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MANUEL

7134*37

DU LIBRAIRE

ET

DE L'AMATEUR DE LIVRES

CONTENANT

1° UN NOUVEAU DICTIONNAIRE BIBLIOGRAPHIQUE

Dans lequel sont décrits les Livres rares, précieux, singuliers, et aussi les ouvrages les plus estimés en tout genre,
qui ont paru tant dans les langues anciennes que dans les principales langues modernes, depuis l'origine de
l'imprimerie jusqu'à nos jours; avec l'histoire des différentes éditions qui en ont été faites; des renseignements
nécessaires pour reconnaitre les contrefaçons, et collationner les anciens livres. On y a joint une concordance
des prix auxquels une partie de ces objets ont été portés dans les ventes publiques faites en France, en Angleterre
et ailleurs, depuis près d'un siècle, ainsi que l'appréciation approximative des livres anciens qui se rencontrent
fréquemment dans le commerce;

2° UNE TABLE EN FORME DE CATALOGUE RAISONNÉ

Où sont classés, selon l'ordre des matières, tous les ouvrages portés dans le Dictionnaire, et un grand nombre
d'autres ouvrages utiles, mais d'un prix ordinaire, qui n'ont pas dû être placés au rang des Livres ou rares

ou précieux;

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LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET C1®
IMPRIMEURS DE L'INSTITUT, RUE JACOB, 56

1861

Koninklike
Bibliothick

1. s Mage.

Nous croyons faire plaisir aux souscripteurs à la nouvelle édition du Manuel du Libraire et de l'Amateur de livres en choisissant parmi les articles qui ont paru en France, en Angleterre et en Allemagne au sujet de ce livre, ce qu'un critique aussi éminent par son savoir que par l'élégance de son style, et qui est, en outre, un bibliophile du goût le plus délicat, a écrit dans le Journal des Débats, en y annonçant cette édition, publiée pour la cinquième fois par M. Jacques-Charles Brunet avec un dévouement infatigable.

A.-F. DIDOT.

L'auteur de l'ouvrage intitulé: Manuel du libraire et de l'amateur de livres, M. Charles Brunet, donne une nouvelle édition de son excellent livre. Ce sera, de compte fait, la cinquième. Le public, ce public d'élite qui aime les livres, ne s'est pas lassé d'acheter l'ouvrage de M. Brunet; M. Brunet ne s'est pas lassé d'améliorer son œuvre, l'augmentant, la développant, sachant même se plier, quoique sans complaisance servile, à la mode et aux fantaisies des bibliophiles. Ainsi le modeste ouvrage qui parut pour la première fois en 1809 sous la simple forme d'un manuel, et qui en a conservé le titre, est devenu un répertoire immense de la science bibliographique.

Cette nouvelle édition enchérit beaucoup sur la quatrième, qui elle-même avait effacé les précédentes. Trois livraisons en ont déjà paru. L'ouvrage entier formera six volumes, divisés chacun en deux parties. Il sort des presses de Firmin Didot. C'est assez dire que les caractères en sont nets et agréables à l'œil, le papier excellent, et qu'il n'y manquera rien de ce qui peut constituer un chef-d'œuvre de typographie. M. Brunet en pousse lui-même l'impression avec vigueur; l'âge, en ajoutant à ses vastes connaissances bibliographiques et en lui donnant ce besoin du fini et du parfait que la jeunesse éprouve peu, n'a d'ailleurs rien diminué de ses forces, de son zèle, je dirais pres

a

que de sa passion. Le feu sacré vit toujours dans cette âme vouée à l'amour des livres et des lettres!

Car M. Brunet n'est pas seulement un bibliographe; c'est encore un bibliophile, un lettré. En travaillant pour les autres, il travaille pour lui-même. Il satisfait son goût, en nous donnant les moyens de satisfaire les nôtres. Son cabinet est un des plus beaux et des plus riches de Paris. Si quelquefois il semble blâmer les hauts prix auxquels la concurrence des amateurs a porté les raretés, les curiosités, les reliures aux armes, ne l'en croyez pas trop sur parole; c'est un hommage que sa raison se croit obligée de rendre à la morale bibliographique et aux principes sévères; la passion n'y perd rien. M. Brunet a fait ses folies comme nous tous, et serait très-capable d'en faire encore. Je l'ai vu dans les salles de vente, en proie à toutes les passions qui agitent les plus simples mortels, tantôt affecter l'indifférence et tourner le dos pendant qu'un mandataire inconnu, mais fidèle, poussait l'enchère pour lui; tantôt se rapprocher de la table par un mouvement involontaire; trahir son secret enfin, et lever le masque, luttant luimême avec vaillance contre un concurrent acharné, jusqu'à ce qu'un dernier coup lui eût assuré le livre, qu'il emportait triomphalement sous son bras, après l'avoir obtenu, il est vrai, à un prix trois fois, dix fois plus élevé peut-être que celui qu'il comptait y mettre. Je l'ai vu aussi, mais rarement, sortir vaincu et atterré. La morale reprenait le dessus alors; triste consolation! Les paroles étaient superbes, le cœur était plein de dépit. Qu'il vaut bien mieux pouvoir dire': Je l'ai payé trop cher, c'est vrai, mais je l'ai !

