la foi est entendu comme dans la première instance.

La S. Congrégation des Rites a été tout récemment saisie d'une instance relative à un cas privilégié. Il s'agissait du bienheureux Odon de Novare, religieux prêtre de l'ordre des chartreux jouissant dans l'Eglise d'un culte public depuis un temps immémorial. Voici le resumé succint des faits exposés dans l'instance que le postulateur de la cause a présentée à la S. Congrégation.

Personne n'ignore qu'à toutes les époques de son histoire l'ordre des chartreux compta dans son sein un grand nombre d'hommes en qui brillèrent les vertus les plus héroïques et qui moururent en grande réputation de sainteté. Parmi ces glorieux disciples de S. Bruno nous voyons briller d'une manière spéciale le bienheureux Odon qui naquit à Novare, vers l'an 1100. Appelé de bonne heure à suivre une sainte vocation il renonça généreusement à tous les biens périssables pour embrasser la vie religieuse dans le monastère des chartreux qui se trouvait en un lieu appelé Casotta, non loin de son pays natal. Il reçut les ordres sacrés et se distingua parmi tous ses frères par l'austérité de sa vie, par l'amour du silence et des règles cénobitiques, par le goût des choses divines et surtout par son éminente piété envers Dieu. Son âme était si pure et si richement douée des trésors de la grâce qu'aucune pensée profane, ne vint jamais, même durant son sommeil, en troubler l'admirable candeur. Aussi sa réputation de sainteté se répandit-elle rapidement dans tout son ordre et l'on en vint tout naturellement à penser qu'un homme tel que lui serait parfaitement propre à conduire les autres. C'est pourquoi nous le voyons bientôt élu comme abbé dans le monastère de Tadère en Ïllyrie ou comme le prétendent certains auteurs, de Seiz dans la Styrie.

İlly

Mais quelque temps après, des controverses judiciaires furent soulevées entre un certain évêque et le monastère d'Odon; se voyant contraint de défendre les droits de son couvent et redoutant souverainement les querelles et le tumulte, notre saint abbé, qui s'était retiré dans le cloître pour y trouver la so litude, alla sans retard trouver le pape Clément III et le supplia instamment de lui accorder la grâce de se démettre de la charge dont il était revêtu. Sa prière ayant été exaucée, il gagna les montagnes du pays des Marses en Italie, parvint harassé de fatigue au lieu appelé Tagliacozzo et fut reçu avec la plus grande charité dans l'hospice qui se trouvait bâti tout proche d'un monastère de religieuses à côté d'une Eglise dédiée aux martyrs SS. Côme et Damien. Or l'abbesse dudit monastère, qui était proche parente du Souverain Pontife frappée d'admiration en voyant la sainte gravité et la modestie de cet homme pensa, non sans raison, qu'il devait être parfaitement à même de bien diriger des religieuses. Après en avoir demandé la permission au Pape elle obtint à force de prières qu'Odon devint son guide dans les voies de la perfection et elle lui fit construire à côté du monastère une toute petite cellule où ce saint homme pratiqua d'une manière admirable la pauvreté, l'abstinence et les plus rudes austérités.

Plein de zèle pour exercer les fonctions du saint ministère, pour annoncer la parole divine et enflammer les religieuses d'un amour de plus en plus grand pour la perfection, il employait en outre ses petits moments de loisir à s'acquitter de quelques travaux manuels.. Dieu se plut à accroître sa réputation par l'éclat des miracles. Parvenu à une vieillesse très avancée, à peu près cent ans, il comprit que sa mort était imminente; la veille du jour où elle arriva, c'était aux ides de janvier de l'an 1196, le clergé du pays se trouvant auprès

de lui, il l'exhorta de la manière la plus touchante à la charité envers Dieu, puis il prédit que sa mort arriverait le lendemain. Il défendit de l'enterrer avec pompe, et voulut que son corps ne fut enveloppé que dans le pauvre sac qui lui servait de vêtement. Le jour d'après, on le vit tout absorbé dans les plus célestes aspirations, puis il s'endormit paisiblement dans les bras du Seigneur.