Si ce sont là des faiblesses, elles n'en rendent M. Brunet que plus aimable et plus cher aux bibliophiles, ses confrères, et je ne doute pas qu'elles n'aient d'ailleurs grandement contribué à la popularité toujours croissante et à la perfection de son livre. Il y a mille choses que M. Brunet n'aurait pas vues si M. Brunet ne les avait pas aimées. La passion seule voit tout, comprend tout, vivifie tout, même un dictionnaire bibliographique. Il y a tel mot qui ne vous dit rien à vous, lecteur indifférent, et qui me dit tout, à moi, parce qu'il exprime un sentiment là où le simple bibliographe n'aurait énoncé qu'un sec jugement. Combien de fois ne m'a-t-il pas semblé, en feuilletant par plaisir le livre de M. Brunet, que tous ces amateurs fameux des siècles passés se relevaient devant moi, les Grolier, les de Thou, les comtes d'Hoym, les La Vallière, les MacCarthy; qu'ils m'introduisaient eux-mêmes dans leurs bibliothèques et qu'ils en exposaient sous mes yeux les richesses; ou bien que j'assistais à leur vente, et que, disposant d'une bourse intarissable, je faisais mon choix parmi ces livres qui sont les pierres précieuses, les fleurons délicats, les ravissantes superfluités de la science et de la litté

rature! C'est le côté séducteur de l'ouvrage de M. Brunet; c'est la part qui en revient au goût et à l'imagination. Le côté utile en est assez connu. Quel est le bibliothécaire qui puisse se passer du fameux Manuel? Quel est le libraire qui ne le consulte pas à toutes les heures du jour? Livre nécessaire, tout le monde en convient. Livre aimable et charmant, les bibliophiles seuls le sentent, et j'ai le courage de le dire.

Revenons à cette cinquième édition. On assure qu'elle sera augmentée de plus d'un tiers. La partie classique en formera toujours la base aussi riche que solide. C'est le fond inébranlable qui supporte tout le reste. Les littératures étrangères y tiendront plus de place, et ce n'est que juste, puisqu'elles en ont pris une immense, à tort ou à raison, dans l'éducation et dans les études. Nous sommes tous devenus un peu Allemands et un peu Anglais, ce qui ne serait pas un mal si nous ne risquions pas, en même temps, de devenir un peu moins Français. Par compensation peut-être, toute cette vieille littérature française que nos pères, dans leur intolérance classique, méprisaient trop, je crois, a repris faveur; vieilles poésies, vieux romans, satires, contes, fabliaux, pamphlets de toute espèce : la nouvelle édition du Manuel leur sera plus largement ouverte. Les éditions originales de nos grands écrivains, qui traînaient sur les quais il y a peu d'années encore, se sont élevées tout à coup à la dignité de livres rares et recherchés, éditions originales de Corneille, de Racine, de La Fontaine, de Bossuet, de La Bruyère, et non sans raison; car ces éditions originales offrent souvent des variantes précieuses. On y retrouve le premier jet, la première pensée des auteurs, quelquefois même un texte plus pur. Il était naturel que M. Brunet leur donnât droit de cité dans son Manuel. Les livres de science, de critique, d'histoire, ont subi comme les autres leurs révolutions. M. Brunet en tient compte. Il ne me paraît un peu rigoureux que pour la littérature contemporaine; il l'était du moins dans les éditions précédentes; mais ce n'est pas à moi de le lui reprocher. Ajournons la littérature contemporaine à une sixième édition.

Lorsque la première édition du Manuel parut en 1809, un savant illustre, M. Boissonade, qui en rendit compte dans ce journal même, s'exprimait ainsi : « Je commencerai • cet article par l'éloge du livre dont je dois rendre compte; c'est commencer comme « il faudrait finir. Je prévois que l'aridité du sujet m'ôtera beaucoup de lecteurs, et je « désire que ceux qui lisent au moins mes premières lignes sachent que j'ai la plus a grande estime pour la science bibliographique de M. Brunet, et que son ouvrage est « excellent. » Que dirait donc aujourd'hui M. Boissonade? Il dirait sans doute que l'ouvrage de M. Brunet, perfectionné d'édition en édition, fruit de cinquante années d'étu

D

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