Des miracles signalés et nombreux suivirent, disent les historiens, la mort de notre bienheureux. Environ quarante ans après, son corps fut extrait du lieu où il avait été primitivement enseveli et on le transporta, avec les plus grands honneurs, auprès de l'autel des SS. Côme et Damien.

I. Preuves du culte immémorial.

Depuis lors et jusques à nos jours Odon n'a pas cessé d'être honoré d'un culte public, et il serait beaucoup trop long de raconter toutes les grâces insignes obtenues par son intercession. Les habitants du pays où il mourut ne tardèrent pas à lui dédier une chapelle, à laquelle un bénéfice ecclésiastique fut attaché et le culte, que ses contemporains lui vouèrent, dès après sa mort, après avoir heureusement traversé le cours des siècles est parvenu jusqu'à nous sans souffrir d'interruption. C'est pourquoi d'instantes supplications ont été adressées au S. Siége apostolique afin qu'il daignât approuver et confirmer ce culte qui remonte à un temps immémorial.

En premier lieu il est certain que les contemporains euxmêmes, ceux qui avaient connu Odon et vécu avec lui furent les premiers à lui donner le nom de bienheureux et de saint. Car la réputation des miracles, opérés par son intercession s'étendant de jour en jour et étant parvenue jusqu'à Rome, le Souverain Pontife Grégoire IX, par lettres rémissoriales, datées du 4 des ides de décembre de l'an 1240, chargea l'abbé de Turano et le frère Pierre gardien du couvent des Mineurs, de faire une enquête juridique sur la vie et les miracles d'Odon en disant que viri tanti memoria non debeat apud homines deperire. Or, les dépositions faites, sous la foi du serment, par un très grand nombre de témoins contemporains montrent évidemment que dès cette époque Odon- fut considéré et honoré comme saint. Voici en particulier ce que déposa l'archiprêtre Odéric l'un des témoins. Il dit, entr'autres choses, avoir connu le bienheureux Odon... que l'abbesse du lieu fit construire pour le bienheureux Odon une petite cellule... dans laquelle ce saint homme se fit lui-même un lit de sarmens etc. Le bienheureux Odon avait prédit sa mort dès la veille du jour où elle arriva etc. Un autre témoin nommé Jean chanoine de l'église de Marano déclara: qu'il avait connu le bienheureux Odon vieillard quasi-centenaire etc.

Le témoin Odéric prénommé raconta ensuite le fait de la translation du corps dans les termes suivants: Le bienheureux Odon lui apparut à lui-même durant une nuit et lui ordonna de dire à l'abbesse du monastère de faire extraire son corps du lieu où il avait été enterré et de le faire porter dans l'Eglise auprès de l'autel; mais comme le témoin craignait que ce ne fùt qu'une illusion, le saint lui apparut tout rayonnant de clarté une seconde et une troisième fois, pour lui réitérer son commandement. S'étant donc décidé à raconter sa vision à l'abbesse, celle-ci, après avoir convoqué le clergé et le peuple du lieu, fit ouvrir le tombeau du bienheureux Odon, dont le corps fut trouvé tellement bien conservé que les cheveux de la tète n'étaient point tombés et que son visage était à peine changé, le corps était tout entier avec ses chairs et après l'avoir pieusement enveloppé dans un pluvial les clercs le transportèrent dans l'église. Interrogé quel jour la chose s'était passée le témoin répondit que ce fut le dimanche après Pâques. Il ajouta ensuite qu'aussitôt après la translation du corps la puissance divine commença à éclater par de nombreux et grands miracles et cela à l'invocation du nom du bienheureux

Odon. Il raconte en particulier qu'une jeune fille atteinte à un œil d'une maladie incurable s'étant approchée du corps fut guérie instantanément en plaçant le doigt du saint sur son œil etc. Plusieurs autres témoins racontent avoir assisté à l'ouverture du sépulcre d'où s'exhala une odeur des plus suaves, puis à la translation solennelle du corps effectuée par le clergé qui vint processionnellement avec la croix en tête, des encensoirs et de l'eau bénite etc. D'autres, en grand nombre, racontent des guérisons miraculeuses opérées instantanément et pour des maladies déclarées incurables.

C'est ce qui explique non seulement l'affluence des particuliers mais encore les visites faites par les évêques eux-memes au tombeau d'Odon. Le 24e témoin rapporta qu'il avait vu l'évêque s'approcher de ce tombeau avec les témoignages du plus profond respect etc... On vit parfois des populations entières s'y rendre processionnellement et avec la plus grande pompe, comme on a coutume de visiter les sanctuaires les plus célèbres. Aussi le témoin XI raconte qu'une personne frappée d'aliénation mentale ayant recouvré miraculeusement la raison retourna dans ladite église avec le clergé et le peuple de la ville de Tufo pour rendre à Dieu et au corps du saint de solennelles actions de grâces. Enfin le témoin XXVII_rapporte que la renommée du bienheureux Odon croissant de plus en plus au sein de toutes les provinces adjacentes on vit les peuples accourir de toutes parts en chantant et la croix en tête pour visiter dévotement le corps du saint.

Il est facile, en voyant tous ces témoignages, de comprendre pourquoi les commissaires apostoliques chargés par Grégoire IX de faire l'enquête employèrent toujours les mots de saint et de bienheureux pour désigner Odon, au sujet duquel le Pape lui-même avait dit: Viri tanti memoria non debet apud homines deperire.

Les historiens qui ont dans la suite parlé d'Odon l'ont également appelé du nom de saint. Nous lisons, en effet, dans la chronique de S. Germain, rapportée dans l'ouvrage d'Ughelli, intitulé Italia sacra, (édition de 1647, tom. 3, pag. 953). » Année MCCXXXVII. Au mois de mai, dans la ville de Tagliacozzo dans le pays des Marses on découvre saint Odon qui fut célèbre à cause de ses miracles. »

Une autre preuve de la piété et de la vénération dont le bienheureux Odon fut l'objet dès l'origine, c'est qu'on lui dédia une chapelle à laquelle on joignit un bénéfice ecclésiastique. Sur la fin du 15e siècle, avant l'an 1482, l'on trouve une mention authentique des bénéficiers attachés à cette chapelle. En effet dans l'acte de collation consenti par l'abbesse du monastère des SS. Côme et Damien, le 2 novembre 1842, sous le pontificat du pape Sixte IV, nous trouvons le passage suivant: » Hinc est quod vacante olim capella sancti Odonis beneficio » et praebenda in dicta ecclesia per mortem Domini Speranza » de Castro Manandis ultimi possessoris capellae... te praesentamus ac etiam confirmamus tibi etc. Dantesque tibi in praedicta cappella, beneficio et praebenda potestatem adminis» trandi... Mandamus omnibus nostris clericis et canonicis ut » te recipiant in dicta cappella etc.

Or, tout ce qui vient d'être mentionné pour prouver le culte rendu au bienheureux Odon est bien antérieur à la fameuse période centenaire requise par les décrets d'Urbain VIII. L'antiquité immémoriale de ce culte est donc on ne peut plus certaine.

Quant à cette période elle-même de cent ans (1534, 1634) les documents deviennent encore plus nombreux et plus explicites. En l'année même où commence ce siècle, c'est à dire le 19 juillet 1534 nous voyons le patron de l'Eglise nommé Jérome Tamon présenter à l'approbation de l'abbesse des saints Côme et Damien la nomination comme recteur de la chapelle de S. Odon, un certain Santino Tagliacozzo. Dans la supplique, qu'il adresse à l'abbesse, Tamon dit qu'il agit en vertu de l'antique droit de patronage et de présentation.

Une chose également bien digne de remarque, c'est que le nom et le culte du bienheureux Odon étaient parvenus jusque dans la ville d'Anvers avant l'année 1543. Car dans une édition des Bollandistes, publiée dans cette ville en 1543, l'on peut lire au tome 1er, sous la date du 14 janvier, le passage suivant: « Odonis Carthusiani nomen... miraculis... certe et religioso hominum ad ejus sepulchrum concursu ita a quatuor saeculis et quod excurrit celebrem fuisse constat, ut Gregorius IX... de eo in sanctorum album adscribendo egerit. » L'on cite encore un autre acte public de présentation, daté du 18 novembre 1551 suivi de l'approbation de l'abbesse du monastère. Un peu plus tard, l'on trouve une sentence rendue par le vicaire-général du Mont-Cassin le 13 juillet 1580, pour déclarer à qui appartient le droit de patronage sur la chapelle et le bénéfice fondés sous l'invocation du bienheureux Odon. Le 1er février 1599 le seur Pedoni fut cité à comparaître devant le vicaire-général à l'effet de justifier du titre en vertu duquel il détenait la chapelle de saint Odon, et le 28 avril de la même année, il fut déclaré contumace et condamné par sentence du vicaire-général comme possesseur illégitime de ladite chapelle de saint Odon. Que si l'on rapproche les faits qui précèdent de ceux qui vont être ci-après rapportés, l'on ne pourra qu'être parfaitement convaincu que la chapelle et le bénéfice du bienheureux Odon continuèrent d'exister durant les siècles suivants.

En effet, à la date du 2 janvier 1646 un certain abbé Guidanelli attesta qu'à l'époque où il se trouvait en qualité de sacristain à l'église des SS. Côme et Damien, le nommé Pedoni (dont il a été parlé ci-dessus sous la date du 1er février 1599) fit construire la muraille sous l'arcade telle qu'on la voyait encore alors, sauf toutefois l'ornementation de la chapelle du bienheureux Odon faite avec les aumônes de la princesse Colonna. Il ajoutait avoir vu bien des fois ledit Pedoni célébrer la messe dans ladite chapelle et notamment le jour de la fête du bienheureux où il chantait la messe et vêpres.

Ainsi donc jusqu'en 1646, c'est à dire pendant la première moitié du 17° siècle, la chapelle d'Odon subsista et il y reçut, comme par le passé, un culte public. D'autre part, de nombreux ouvrages édités dans les années 1616, 1618 et 1627 renferment l'éloge de notre saint. L'on peut citer en particulier Abraham Bzovio dont les annales ecclésiastiques furent réimprimées à Cologne en 1616. Sous l'année 1240, il parle d'Odon comme d'un saint que de nombreux miracles rendirent célèbre; il raconte la découverte et la translation merveilleuses de son corps et il mentionne l'odeur si suave qui s'exhala de son sépulcre et qui portait tous les assistants à la dévotion. Dans la mème ville de Cologne, en 1618, Garnefelt publia un Catalogue des saints de l'ordre des chartreux dans lequel il fait le plus grand éloge du bienheureux Odon; et en 1627 il parut à Rome un ouvrage composé par un prêtre de la congrégation de l'oratoire, et ayant pour titre: Pretiosae mortes justorum ex variis probatisque auctoribus collectae. A la p. 405 on y voit la vie abrégée et la mort si édifiante d'Odon qu'il ne craint pas d'appeler vir sanctus.

Après avoir ainsi prouvé l'existence du culte du bienheureux depuis l'époque de sa mort jusqu'à la publication des décrets d'Urbain VIII, on passe à l'exposé des faits qui établissent de la manière la plus évidente que ce culte n'a pas cessé jusqu'à nos jours. Voici le résumé succint des faits les plus importants:

Dans la visite épiscopale faite en 1648, l'évêque fait mention du bienheureux Odon, du bénéfice attaché à la chapelle et du droit de patronage appartenant à la famille Pedoni; et dans la visite faite le 20 septembre 1650, l'évêque « visita les reliques conservées dans la chapelle du bienheureux Odon et il y trouva surtout des os dicti divi Oddi. Il prescrivit en outre de former un tableau de toutes ces reliques et de l'afficher publiquement dans l'Eglise. Un manuscrit très ancien mentionne également un très grand nombre de fondations dans la chapelle

d'Odon, notamment dans les années 1649, 1655, 1672 et 1673. D'autre part les historiens du siècle dernier parlent avec éloge du culte rendu aux reliques d'Odon et des largesses faites par les fidèles pour orner de plus en plus sa chapelle. C'est ce que l'on voit en particulier dans la vie des hommes célèbres du pays des Marses publiée à Rome en 1722 par Pierre Antoine Corsignani, ainsi que dans un autre ouvrage intitulé Regia Marsicana du même auteur publié à Naples en 1738. Mais le document le plus précieux à cet égard ce sont les lettres solennelles du vicaire général du Mont-Cassin en date du 3 octobre 1738, et dans lesquelles nous trouvons les passages suivants: «< Speciali commissione Illmi et Rmi Dñi Patris D. Ildephonsi del Verme abbatis sacri Montis Casini etc... Sacrum corpus B. Oddonis Carthusiensis monachi atque abbatis etc... Ejusque sacra ossa solemniter transferentes, ex armario quodam obsignato in parte posteriori Arae majoris matricis, parochialisque ecclesiae sancti Cosmae et Damiani d. Terrae Taleacotii Montis Casinensis jurisdictioni plenarie, ac private quoad quemcumque alium subjectae, ad proprium, atque in meliorem formam constructum altare, et sacrum beati pignus ex capsa quadam lignea, in qua sex ab hinc annis... provisionaliter repositum reperiebatur, in nova bene compacta urna lignea inaurata... reponentes. >> Puis avant de sceller l'urne il retira trois parcelles d'os du bienheureux qu'il renferma dans un petit reliquaire qui fut scellé selon l'usage, et qu'il remit entre les mains du P. abbé du Mont-Cassin: « Cum facultate apud se retinendi, alteri donandi, et in qualibet Ecclesia vel Oratorio publicae fidelium venerationi collocandi ac exponendi. » L'on possède également dans les archives du Mont-Cassin une foule de pièces qu'il serait beaucoup trop long d'énumérer et qui mentionnent la chapelle du bienheureux Odon, ou la nomination des chapelains qui s'y sont succédés. Ces pièces embrassent la période qui s'est éculée depuis 1723 jusqu'en 1780.

Enfin dans l'enquête juridique faite au mois de janvier 1858, l'audition d'un très grand nombre de témoins, dont plusieurs étaient fort âgés, a clairement démontré que depuis la fin du siècle dernier jusqu'à nos jours le bienheureux Odon n'avait pas cessé de jouir dans le pays du culte public dont il est en possession depuis un temps immémorial. Citons pour donner une idée de ces dépositions, qui renferment toutes à peu près les mêmes détails, celle du curé actuel de la paroisse des SS. Côme et Damien, lequel après avoir prêté serment a déclaré ce qui suit: « Moi soussigné âgé de 59 ans, né le 17 septembre 1799 à Tagliacozzo où j'ai toujours demeuré, je déclare que depuis ma plus tendre enfance j'ai toujours vu la population de ce pays honorer d'un culte les reliques du bienheureux Odon le chartreux, lesquelles se trouvent à un autel érigé en son honneur dans l'église des SS. Côme et Damien de cette ville. La commune en a toujours célébré la fête, à ses propres frais, le 14 janvier de chaque année qui est le jour anniversaire de la mort du bienheureux. En outre, en ma qualité de curé de ladite paroisse, depuis l'année 1832, j'ai toujours célébré les premières et les secondes vêpres, ainsi que la messe solennelle, audit jour de chaque année, à l'autel susindiqué, messe qui a toujours été, comme cela se pratiquait sous mes prédécesseurs, celle de communi abbatum de première classe avec l'oraison Intercessio; aux secondes vèpres j'ai donné la bénédiction avec deux croix qui, selon la tradition antique, ont été portées par le bienheureux et que le peuple et les religieuses ont ensuite baisées dévotement. J'ai vu tous les vendredis, une lampe brûler devant l'autel du bienheureux, et j'ai su par la tradition qu'il en avait toujours été ainsi, et cela aux frais des religieuses bénédictines de cette ville. Je sais encore qu'à l'autel susmentionné et dédié au bienheureux il s'est toujours célébré et il se célèbre encore des messes pour acquitter des legs pieux qui y sont annexés. Enfin j'ai entendu dire que la caisse en pierre, qui se trouve actuellement sous l'orgue de l'église des SS. Côme et Damien,

est celle dans laquelle fut déposé le corps du bienheureux à l'époque de sa mort. »

Un autre témoin, âgé de 68 ans environ, confirme tout ce qui précède et de plus mentionne qu'en sa qualité de curé, il a lui-même imposé au baptême le nom du bienheureux à plusieurs enfants et que son neveu, qui est prêtre, le porte également.

Nous voyons dans une autre déposition que le peuple et la municipalité de l'endroit comptent Odon au nombre de leurs protecteurs et patrons, et cela parce que le jour de sa fète il délivra le pays des malheurs dont un tremblement de terre les avait menacés.

En attestant ce qu'ils rapportent, tous les témoins ont le soin d'ajouter que non seulement ils l'ont vu par eux-mêmes mais qu'en outre ils ont entendu les anciens du pays raconter les mêmes choses et dire qu'elles s'étaient faites de tout temps, ainsi que l'ancienne tradition le leur avait appris.

Les choses étant ainsi, personne ne saurait mettre en doute le culte qui a été rendu au bienheureux Odon depuis un temps immémorial jusqu'à nos jours sans la moindre interruption. Il serait peut-être même difficile de trouver un autre saint qui ait reçu, aussitôt après sa mort, des honneurs aussi nombreux et aussi caractéristiques. Nous voyons, en effet, qu'un autel et une chapelle lui sont dédiés, des bénéfices ecclésiastiques y sont annexés par la piété des fidèles, des contrées même lointaines les peuples accourent en foule et processionnellement pour vénérer ses restes mortels, ou pour lui rendre de solennelles actions de grâces, ou pour invoquer son puissant secours auprès de Dieu; le pays le choisit comme l'un de ses patrons, son nom est donné aux enfants sur les fonts baptismaux et sa fête est célébrée tous les ans avec la plus grande pompe. L'on voit encore les riches et les ecclésiastiques de la contrée rivaliser de zèle pour orner de plus en plus la chapelle du saint, et ses reliques, conservées comme un trésor inestimable et un gage précieux des bénédictions d'en Haut, reçoivent journellement les hommages de la plus profonde vénération ainsi que les prières des fidèles. Or, toutes ces marques irréfragables du culte public rendu au bienheureux Odon se trouvent établies, comme on l'a vu plus haut, par des documents innombrables et dont l'authenticité ne laisse absolument rien à désirer.

II. Animadversions du promoteur de la fol

Le promoteur de la foi commence par avouer qu'on ne saurait nier le culte dont Odon a joui dans le diocèse de Marsi depuis un temps immémorial. On se demande toutefois si ce culte est tel qu'il doive être confirmé par le S. Siége. Deux difficultés principales semblent s'y opposer. En effet, comme l'enseigne Benoît XIV dans son livre: De servorum Dei beatificatione 1. 1, cap. 40, n. 4. Satis profecto non est publici cultus antiquitatem demonstrare, scientiamque et tolerantiam episcoporum, si suspicio legitima habeatur de sensu Sedis Apostolicae potius adverso, quam favorabili cultui praedicto. Il faut donc en supposant le culte connu et toléré par les évêques, prouver en outre que le sentiment du S. Siége ne lui pas été plutôt contraire que favorable. Or, ainsi que Benoît XIV le dit dans le chapitre précité: « Cum duplex sit » permissio, alia scilicet approbans, alia suspendens, approbans » utique illa est quae sibi vindicat locum in beatificatione, sive » de aequipollenti... Permissio postea suspendens ea est, per » quam, habita notitia cultus erga aliquem Dei servum ab antiquo tempore exhibiti, quique adhuc exhibetur in aliqua » dioecesi aut provincia, Sedes Apostolica, licet ad ejus remo» tionem, ne populorum tumultus excitet, minime procedat; explicíte tamen, vel implicite protestatur, se eum non ap probare. » Il s'agit de prouver qu'une protestation de ce genre n'existe point de la part du S. Siége au sujet du culte d'Odon.

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